Fusillade à l'arme lourde à Marseille : l'échec patent de la pacification de la ville <!-- --> | Atlantico.fr
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Trois adolescents sont morts à l'issue d'une fusillade à l'arme lourde à Marseille.
Trois adolescents sont morts à l'issue d'une fusillade à l'arme lourde à Marseille.
©Reuters

Une de plus...

Trois adolescents sont morts à l'issue d'une fusillade à l'arme lourde, à Marseille, entre 2 et 3h du matin, dans la nuit du 24 au 25 octobre. Le plus âgé avait 24 ans, les deux autres n'étaient pas majeurs, tous connus des services de police. Cet énième drame dans la cité phocéenne traduit malheureusement l'échec des tentatives de pacification de la ville.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Dans la nuit de samedi à dimanche 25 octobre, trois personnes ont trouvé la mort à Marseille dans le cadre d'une fusillade. En février, Manuel Valls saluait les résultats en matière de sécurité de la cité phocéenne. Faut-il y voir un échec du Premier ministre dans sa tentative de pacifier la ville ? Pourquoi ?

Gérald Pandelon : Trois jeunes délinquants ont été assassinés hier dans la sempiternelle guerre des cités que se livrent les gangs rivaux au sein des quartiers Nord de Marseille dans le contrôle du trafic de stupéfiants. Cette affaire est devenue cruellement banale (11 assassinats depuis le début de l'année), elle fait suite à bien d'autres événements du même type depuis des années dans la sphère du crime organisé, pas uniquement d'ailleurs à Marseille. D'autres affaires criminelles interviendront sans doute dans les prochains mois et les prochaines années, pour la simple et bonne raison que les politiques, quels qu'ils soient, sont en réalité impuissants à régler le problème, en dépit de quelques résultats récents non négligeables, non seulement parce qu'il n'y a pas suffisamment de moyens à la disposition des forces de l'ordre mais également parce que bien souvent ces jeunes délinquants considèrent la République comme une coquille vide.

Il s'agit d'ailleurs de voyous de plus en plus jeunes, très souvent déscolarisés et qui ne respectent pas des juridictions pénales qui leur infligent des sanctions légères même lorsqu'ils sont en état de récidive.

L'échec dans le règlement du dossier sensible des cités est donc avant tout celui de la faillite et de la défaillance de l'Etat républicain, un Etat incapable de donner un sens à la loi et à l'autorité. 

En effet, contrairement à ce qui est rapidement souligné par les édiles locaux et nationaux, il est erroné de considérer que ce type de délinquance est progressivement en train d'être jugulé, bien au contraire, ce phénomène continue tranquillement à prospérer, certes plus discrètement, mais dans de mêmes proportions en volume. 

Car, au - delà de ces nouveaux faits criminels qui endeuillent encore la cité phocéenne, il convient de noter que les trois victimes, âgées respectivement de 13, 15 et 23 ans, Français d'origine extra - communautaire, n'étaient toutefois pas, à proprement parler, des oies blanches, si l'on admet que non seulement ces trois personnes étaient déjà défavorablement connues des services de police, mais également que le plus jeune d'entre eux, avait déjà été condamné par un juge pénal. 

Deux de ces trois jeunes avaient moins de 16 ans. Le plus vieux était âgé de 24 ans et tous étaient connus des services de police, notamment dans le cadre de trafic de drogue. Qu'est-ce que ces vagues de violence traduisent de notre société ? Qui faut-il mettre en cause ?

On peut se poser la question également de la responsabilité des parents qui abandonnent, à 2 heures du matin, des adolescents dans la rue, lesquels s'adonnent librement à leurs trafics (l'un des pères a reconnu être informé que son fils était un délinquant). 

Au - delà des faits, plusieurs questions peuvent être soulevées, des interrogations qui dépassent les déclarations convenues des divers acteurs à vouloir, comme un leitmotiv, endiguer le crime ; des déclarations d'intentions qui, pour être louables, ne sont et demeurent que des mots, toujours des mots...

En premier lieu, si l'on considère, à juste titre, que la situation demeure grave par son ampleur, par ses réseaux hiérarchisés, par l'économie informelle qu'elle rend possible, par ses nécessaires complicités qu'elle engendre (notamment les "nourrisses", qui en situation bien souvent de précarité participent à ce trafic), pourquoi alors ne pas oser expérimenter des solutions qualifiées d'extrêmes face à une solution qui est elle-même extrême car urgente et grave ?

En effet, comme le préconisait Madame Ghali, sénatrice courageuse des Bouches - du - Rhône,  pourquoi ne pas faire intervenir l'armée dans ces cités, pour réellement endiguer cette organisation criminelle très structurée ?

