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François Hollande au pays du Sirtaki, c’est David Copperfield en politique
©Reuters

Le coup du lapin

Le président a terminé une tournée de communication à Athènes, comme David Copperfield termine son spectacle d’illusionniste à Las Vegas : en apothéose.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A l’issue de son voyage officiel en Grèce jeudi et vendredi, François Hollande a fait salle comble au Parlement d’Athènes avec un numéro d’illusionniste qui a laissé les Grecs eux-mêmes sans voix. Accueilli par un sourire béat d’Alexis Tsipras qui présentait le spectacle, le président français a  commencé en disant aux Grecs qu'il les avait aidés à se sauver du gouffre financier, et que s’ils étaient encore sous la protection de l’euro, c’était grâce à lui.

François Hollande a été, alors, poliment applaudi. Les Grecs ont quand même le sentiment de s’être sauvé eux-mêmes en abandonnant beaucoup de leurs projets. Ils avaient cru comprendre que la position officielle française était plutôt ambiguë. 

Au deuxième acte, le président ne s’est pas démonté. Étant donné ce soutien politique, qui lui a coûté quelques inimitiés, il serait touché si les Grecs acceptaient de signer quelques contrats avec des investisseurs français. Les entrepreneurs français présents dans la salle en étaient gênés.  

Les Grecs sont bien placés pour savoir que l’on n’est pas sur la planète des Bisounours. Surtout que les contrats en question ont été majoritairement signés avec les Allemands et depuis longtemps ! Sur le front du business, les Grecs ont tout compris. Mieux vaut traiter avec les investisseurs qui ont des projets et surtout de l’argent plutôt qu’avec ces Français qui ont des idées bienveillantes et sympathiques mais qui ont surtout des dettes.

Le troisième acte a été complètement incompréhensible pour les Grecs. Du haut de la tribune, François Hollande les a félicités d’avoir engagé les réformes que demandait la Troïka. En résumé, François Hollande est venu se réjouir qu’ils aient finalement accepté les efforts qu’il critiquait lui-même et contre lesquels le gouvernement grec se battait… lors de la saison 1 de la série. La saison 2 a remis tout à l’envers. Alexis Tsipras a changé de scenario.  

Les réformes ont été engagées très vite, les banques grecques ont retrouvé de l’argent et la dette extérieure sera restructurée. C’est une évidence contractuelle. François Hollande a fait mine de promettre qu’il regarderait ce dossier avec attention et bienveillance, mais c’est tout vu. La dette grecque est en voie de restructuration. Il ne peut pas en être autrement. Les dernières promesses de Mario Draghi vont d’ailleurs encore favoriser le processus. Il va falloir que François Hollande regarde la totalité de la série, il a dû oublier des épisodes.

Ce que les Grecs n’ont absolument pas compris hier soir, c’est quand le Président français a expliqué que l’on pouvait être de gauche et faire des réformes. Au contraire, il a dit son admiration pour la pertinence de l’engagement du peuple grec à gauche grâce au programme de réformes. En bref, les Grecs sont de gauche aujourd’hui alors qu’avant, ils étaient sans doute ailleurs.

Et là, les Grecs n’ont pas du tout compris. Les Français présents ont simplement expliqué aux médias locaux qu'il ne fallait pas s’inquiéter et que François Hollande s’adressait aux Français qui votent et qui vont regarder les journaux TV.

Ce passage-là était donc une jolie carte postale envoyée aux Français de gauche qui refusent d’accepter les réformes de structures - qu'il n’avait pas annoncé dans son programme - mais qu'il estime nécessaire de faire aujourd’hui. Les frondeurs et tous les mécontents ont compris que pour être de gauche, il fallait comme les Grecs voter des réformes.  Ce numéro d’équilibriste est quand même assez extraordinaire, seule la politique peut en produire.  

Un discours qui clôture une tournée de communication pendant laquelle François Hollande est allé  partout. Le Président était présent tous les jours et tous les soirs. Cette tournée avait commencé par un documentaire sur France 3 qui a eu un effet déplorable pour l’image du président de la République.

Après cela, il a couru tous les jours aux quatre coins de la France en quête d’image de proximité pour montrer qu'il s’occupait des vrais gens. En réalité, cette tournée dans la France profonde fut une véritable galère.

La visite à La Courneuve n’a eu aucun écho positif et le déplacement à St-Nazaire où il a été accueilli par les délégués CGT – dont celui qui a refusé de lui serrer la main - l’a laissé sans réaction. Ne parlons pas des incidents d’Air France qui ont abimé l’image de ce pays auprès des investisseurs du monde entier. Des images vues par 500 millions d’habitants en 24 heures, au moment où le gouvernement essaie de persuader les investisseurs de l’attractivité française. Quel gâchis !

François Hollande est désormais dans une situation politique inextricable. Il n’a plus d’argent, il ne peut donc plus acheter des électeurs comme les hommes politiques le faisaient avant. Pour gouverner, il doit réformer. Mais pour réformer, il lui faut une majorité. Pour avoir cette majorité et être élu, il doit être à gauche… mais s’il est à gauche, il ne réforme pas.

C’est peut-être pour cette raison qu’il est allé en Grèce féliciter Alexis Tsipras qui a réussi lui cet exploit unique dans l’histoire politique contemporaine : être élu deux fois de suite sur des programmes contradictoires.

Quelle leçon pour François Hollande. Alexis Tsipras a réussi la synthèse politique entre la gauche et les marchés. François Hollande n’y parviendra pas. Sa chance, pour l’instant, c’est que la droite n’a pas non plus réussi cette synthèse politique. Mais elle le fera certainement.

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