Geoffroy Roux de Bézieux propose aux syndicats d’ouvrir 8 chantiers de réformes pour réussir la sortie de crise<!-- --> | Atlantico.fr
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Geoffroy Roux de Bézieux, le chef du Medef, l'association patronale française.
Geoffroy Roux de Bézieux, le chef du Medef, l'association patronale française.
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Le président du Medef est donc sorti de son silence pour préparer la sortie de crise. Il y croit. Mais il pense aussi que les conditions de cette sortie dépendront du dialogue social.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Geoffroy Roux de Bézieux n’a peut-être pas relu le discours d’Antoine Riboud à Marseille en 1972, mais il doit s’en souvenir.

Le président du MEDEF était resté très silencieux pour ne pas gêner la gouvernance politique passablement embourbée dans les complexités administratives, et surtout les incertitudes quant à l’évolution du virus. Les chefs syndicaux, de leur côté, n’ont guère été plus prolixes en propositions et assez prudents dans la cacophonie de critiques qui s’abattait certains jours sur le gouvernement.

Le patronat et les syndicats ont laissé les experts médicaux et les politiques occuper l’espace médiatique, jugeant d’ailleurs que, sur le strict terrain de l‘économie , « le quoi qu’il en coute » du président de la République, mis en musique par Bruno Le Maire à Bercy, aura permis de sauver beaucoup d’actifs de production, de protéger par le chômage partiel le tissu social et le pouvoir d’achat. L’heure n’est pas venue ni pour le patronat, ni pour les syndicats d’hypothéquer les plans de soutien et de relance en s’interrogeant sur la façon dont de telles dépenses seront financées.

En revanche, le patronat comme les syndicats savent bien qu’il faudra dans quelques semaines gérer les dégâts au niveau des entreprises les plus fragiles et accompagner les mutations qui vont s’accélérer (digital, transition énergétique et réindustrialisation), mais le patronat et les syndicats sont convaincus que l’occasion leur est donnée de réformer leur fonctionnement et leur ambition. En bref, la qualité de la reprise économique qui pourrait être violente compte tenu du retard pris, va dépendre de la qualité du dialogue social.

Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a donc proposé à ses partenaires d’inventer un nouveau paritarisme 4.0... Puisque l’ensemble des acteurs du système économique ont brusqué leur digitalisation à tous les étages, aucune raison que les partenaires sociaux qui sont les gérants du modèle social mais aussi garants du climat dans les entreprises, restent en marge de cette évolution systémique.

Le président du Medef a donc envoyé à ses partenaires syndicats une proposition de feuille de route avec huit chantiers pour rénover de fond en comble le dialogue social. Une sorte d’agenda qui couvre la plupart des secteurs qui ont été fortement secoués et qui seront sollicités.

1. La question de la formation professionnelle, mise à mal par le tsunami de la pandémie qui a fait basculer le monde du travail dans le télétravail et dévoiler des envies de reconversions comme jamais. Le monde du travail a dû s’habituer au travail à distance et la formation professionnelle doit évidemment répondre à de nouveaux besoins.

2. L’impact sur l’emploi de l’intelligence artificielle. Si la Covid-19 a provoqué une paralysie de l’activité, la pandémie a aussi ouvert un boulevard au développement de l’intelligence artificielle. Mais l’intelligence artificielle plébiscitée dans la plupart des entreprises suscite aussi beaucoup d’inquiétudes sur le front de l’emploi.

3. Une réforme de la justice prud’homale qui ne satisfait personne. Trop lente pour les uns, trop injuste et trop rapide pour les autres. Trop tributaire de la conjoncture et du niveau de l’emploi où parfois la justice prud’homale sert de variable d’ajustement.

4. L’autonomisation de la branche accidents du travail et des maladies professionnelles.

5. La transition climatique.

6. La transition énergétique.

7. Le rôle et la place du paritarisme dans la gestion des caisses sociales.

8. Le rôle du paritarisme dans la négociation des accords. Ces deux derniers dossiers reviennent clairement à remettre l’Etat à sa place. L’Etat qui dans, un passé récent, a pris des initiatives de réformes sociales sans toujours prévenir ni même informer les partenaires sociaux.

Le chantier du paritarisme est évidemment le plus lourd à porter parce qu’il va s’agir de restaurer un mode de gouvernance qui a été mis mal en point depuis les années 2000. Depuis l’accélération de la mondialisation, depuis la révolution digitale et l’uberisation de la société. Ce chantier est lourd à porter parce que si l’Etat a repris le pouvoir, qui était jadis dans les mains des partenaires sociaux, c’est parce que ceux-ci n’ont pas assumé les responsabilités qui auraient dû être les leurs. Le paritarisme s’est abimé pour des raisons financières, parce lors des crises qui se sont succédées depuis l’an 2000, les systèmes sociaux ont perdu leur équilibre. Sur les retraites, sur l’emploi et le chômage, enfin sur l’assurance maladie, on a laissé filer les dépenses sans organiser les recettes correspondantes parce que ces recettes auraient pesé sur la compétitivité et encouragé encore plus les délocalisations.

Geoffroy Roux de Bézieux ne manque pas d’ambition, il s’attache le soutien de la CPME, il revient à des intentions qui avaient été abandonnées par le Medef alors que les syndicats de salariés ne voulaient pas plus avancer que les patrons.

Du côté de la CFDT ou de la CGT, on accueille ces projets avec satisfaction en saluant ce revirement du côté d’un Medef qui ne voulait « négocier sur rien», mais il faut dire que la crise pandémique ne laissait pas le temps de négocier.

En bref, la CGT veut réfléchir mais ne s’oppose à rien. Du côté de la CFDT, Laurent Berger se félicite que le patronat prône la négociation collective et l’autonomie des partenaires sociaux. Pour Force ouvrière, les syndicats seraient ainsi réinstallés dans la négociation interprofessionnelle. Et chacun de suggérer des points précis sur lesquels il faudra revenir tout en laissant la place au compromis, parce que le paritarisme ne peut fonctionner que s’il est habité par la culture du compromis.

Compromis, le mot n’est pas prononcé par Geoffroy Roux de Bézieux mais il transpire sur chacune des propositions de chantiers pour sceller un nouveau contrat social. Ça rappelle ce qu’avait voulu faire Ernest Antoine Seillière, mais ça rappelle surtout le discours d’Antoine Riboud, le créateur de Danone qui avait lancé le premier l‘idée d’un paritarisme actif avec les entreprises à mission. C’était lors des Assises nationales du CNPF le 25 octobre 1972 à Marseille, un discours intitulé « Croissance et Qualité́ de vie ». Pour Antoine Riboud, « il n’y a qu’une seule Terre. On ne vit qu’une seule fois. La croissance économique, l’économie de marché ont transformé et bouleversé le niveau de vie du monde occidental. C’est indiscutable. Mais le résultat est loin d’être parfait. »

Les problèmes et le contexte sont certes très différents, mais la reprise et la croissance de l'après-Covid vont porter des enjeux identiques.

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