Il va sans doute m'être objecté qu'il ne s'agit pas là d'une mission spécifique de l'armée, que nous ne sommes pas en état de guerre. 

C'est pourtant ce type de réponse qui constitue la marque dans le meilleur des cas de notre impuissance, dans le pire, de notre absence de volonté réelle de s'attaquer à la source du problème, par crainte d'être "impopulaire", par crainte d'être taxé de raciste, par crainte de perdre son électorat ou plutôt un "lumpemelectorat" constitué de français d'origine étrangère, par crainte d'être considéré comme un acteur politiquement incorrect, etc. 

Car il existe un dénominateur à notre absence réelle de volonté à agir, par conséquent à notre impuissance : c'est la peur.

Pourtant ce ne sont pas les fonctionnaires de police ou les militaires qui ont peur, eux qui au quotidien affrontent ce mal dans l'indifférence générale de leur hiérarchie. Je pense notamment à ces héros du quotidien, ces fonctionnaires de police qui mettent leur vie en péril pour essayer de faire respecter les lois de la République, ce sont ces fonctionnaires des BAC, les brigades anti-criminalité. 

Pire encore, lorsque certains des fonctionnaires des BAC s'avèrent trop efficaces à vouloir démanteler ces réseaux, non seulement ils ne sont curieusement pas félicités par leur hiérarchie mais également ils risquent d'être mis au placard ! Ce qui donne quelques indications sur le niveau d'hypocrisie pouvant régner au sein également de la hiérarchie policière. 

En second lieu, et compte tenu de l'incapacité des gouvernants successifs à stopper cette spirale du crime, pourquoi ne pas oser faire preuve de courage et souligner qu'il existe un lien aujourd'hui indiscutable entre une immigration extra- communautaire et la hausse de faits délinquantiels ? 

En effet, cette évidence commune devrait logiquement conduire nos élites à lever en masse le secret, et ce, sans stigmatiser celles et ceux issus de l'immigration qui ne posent aucun problème. Car plus que jamais, la responsabilité dans l'exercice du pouvoir devrait consister à regarder la vérité en face. Pourtant, à l'heure de la montée du front national à des scores importants (36 % d'intentions de vote pour les prochaines élections régionales), ce sont les mêmes qui s'indignent de la progression du vote frontiste qui, en même temps, se refusent à reconnaître que, sur ce point, seule Marine Le Pen a le courage de dire la vérité, une vérité pourtant vécue au quotidien par des milliers de personnes victimes de ces caïds des quartiers dits "sensibles".

Au plus fort, ce sont encore les mêmes qui secrètement considèrent que Madame Le Pen serait la seule à oser dire tout haut ce qu'eux-mêmes pensent depuis longtemps tout bas en privé qui, en public, répètent à l'envie que la leader frontiste ne dirait pas la vérité sur ce qui est pourtant une réalité visible indiscutable !

Je crois qu'à force de n'être que des marquis poudrés, obsédés davantage par les sondages que par les réalités vécues au quotidien par ceux qui souffrent des  incivilités, la classe politique risque tôt ou tard d'être définitivement repoussée par un électorat qu'elle aura par sa faiblesse et sa lâcheté structurelle contribué à durablement éloigner. 

Dans quelle mesure la conception de la Justice actuelle permet ce genre de violences ? Quelles sont les mesures qu'il faudrait (et qu'on pourrait) prendre pour éviter d'autres drames de la sorte ?

Les auteurs de ces graves infractions savent qu'en raison de l'absence de moyens dont souffrent les autorités, leur interpellation sera sinon impossible du moins très difficile, longue et coûteuse ; de surcroît, l'élucidation des faits nécessitera des investissements importants lesquels précisément font cruellement défaut. 

Quant aux trafiquants, ils savent également que les condamnations sont particulièrement clémentes, surtout s'agissant de mineurs dont le droit pénal applicable est d'un laxisme qui confine au ridicule. J'ai en mémoire un jeune délinquant multirécidiviste dont j'avais assuré la défense devant un juge pour enfants qui s'était vu infliger une simple "remise à parents"...! 

Il faut donc durcir notre arsenal juridique par des condamnations assorties de peines d'emprisonnement ferme et réellement exécutées s'agissant de délinquants bien souvent également mineurs mais qui n'ont plus rien de commun avec des adolescents éduqués mais qui partagent avec leurs aînés la même détermination dans le passage à l'acte criminel. 

Pour le dire autrement, je ne crois pas que la mesure de contrainte pénale mise en œuvre par le Garde des Sceaux plaide dans le bon sens, car elle est perçue comme un message de faiblesse envers des délinquants qui ne respectent et ne comprennent que la force.

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