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La République contre la Nation ?
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Elections Cantonales

Un Front Républicain ?

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier est entrepreneur, actif en Ukraine depuis 2006, ancien élève du DEA d’études russes de Sciences Po, et marié à une femme d’origine ukrainienne.

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En ces temps de retour en force du robespierrisme médiatique, je crois qu’il est préférable de commencer par cette précision : je n’ai jamais voté pour le FN. Je suis un libéral, et à ce titre, le nationalisme et le communautarisme ethnique excessifs, la démagogie socialisante du programme économique, et la vulgarité de l’expression qui cache une vulgarité des idées (la communication c’est le fonds qui remonte à la surface) ne me donnent aucune envie de voter FN. J’espère qu’après cette introduction désinfectante, les commissaires du peuple républicain voudront bien m’épargner tout « reductio ad hitlerum » et éviter de qualifier mes arguments de propos « nauséabonds » qui nous rappellent « les pires moments de notre histoire » que, pour la plupart, ils n’ont pas connu.


Le PS, en manque de dynamique politique, compte sur la défaite de l’UMP et de Sarkozy pour gagner

Les cantonales n’ont démontré aucune attente de PS qui peut légitimement s’inquiéter du manque d’appétence des Français pour ses candidats. Avec 25% des voix elle est à son étiage, ni plus ni moins. Après 9 ans de cure d’opposition, et un exécutif au plus bas dans les sondages, il n’y a pas de quoi pavoiser. Faute de projet et de leader crédibles et identifiés, c’est l’abstention, l’extrême gauche et l’extrême droite qui engrangent.

Du coup, le PS semble être passé en mode « panique », tout autant que l’UMP, bien que cela se voit moins. Il essaie une fois encore de se servir du FN pour arriver au pouvoir en ressortant les bonnes vieilles méthodes politiciennes cyniques léguées par François Mitterrand. Ce faisant, il s’exonère une fois de plus de toute remise en cause idéologique et de tout effort programmatique. En effet, diaboliser le FN et pousser l’UMP dans le coin du « Front républicain » est une manœuvre « tout bénéfice » pour le PS :

-          Bloquer un éventuel rapprochement entre une UMP recalée à droite depuis 2007 et un FN soft, version Marine, pouvant conduire à la constitution d’une large majorité, à l’image de plusieurs pays européens

-          Elargir le « reductio ad hitlerum » à une partie de l’UMP pour effrayer les électeurs centristes

-          Semer la zizanie à l’UMP

-          Et refermer le piège en faisant monter le FN, en le victimisant et en accréditant son discours sur l’UMPS

Le PS joue un jeu dangereux. Certes en 2012, il gagnera peut être grâce à la présence du FN  au second tour. Mais peut être perdra-t-il pour la même raison. Et la France sortira de cette nouvelle épreuve politique encore plus déboussolée, avec un exécutif affaibli en temps de crise, et un FN plus fort que jamais.

Le FN pas républicain, ni démocrate ?

Le principal argument du « Front Républicain » est de dire que le FN ne serait ni républicain, ni démocrate. C’est un argument considéré comme acquis. Mais si cet argument était fondé, il faudrait interdire le FN. Le PS se garde bien de le demander sachant qu’une telle démarche serait condamnée à un échec ridicule.

Certes, l’extrême droite n’est pas connue historiquement pour son amour de la démocratie, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais, concernant le FN, ou sont les preuves d’un tel anti-républicanisme ? A-t-il jamais tenté de prendre le pouvoir par la rue ou par les armes, à l’image des mouvements de l’entre deux guerres ? Je pense que beaucoup de Français ont du mal à adhérer à cette injonction. Beaucoup ne voient pas le FN comme un parti fasciste anti-démocrate, mais plutôt comme une droite nationaliste, à la fois protestataire et réactionnaire, dont la présence est bien identifiée dans notre histoire politique. Et cela est encore plus vrai depuis l’arrivée de Marine Le Pen.

Certes, on ne leur donnerait pas les clés de la démocratie sans une réelle appréhension mais de là à convoquer un Front Républicain après un score de 15% aux élections cantonales, il y a de la marge et exagération dans la réaction qui parait suspecte à beaucoup d’électeurs, comme semble l’indiquer l’opposition d’une majorité de téléspectateurs de BFMTV à l’idée de Front Républicain.

Sur ce point, je vous renvoie à l’excellente tribune de Dominique Jamet : Le FN fasciste ? "Ah non, c'est un peu court, jeune homme".  

Une posture inutile, voire contre-productive

Il faudrait rappeler aux hommes politiques que cela fait longtemps que les Français n’écoutent plus les consignes des partis et ne voient donc pas l’intérêt de ces appels. Il y a un côté infantilisant et méprisant à suspecter l’électorat de mauvaises intentions et à lui dire pour qui il doit voter.

Ces postures médiatico-morales faciles, qui ne sont pas vraiment à la hauteur des enjeux, n’honorent pas ceux qui s’y adonnent, contrairement à ce qu’ils s’imaginent.

En se focalisant sur la question du Front Républicain, plutôt que sur les vraies questions que pose le vote FN, le PS alimente la machine politicienne et médiatique, qui ne demande que cela. Pendant ce temps là on ne parle pas des graves questions posées par la protestation des électeurs, dont la profondeur ne peut qu’inquiéter.

Ce faisant le PS participe à la dégradation de la vie politique. Le spectacle tragi-comique du « Front Républicain » et les polémiques politiciennes qu’il suscite ne peuvent que renforcer la piètre opinion des Français pour les politiques et accréditer les thèses du FN sur l’UMPS.

Si ces appels républicains avaient une quelconque efficacité, vu les tombereaux qui sont déversés sur la tête des Français depuis 25 ans par kilotonnes et par tous les canaux médiatiques disponibles, le FN aurait du disparaitre depuis longtemps. De toute évidence, cela ne marche pas très bien.

Les bobos de l’UMP jouent aux idiots utiles

Nous sommes face à une manœuvre politicienne et dilatoire éculée du PS, malheureusement renforcée par des myriades d’idiots utiles ravis de se draper dans les oripeaux glorieux de la lutte anti-fasciste à peu de frais. Que le PS se prête à ce petit jeu politicien est décevant mais logique. C’est à la fois dans son intérêt et dans son ADN politique.

Par contre, voir le Premier Ministre et de jeunes bobos de l’UMP se précipiter pour tirer une balle dans le pied de la famille politique qui, pour la plupart d’entre eux, leur a fourni assez facilement des circonscriptions confortables (qui a dit enfants gâtés ?) est assez affligeant. Nul doute que dire Non au FN et rouler à vélo, c’est plus cool que de lutter contre l’immigration clandestine et l’insécurité, et plus facile que de réduire le chômage, mais ils devraient se rappeler qu’ils n’ont pas été élus uniquement pour poser dans Paris Match et protéger les petits oiseaux.

Et si on changeait enfin de stratégie face au FN ?

La France a aussi de vrais problèmes, graves, dont les gens qui n’ont pas fait l’ENA souffrent, et qu’il faut bien se coltiner si on ne veut pas, entre autres, que le FN finisse par gagner vraiment des élections importantes. Ce qui est très possible si nos élites politiques continuent à alimenter le « Burn Out » de la France.

On pourrait par exemple s’attaquer vraiment au chômage de masse et au blocage de l’ascenseur social, face auxquels nos responsables politiques font étalage de leur manque de lucidité ou de courage depuis 30 ans. Voilà un enjeu qui mériterait la constitution d’un « Front Républicain ».

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