François Fillon va devoir affronter une vague anti-libérale poussée par les élites de droite comme de gauche qui ne veulent pas entendre l’aspiration populaire à une alternative crédible<!-- --> | Atlantico.fr
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"Bouger oui, mais doucement sans bousculer ceux qui souffrent" disait Alain Juppé. C'était oublier que ceux qui souffrent vraiment dans ce pays ce sont ceux qui n'ont pas de travail depuis trop longtemps et pas de formation.
"Bouger oui, mais doucement sans bousculer ceux qui souffrent" disait Alain Juppé. C'était oublier que ceux qui souffrent vraiment dans ce pays ce sont ceux qui n'ont pas de travail depuis trop longtemps et pas de formation.
©wikipédia

Atlantico Business

Le soir-même des résultats de la primaire, les cadres de la droite et du centre engagés dans l'aventure Juppé se sont ligués contre Fillon. A gauche, les dirigeants socialistes ont ressorti les vieilles lunes anti-libérales.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce qui se passe en France est absolument surréaliste. Alors que le pays est au bord du déclin, qu'il va se faire éliminer de la compétition internationale, mais surtout, alors que la majorité des experts et des acteurs de droite comme de gauche sont d'accord sur le diagnostic de la situation, on s'aperçoit que dès qu'un responsable ose dégainer des outils ou des projets nouveaux qui tiennent compte des contraintes que nous devons assumer, et bien ce responsable se fait critiquer, injurier, pour ne pas dire flinguer par les membres de sa propre famille. Alors même qu'il rassemble l'accord d'une majorité de l'opinion publique.

Pour François Fillon, la semaine va être difficile. Il a brisé deux tabous.

D'une part, il a osé dire qu'il fallait assumer la mondialisation, l'Europe, la révolution digitale. Il a même osé affirmer que les seuls créateurs de richesses et d'empois étaient les entreprises en situation de concurrence. Et comble du politiquement incorrect, il a estimé que l'Allemagne était quand même un bon modèle de gestion. Et comble de l'impolitesse, il a même suggéré l'idée qu'il faudra dialoguer avec Moscou. 

Pour la plupart des responsables politiques, des syndicats et des médias c'est de l'ultra-libéralisme tout cela.

Et la France s'est installée dans l'opposition viscérale au libéralisme. La France éternelle, celle qui parle et qui décide, de Vercingétorix à de Gaulle, en passant par Louis XIV et Robespierre. Cette France-là qui a pourtant traversé le siècle des Lumières, accouché des doctrines libérales politiques et économiques et qui les a exportées dans les pays anglo-saxons, cette France-là est restée centralisée, étatiste au risque de l'impuissance aujourd'hui.

D'autre part, le second tabou, est qu'en proposant une alternance franchement libérale, François Fillon a été entendu et écouté par une majorité des électeurs de la droite. Alors ça c'est insupportable. Une idée nouvelle est intéressante, mais si elle a du succès, elle devient vulgaire.

Il arrive donc en position de pouvoir sans l'aide des partis de la droite et du centre qui sont restés sur des positions plus conservatrices. 

"Bouger oui, mais doucement sans bousculer ceux qui souffrent", disait Alain Juppé. C'était oublier que ceux qui souffrent vraiment dans ce pays ce sont ceux qui n'ont pas de travail depuis trop longtemps et pas de formation. Quand en plus, on ne les empêche pas de monter leur petite entreprise. Rien ne va plus. Tout est bloqué.

Opter pour des solutions libérales qui n'ont jamais été tentées, et constater que ces idées sont écoutées par une majorité, a fait de François Fillon l'ennemi public numéro 1 pour les cadres de la droite qui ont vu leur pouvoir s'effondrer.

Nicolas Sarkozy a jeté l'éponge avec beaucoup de dignité, ses lieutenants se sont ralliés, mais Alain Juppé a repris la course en promettant une vraie bagarre avec Fillon. Du coup tous les coups sont-ils permis ? François Fillon aurait un programme trop à droite, un programme ultra conservateur, impossible à financer, pas cohérent. Bref on pourrait l'accuser d'une maladie honteuse qu'il n'en serait pas autrement.

Peu importe, cette vague libérale correspond à l'aspiration d'un grand nombre de citoyens qui s'inquiète de voir le pays s'effondrer.

Mais ce qui est très intéressant pour l'avenir c'est que la gauche, elle aussi, est traversée par une demande de politique plus libérale. Du coup les cadres de la gauche se lèvent et flinguent le premier d'entre eux qui a dit la vérité. Emmanuel Macron est celui qui à gauche pratique la transgression permanente.

Au début ça agace, à la fin ça les met en colère. Du coup, les dirigeants du PS essaient d'étouffer Macron et pour renforcer leur posture de gauche, faute de propositions, ils descendent François Fillon.

En moins de 24 heures, les cadres du parti socialiste se sont donc aussi levés, vent debout contre le gagnant de la primaire, taxé, une fois de plus d'ultra libéral, de conservateur et même pour l'un deux de fieffé réactionnaire.

La conspiration anti-libérale vise donc François Fillon, elle rassemble de la droite a la gauche. Quand cette conspiration se sera épuisée avec Fillon, elle s'attaquera à Macron et sans doute à Valls.

Sans vouloir admettre qu'il existe à droite comme a gauche, une aspiration au changement. La fracture entre le peuple et les élites se creuse aussi en France.

Mais alors qu'en Grande Bretagne, et aux Etats-Unis, les populations fragiles tombent dans les filets du populisme, en France, les majorités de droite comme de gauche sont plus sensibles à ceux qui leur offrent des solutions plutôt courageuses et peut-être douloureuses. C'est peut être là l'exception française.  

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