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Lève-toi et roule : 
la gare Saint-Lazare ressuscite
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Zone franche

La France avait les meilleurs trains au monde mais les gares les plus pourries. C’est en train de changer.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Rien n’est plus humiliant, pour les chauvins dans mon genre, que de rentrer de Londres en Eurostar et d’émerger gare du Nord, cette espèce d’entrepôt crasseux, ouvert à tous les vents et mal-fichu dont on imagine qu’il a eu de la gueule en 1846 mais s’est bien laissé aller depuis…

Deux heures plus tôt, vous faisiez pourtant les boutiques à Saint-Pancras, une merveille gothico-victorienne qui ne déparerait pas les Très riches heures du duc de Berry et tout n’était que luxe, calme et volupté. Sacré contraste.

La gare du Nord n’est d’ailleurs pas seulement moche et mal-entretenue dans ses parties anciennes, elle l’est aussi dans son aile « moderne » ce qui prouve au moins que les gens qui s’en occupent ont le sens de l’harmonie. Et même s’en échapper le plus vite possible  ― l’obsession qui vous envahit dès le premier orteil posé sur le quai ―, est un défi : il n’y a jamais de taxis pour les centaines de passagers faisant le pied de grue sur le trottoir ; l’unique et minuscule ascenseur qui descend au parking est calibré pour empêcher d'y glisser un bagage volumineux ; l’accès au RER est tellement glauque et chichement éclairé, avec sa peinture orange sombre, qu’on se demande si l’idée n’est pas justement de convaincre les flâneurs de circuler puisqu’il n’y a rien à voir…

Mais la SNCF, ou au moins un type avec un peu de pouvoir et de sens de l’esthétique à la SNCF, a dû se rendre compte du truc et se dire que la France ne pouvait pas continuer à avoir les meilleurs trains du monde (je suis chauvin, je vous dis) et les gares les plus pourries. Il s’est aussi dit que lorsqu’on dispose de dizaines de milliers de mètres carrés en plein cœur des grands centres urbains, fréquentés par des centaines de milliers de personnes chaque jour que Dieu fait (c’est pour rire, c’est juste pour faire réagir les laïques militants qui prennent le train et n’ont pas compris le titre de cette chronique), il y a moyen de glaner trois sous et d’offrir des voitures neuves au Transilien en ouvrant des échoppes à foison.

Même la gare Saint-Charles est (presque) une réussite...

Du coup, ça rénove à plein tube depuis quelques années et ça commence un peu à se voir. A Marseille, même s’il y a encore quelques loupés (les escalators sont constamment en panne, certains espaces gardent leur petit côté cour des miracles), la gare Saint-Charles est une réussite. A Paris, la gare de l’Est, que personne ne remarque vraiment parce qu’elle sert à aller là où il fait froid et n’est donc pas très populaire, s’est elle aussi refait une beauté avec soin.

Et la gare de Lyon n’est pas en reste, dont la partie « Méditerranée », encore en chantier, devrait avoir de la gueule. On aimerait d’ailleurs que notre esthète ferroviaire s’occupe de faire nettoyer et restaurer l’immense et kitchissime fresque représentant le trajet Paris-Menton, dont l’état est plus digne de la gare du Nord que de Grand Central à New York.

Mais le clou du spectacle, manifestement, c’est la gare Saint-Lazare, dont les travaux de rénovation ont duré dix ans et valent vraiment le coup d’œil. Elle n’est pas encore terminée-terminée, même si elle a déjà été inaugurée il y a deux jours ― il manque deux-trois boulons et un coup de peinture, le parvis est encore un dépotoir à gravats, avec ses Algeco rouillés ―, mais si les Eurostar pouvaient être reroutés vers la porte d’entrée parisienne de la Normandie, ça ferait plaisir à pas mal de monde et on pourrait à nouveau regarder les Rosbifs de haut…

Bon, tout le monde n’accueille pas cette transformation des gares en centres commerciaux  propres et spacieux avec autant d’enthousiasme. Nous sommes en France, le train, c’est le service public et la décision de laisser entrer Mammon en CGT-Land est sans doute un peu limite. Mais c’est comme ça, c’est la vie et c’est tellement bath que même les nouvelles machines à composter semblent fonctionner, ce qui est tout de même assez remarquable.

Espérons seulement que le rattrapage des voisins du dessus en matière d’immobilier ferroviaire ne s’accompagnera pas d’une britannisation du service proprement-dit. Le Français, ce qu'il exige, c'est le beurre et l'argent du beurre, pas juste la belle boutique de la crémière.

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