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Cette génération de pré-ados 
déjà addicts au porno
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Génération X

En Grande-Bretagne, une loi d’interdiction totale des sites X est à l’étude pour, notamment, protéger les enfants de ces contenus. En France aussi, les ados sont inondés par le tsunami d’images sexuelles violentes. Or, le porno n’a rien à voir avec la sexualité…

Christian  Spitz

Christian Spitz

Christian Spitz, surnommé « le Doc », est un médecin français spécialisé en pédiatrie, célèbre pour animer des émissions de radio et de télévision. Il a notamment publié Questions d'adolescents (Editions Odile Jacob - 1999).

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Atlantico : Vous êtes pédiatre et toute une génération se souvient encore de vos conseils sur Fun Radio, sous le pseudo "Doc". Constatez-vous qu’il existe-t-il une génération d’ados accros aux sites pour adultes ?

Christian Spitz : Internet a permis à l’industrie du X un développement exponentiel. Auparavant, les programmes pornographiques étaient diffusés à des horaires ou sur des chaines spécialisés, voire des sex-shops. Ce n’est évidemment plus le cas.

Résultat : d’après une étude récente 70% des garçons et 30% des filles de moins de 15 ans accèdent au porno. Entre 15 et 18 ans, à la limite, on pourrait comprendre… Mais j’ai parfois constaté dans des écoles que des enfants de 12 ou 13 ans vont montrer ces images à des tous petits en maternelle ou en primaire pour s’amuser, par provocation ou peut-être par sadisme…

"Mais le sexe, ce n’est pas sale", n'est-ce-pas selon l'expression d'Antoine de Caunes quand il vous caricaturait à Nulle Part Ailleurs...

Non, mais on a affaire à un tsunami pornographique de millions d’images caractérisées par une sexualité marginale. On y voit une sexualité violente. On a, plus que partout ailleurs, un appauvrissement de la personne et une objectivation de l’individu. Ce qui s’apparente en quelque sorte un viol du jeune - même si ce n’est pas un viol en tant que tel. Certaines pulsions peuvent réveiller chez l’adolescent une image très négative de la sexualité où le viol est une pulsion de mort, et non sexuelle, qui s’exprime. Il s’agit de tuer l’autre puisqu’il n’existe pas.

C’est la véritable question car les adolescents, malgré les barrières, ont accès à ces images.

Il existe pourtant des barrières, comme le contrôle parental ou la vérification du numéro de carte bancaire…

Encore faut-il que le contrôle parental soit activé par les parents… Et on sait que les adolescents contournent très bien ces interdictions. Notamment avec la démocratisation des smartphones qui permettent d’avoir accès tout le temps et partout à Internet. La barrière qui consiste à se « déclarer comme majeur » est une rigolade. Les ados contournent cela très bien également. D’autant qu’il n’y a plus rien à voir entre les films d’aujourd’hui et les films « classiques » de Brigitte Lahaie qui étaient quand même à l’eau de rose…

Avez-vous constaté des « dégâts » en consultation ?

C’est beaucoup plus vaste que cela. L’invasion du porno va créer un monde sans limite. L’éducation et la liberté se font grâce aux limites. Dans des domaines aussi importants de la constitution de l’être humain, il est particulièrement dangereux de répandre un climat de mort. On doit être sûr que ce qui prime sera l’éducation, la relation avec les parents. Je ne crois pas qu’un heurtant les plus fragiles, on aide à leur développement. Bien au contraire.

Il ne s’agit pas d’être pudibond. Mais on ne peut tout de même laisser se répandre un tel flot d’images, d’un tel niveau. Mettons rapidement des barrières et disons clairement les choses et faire en sorte que ce commerce ne prolifère pas. On ne doit pas dire qu’il est impossible d’interdire sur internet. Certains pays ont encore intérêt à protéger l’industrie du X pour des raisons financières. Mais il faut une prise de conscience mondiale contre ce flot d’images mortifères et dangereuses.

Vous aviez remis un rapport allant dans ce sens à Christine Albanel – alors ministre de la Culture…

Oui, j’avais écrit ce rapport à sa demande. Puis Christine Albanel est partie. Ce rapport a dû  finir dans un tiroir. Il n'était pas très long. Il n’était pas très difficile d’analyser tout cela. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Mais ce sujet sérieux fait rire en France. On appelle ça le « cul », avec légèreté ! Mais ça n’a rien à voir avec cela ! Le porno n’a rien à voir avec le sexe ou la sexualité - et encore moins avec la liberté sexuelle. On est dans l’aliénation qui vise simplement à dominer l’autre. C’est mortifère.

Comment faire alors qu’Internet est mondial ? Préconisez-vous un système comme en Grande Bretagne où un projet de loi prévoit l’interdiction des sites X, où il reviendrait à l’internaute de demander expressément un accès à son fournisseur Internet ?

La seule solution est d’imposer un contrôle strict. On doit exiger que le contrôle soit systématique. On doit inverser le système actuel où le X est là par défaut. Le X doit être l’exception, pas la norme. L’internaute doit alors faire une démarche active et s’inscrire s’il veut du porno.

Mais se pose alors le problème de l’anonymat…

Oui, les marchands de porno vont évidemment dire que c’est scandaleux. Mais il faut accéder à cela. Je sais qu’il y aura énormément de barrières car c’est une industrie très florissante et très riche… Mais d’un autre côté, quand vous achetez une télé sur Internet, vous donnez vos coordonnées au moment du paiement. Ce n’est pas très grave de donner son nom. 

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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