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François Kalfon : "En faisant d'Arnaud Montebourg le principal ennemi, le PS ne réalise pas qu'il fait de lui la principale alternative"
©Stephane Mahe / Reuters

Entretien

Ce dimanche 2 octobre, Arnaud Montebourg s'est officiellement lancé dans la primaire socialiste, après une dynamique qui lui semble assez favorable.

François Kalfon

François Kalfon

Francois KALFON est conseiller régional d'Ile-de-France et membre de la direction collégiale du PS

Il a publié avec Laurent Baumel un Plaidoyer pour une gauche populaire : La gauche face à ses électeurs, Editions Le Bord de l'eau (novembre 2011).

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Atlantico : Les sondages sont favorables à Arnaud Montebourg. Fin août, une enquête Ipsos commandée par le Parti socialiste le donnait gagnant au second tour de la primaire face à François Hollande. Ce genre de résultat vous encourage-t-il à vous lancer dans la primaire ? Le PS se réunit dimanche 2 octobre pour en définir les contours... Qu'en attendez-vous ?

François Kalfon : Depuis le retour d'Arnaud Montebourg dans la vie politique, entre le mont Beuvray et Frangy, nous avons constaté un très bon accueil de la part de la population. En outre, cela va même au-delà puisqu'en dépit de la multiplicité des candidatures potentielles face à François Hollande, dans le cadre de la primaire socialiste, celle d'Arnaud Montebourg continue de s'imposer. La configuration de duel entre Arnaud Montebourg et le président de la République semble désormais installée. C'est donc évidemment un encouragement à porter nos thèses de façon amplifiée.

Au-delà de la primaire, la popularité d'Arnaud Montebourg ne fait que progresser, alors qu'il s'agit traditionnellement d'un indice généralement plus favorable aux individus éloignés de la vie politique. Il est désormais sixième dans l'intégralité des enquêtes et des baromètres, ce qui constitue un gain d'une dizaine de places depuis le début de la campagne… Le tout en présentant un certain nombre d'options susceptibles d'être perçues comme clivantes, notamment sur le made in France, la confrontation avec l'Union Européenne ou sur la réservation de nos marchés publics à nos propres PME. Concrètement, cela signifie bien qu'il y a une disponibilité pour cette orientation.

La bonne nouvelle de cette période, je crois, c'est qu'une partie de la gauche peut retrouver espoir : elle sait désormais et peut reconnaître l'existence d'une alternative politique à François Hollande. Une alternative politique à François Hollande, ce n'est ni plus ni moins qu'un candidat fidèle aux valeurs de la gauche, bien dans son ancrage tel qu'il a été dessiné lors du discours du Bourget, et qui demeure en capacité de gouverner. Sans oublier un ADN original, qui est celui du made in France, qui est attribué positivement par les Français – de droite comme de gauche – à Arnaud Montebourg. 

Nous nous engageons effectivement dans la primaire, sur la base d'un projet cohérent de rassemblement des gauches et qui offre la capacité pour notre famille d'une nouvelle incarnation dans la campagne. C'est primordial et on le voit bien : il y a aujourd'hui une forme de divorce profond et durable entre le président de la République sortant et les Français. Cela interdit à la gauche de se retrouver au second tour, s'il devait être le candidat qui s'imposerait à la primaire. Avec Arnaud Montebourg, c'est un autre chemin. Un long chemin, certes, qui doit cependant nous permettre de conjurer le mauvais sort programmé de l'élimination de la gauche au premier tour.

Plus largement, comment réagissez-vous à cette bonne séquence dans les sondages au sein de l'équipe de campagne ?

Nous y réagissons bien, évidemment. Cependant, il faut garder à l'esprit qu'une campagne électorale c'est à la fois le microscope et la longue-vue. Notre microscope c'est le quotidien d'une campagne agile, certes, mais à laquelle les moyens manquent. Tout est fait sur la base du volontariat. Notre longue-vue, à l'inverse, c'est la programmation des étapes à suivre, d'une vingtaine de meetings d'ici décembre, la structuration des comités locaux comme des bureaux de votes… Voir plus loin, c'est d'ores et déjà des réflexions sur l'après-primaire.

