François Hollande dans Capital : le président qui n'avait toujours pas compris la nature de la crise <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande était l'invité de l'émission « Capital » hier soir dimanche sur la chaîne M6.
François Hollande était l'invité de l'émission « Capital » hier soir dimanche sur la chaîne M6.
©Reuters

Grand oral

Le président de la République François Hollande était l'invité de l'émission « Capital » hier soir sur la chaîne M6 pour répondre aux inquiétudes des Français.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Le président de la République a, à plusieurs reprises, estimé que le "pire de la crise économique" était  "derrière nous" et promis "l'inversion de la courbe du chômage" d'ici 2014. Les explications de François Hollande sur ces deux points sont-elles convaincantes ? 

André Bercoff : Étrange séquence cinématographique. Tout s’est passé comme si deux discours coexistaient sans jamais se rencontrer. Les questions aussi rapides que précises du journaliste qui avait peine à placer deux mots étaient contrebalancées par les longues périodes du président de la République qui voulait sincèrement faire œuvre de pédagogie, mais noyait allègrement tous les poissons du marécage français. Égrenant pour la énième fois les contrats de génération, la flexi-sécurité  et autres débuts de réforme, il n’a pas avancé d’un iota sur la manière de s’attaquer vigoureusement et efficacement au chômage et à la dette. Sauf à répéter comme un mantra digne de la secte Hare Krishna que la courbe du chômage allait s’inverser fin 2013. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je reste aux affaires.

Nicolas Goetzmann : Le point majeur de cette intervention, le seul qui mérite d’être finalement retenu, est que nous avons assisté à deux heures d’une émission totalement dédiée à l’économie et que le mot « euro » n’a pas été prononcé. C’est-à-dire que la notion de « monnaie » qui représente au moins 50% des effets macroéconomiques n’est même pas abordée.

Il y a dès lors une problématique colossale concernant le diagnostic de crise. Alors que les plus grands pays font de l’arme monétaire l’axe principal de leur politique économique, nous persistons à nier ou pire encore, ne pas comprendre la nature monétaire de la crise qui nous frappe. A partir d’un tel constat, toutes les réponses apportées ne peuvent être que secondaires. Comment comparer un plan de relance de 15% du PIB comme cela est pratiqué au Japon et les contrats d’avenir ?

Les propos concernant l’inversion de la courbe du chômage ont été atténués, le président y a appliqué moins de force et se trouvait déstabilisé face à l’affichage des prévisions de croissance de certains organismes (FMI etc…) pour l’année 2013 et 2014. Il est à peu près certain qu’une inquiétude (légitime) est en train de naitre sur cette question.

Que dire de son analyse des problèmes structurels ? Ses arguments tiennent-ils la route ? 

André Bercoff : A chaque fois, il dit qu’il allait diminuer les dépenses publiques, qu’il va le faire, mais en fait, au mieux, il avoue que pour le moment, il est juste à l’équilibre des effectifs. Il annonce quand même 14 milliards d’euros d’économies en 2014. Où les prendra-t-il ? De quelle manière ? Au fond, Hollande est un digne disciple de Cocteau : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons de les organiser ». Sur l’Europe, sa bonne volonté est évidente, mais n’oublions jamais que malheureusement c’est Angela Merkel qui tient carte bleue et carnet de chèques.

Nicolas Goetzmann : Au risque de me répéter, les mots « EURO » et « BCE » n’ont pas été prononcés. L’analyse est dès lors totalement viciée à la base. Il ne nous reste que des bribes de ce à quoi pourrait ressembler une politique économique. Le quotient familial, la porte ouverte à la hausse des cotisations retraites, le rappel de la hausse de la TVA en 2014 et de nouveaux rabots sur les niches fiscales sont les seules mesures qui ont été mises en avant sur un plan structurel. La hausse de la fiscalité, et aucune précision sur les baisses des dépenses publiques forment le programme présidentiel.

François Hollande a une nouvelle fois rappelé son souhait de voir appliquer plus rapidement le pacte de croissance européen, en insistant lourdement sur l’intervention de la BEI (Banque Européenne d’Investissement). Ici encore, et plus symboliquement, il y a un manifeste problème de diagnostic. Nous ne sommes pas confrontés à un problème d’offre de crédit mais bien un problème de demande. C’est le niveau des ventes le problème…Nous sommes donc confrontés à une crise de nature monétaire.

Le président a répété plusieurs fois « ce n’est pas facile »…En effet, mais cela ne risque pas de s’arranger si des efforts ne sont pas faits sur l’analyse fondamentale de ce qu’est cette crise.

Qu'a-t-il à dire aux acteurs de terrain comme les chefs d'entreprise ? Quelles sont les mesures avancées par le chef de l'Etat dans ce domaine ? Sont-elles adaptées aux problèmes ? 

André Bercoff : Aux tweets diffusés pendant l’émission Capital qui lui demandaient d’abaisser les charges patronales, et ce afin d’empêcher les licenciements de CDI remplacés par des stagiaires, il a répondu qu’il faisait le maximum  et qu’il avait déjà fait beaucoup de cadeaux aux entreprises. L’impression générale ? Une nouvelle séquence de la boîte à outils. Est-ce vraiment le rôle du président de la République de montrer ainsi le cap de bonne désespérance ?

Nicolas Goetzmann : Le discours tenu aux entreprises et aux entrepreneurs a été profondément remanié depuis l’entrée en fonction du président, cela ne fait aucun doute. Mais il s’agit surtout d’une question de forme, parce que François Hollande n’a pas fermé la porte à de nouvelles hausses d’impôts les concernant.

La contrepartie se retrouve principalement dans le rappel de la mise en place du CICE (crédit impôt compétitivité emploi) et du choc de simplification. Sur ce dernier point, nous pouvons espérer quelques avancées mais cela ressemble véritablement à faire les fonds de tiroirs en termes de soutien aux entreprises.

François Hollande a indiqué qu’il ne voulait pas se lancer dans une politique aventureuse. Au regard d’un taux de chômage de 11% et d’un pays en récession, il faudrait peut-être songer à prendre des risques. Nous sommes actuellement dans une situation de statu quo qui fige totalement le pays. Aucune mesure proposée ne peut permettre un résultat à la hauteur des enjeux.  Le seul point sur lequel peut se reposer le président est la probable poursuite de grands plans de relance aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume Uni qui profiteront à la zone euro et à la France.

Le président semble croire sincèrement que nous traversons une simple crise cyclique, c’est ce qui ressort de son intervention, et c’est bien la notre problème.

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