Malgré ces bons résultats, Arnaud Montebourg a vu plusieurs défections ces derniers jours... C'est notamment le cas de son ancien chef de cabinet à Bercy, mais aussi d'un proche d'Aurélie Philippetti. Certaines sources soulignent le piétinement de votre campagne (avec seulement deux déplacements depuis l'annonce de sa candidature à Gonesse et à l'usine d'Alstom à Belfort) et disent que vos comptes de campagne sont modestes...

Revenons sur les défections que vous évoquez. Il s'agit d'une sorte de serpent journalistique qui se mord la queue. Il y a eu, au total, trois départs en quatre mois. Sur la même période, nous avons également recrutés environ 1500 personnes. Je vous laisse faire le rapport. Je n'ai pas plus de commentaires à faire sur cet aspect.

Il n'y a pas de piétinement de notre campagne, vos sources sont dans l'erreur. Il y a simplement eu un temps de préparation en amont, de backoffice qui a duré une quinzaine de jours. Il va permettre de déployer à partir de la semaine prochaine un rythme important –  soutenu –  de visites, de meetings, etc. 

Nos moyens sont effectivement modestes, je ne vous dirai pas le contraire. Il s'agit d'une campagne citoyenne, agile, de start-up. Les gens sont motivés et ont tout à gagner mais rien à perdre. C'est, à ce titre, l'anti-campagne de notable et c'est probablement pour cela que les notables ne s'y retrouvent pas. Du reste, cela correspond assez à ce que les Français cherchent : un changement du personnel politique ainsi que des pratiques.

Arnaud Montebourg a par ailleurs déclaré ce dimanche 2 octobre qu'il se présentait à la primaire du PS. Il avait, par le passé insisté sur sa volonté de voir les mêmes règles qu'en 2011. Le Parti socialiste vous a-t-il entendu sur ce point ? Comment décririez-vous vos relations avec ses cadres ? 

Le Parti socialiste nous a entendus pour une grande partie. S'il fallait chiffrer, je dirais qu'il nous a entendus à environ 70%. C'est particulièrement vrai sur les bureaux de votes où nous avons su faire passer le nombre de 5000 à près de 10 000. Sur la neutralité de sa direction vis-à-vis d'Arnaud Montebourg, le PS fait davantage la sourde oreille puisqu'ils en font une sorte d'ennemi. C'est à la fois une mauvaise nouvelle, parce que ça n'est jamais très agréable, et une bonne nouvelle : ils ne réalisent manifestement pas à quel point en le pointant du doigt comme le principal adversaire, ils en font également la principale alternative. 

Avec des moyens plus classiques, le Parti socialiste cherche à nous étouffer financièrement. Le peu de moyens consacrés à Arnaud Montebourg apparaît très disproportionné en comparaison à ceux que le président de la République s'octroie. Finalement, nous serons vraisemblablement amenés à en appeler à une certaine forme de révolte citoyenne. Cet appel sera d'autant plus massif qu'une alternative se dessine et que les Français de gauche peuvent se saisir de la primaire pour envoyer un autre signal au pays que l'adoubement sans perspective de François Hollande. 

Le cœur électoral du PS penche pourtant majoritairement pour l'actuel Président... Quelle est votre stratégie pour les séduire ? Comment comptez-vous vous y prendre pour parler à la fois à la gauche du PS, mais aussi à cette majorité socialiste acquise à la ligne Valls-Hollande-Macron ? La motion que vous souteniez avec d'autres frondeurs en 2015 a été largement battue au Congrès du PS en 2015...

Arnaud Montebourg a d'ores et déjà dit qu'il était socialiste, mais pas seulement. Il est donc sur un ancrage socialiste, mais voit bien au-delà. Pour convaincre l'électorat socialiste, il nous faut aborder des thèmes spécifiques. Il y a un cœur très économique et made in France dans la campagne d'Arnaud Montebourg, qui suffit d'ailleurs à le rendre majoritaire en ayant déployé une identité singulière et originale. 

Nous allons progressivement déployer les thèmes qui sont ceux des socialistes et qui touchent donc au social : la santé, la protection sociale, la politique de la ville, l'école, entre autres. Il s'agit non pas de sujets de production mais de redistribution. Il faut parler de ces sujets qui sont ceux de prédilection des socialistes : les points d'applications, par exemple. Le Parti socialiste est un parti de territoire, il faut donc aborder les thématiques rurales comme la désertification mais aussi les thématiques urbaines, avec les problèmes de ghettos, d'appauvrissement des services publics… Enfin, gardons à l'esprit qu'on gagne peu à peu cet électorat socialiste en lui redonnant espoir, en montrant l'existence d'un autre chemin.

Invité à "l'émission politique" cette semaine, Arnaud Montebourg a déclaré "il va falloir aller casser un peu de vaisselle à Bruxelles. Ca suffit l'austérité !". Mais comment y arriver, alors que ce pôle au sein de l'Europe est minoritaire et que l'Allemagne notamment y est fermement opposée ? Que faudrait-il dire pour  convaincre Angela Merkel ?

Arnaud Montebourg a une méthode, qu'il appelle le mémorandum. Institutionnellement, il faut parvenir à rallier différents pays – auxquels il ne manque aujourd'hui que le leadership français – qui permette de mettre en place une minorité de blocage. Cette minorité de blocage permettrait de bloquer institutionnellement le fonctionnement du Conseil. Dès lors, une fois que le fonctionnement du Conseil est bloqué, il nous sera possible d'obtenir un meilleur rapport de force sur un certain nombre de sujets. Cela ouvrirait également la possibilité, si les sujets n'avancent pas, de pratiquer une politique de la chaise vide. Je pense notamment à un sujet qui nous chiffonne beaucoup, mais qui ennuie également à droite : il s'agit du travail détaché.  Quelques 500 000 travailleurs détachés qui ont importé le dumping social à domicile. C'est proprement scandaleux. L'arrêt immédiat de ce travail détaché, quoique les zélateurs de la mondialisation puissent en dire, aurait un effet sur l'emploi.

Il y a quelques années, vous vous êtes distingué en remettant en cause les thèses de Terra Nova qui appelait de ses vœux la fin du lien traditionnel entre la gauche et les catégories populaires, et de s'adresser plutôt aux diplômés urbains. Cette critique, la portez-vous encore aujourd'hui ? En quoi vous permet-elle de vous démarquer d'autres candidats de gauche ?

Nous portons évidemment cette critique aujourd'hui. La campagne d'Arnaud Montebourg est totalement en ligne avec celle que nous avions développée avec Laurent Baumel de la Gauche Populaire. Par ailleurs, si on regarde la cartographie du vote en faveur d'Arnaud Montebourg, c'est d'autant plus flagrant. La France qui vote pour lui, c'est la France des villes moyennes, la France périphérique. Elle s'est massivement reconnue, à l'époque, dans le programme de dé-mondialisation d'Arnaud Montebourg. 

Aujourd'hui, notre programme est plus positif puisque nous nous concentrons davantage sur la reconstruction que sur le constat. Le programme d'Arnaud Montebourg, désormais, c'est refaire France. Cependant le diagnostic de la trahison des élites, qu'elles soient économiques (entreprises financiarisées du CAC 40, avec un cas comme Alstom) ou politiques (dont l'incarnation parfaite est Emmanuel Macron, en totale collusion avec les dirigeants économiques), ce constat est là et renforcé. Il nous permet effectivement de nous démarquer des autres candidats de gauche, en cela qu'il existe aujourd'hui des candidats qui ne savent que dire non, et ne peuvent donc être en capacité de gouverner. D'autres à l'inverse ne savent que dire oui. C'est un problème. Entre eux certains savent dire oui ou non, en fonction des intérêts de notre peuple et de notre pays. Cet entre-deux, c'est Arnaud Montebourg.

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