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François Fillon : "Le totalitarisme islamique vise à créer les conditions d'une troisième guerre mondiale"
©Reuters

Grand Entretien

François Fillon, candidat à la primaire de la droite et du centre, publiait ce jeudi 29 septembre son livre Vaincre le totalitarisme islamique. Il revient pour Atlantico.fr sur ses propositions en matière de terrorisme, notamment, ainsi que sur son évolution dans la primaire.

François Fillon

François Fillon

François Fillon est député de la 2ème circonscription de Paris. Il a été pendant cinq ans le Premier ministre de Nicolas Sarkozy.

Il est actuellement candidat à la primaire de la droite qui se déroulera en novembre 2016.

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Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Atlantico : Depuis la rentrée vous expliquez dans vos discours qu'il n'y a pas de problème de communautarisme en général en France mais un problème particulier provoqué par l'islam radical, et vous publiez un livre "Vaincre le totalitarisme islamique" dans lequel vous rappelez vos propositions en la matière et remettez quelques idées en place...

François Fillon : Après les attentats de Nice, j'ai été sidéré par la faiblesse des analyses politiques et par ce que j'appelle "le concours Lépine" des réactions et solutions les plus extravagantes les unes que les autres. Je n'ai trouvé nulle part un dirigeant politique qui prenne le temps d'expliquer la nature de la menace qui pèse sur nous - ce que j'appelle le totalitarisme islamique - ni quelle réponse internationale doit être apportée à cette menace, ni enfin quelles réponses en matière de sécurité intérieure. Ajoutez à cela qu'une partie de la droite s'est lancée dans une espèce de fuite en avant pour s'assoir le plus violemment sur l'Etat de Droit... J'ai considéré que je ne pouvais pas continuer à laisser faire et j'ai décidé de rassembler dans un livre des analyses et des propositions qui sont les miennes depuis longtemps mais qui retrouveraient toute leur cohérence dans un livre... Je l'ai écrit entre le 14 juillet et le 30 août... 

Dans votre discours de rentrée à Sablé-sur-Sarthe vous avez longuement parlé de ce sujet et employé pour la première fois employé le terme totalitarisme...

C'est exact, et j'ai pris le temps d'expliquer pourquoi je parle de totalitarisme islamique. On parle de terrorisme, de djihadisme, mais je suis l'un des seuls à utiliser ce mot ; j'y attache beaucoup d'importance car je veux évidemment faire référence au nazisme. Je veux démontrer que nous ne sommes pas confrontés à une menace ponctuelle, passagère, mais qu'il s'agit d'un mouvement puissant, visant à prendre le contrôle d'une grande partie du monde avec des méthodes et une idéologie totalitaires, voire une tentation génocidaire, à l'encontre des chrétiens d’Orient, des juifs qu'ils veulent expulser d'Israël. Et ce mouvement totalitaire est en train de créer les conditions d'un affrontement que je qualifie de risque d'une troisième guerre mondiale.

Si on ne dit pas cela, on s'enferme dans des débats franco-français sur notre protection, ce qui est stérile si on n'est pas capable de mener simultanément le combat contre ce totalitarisme islamique et le combat pour la sécurité nationale. Beaucoup trop d'hommes politiques français, soit parce qu'ils n'ont pas mesuré l’ampleur de la menace, soit parce qu'ils ont la tête baissée dans le guidon, sont dans la réaction immédiate, souvent électoraliste. Du coup, ils proposent des mesures inefficaces.

Par exemple ?

Tant que l'on n'a pas éradiqué la source des attentats, il continuera d'y en avoir. On peut mettre en place tous les systèmes de sécurité, il y a toujours des commanditaires de plus en plus puissants, qui ont de plus en plus d'argent, de plus en plus d'influence et qui trouveront toujours les moyens de contourner nos dispositifs. Donc, le combat contre le totalitarisme islamique doit être livré au coeur du mal, au Proche et Moyen Orient, et pour cela, il faut rassembler toutes les forces possibles, tous les Etats possibles, qu'ils soient démocratiques ou non, qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas... De Gaulle, Churchill, Roosevelt s’étaient bien alliés avec Staline pour vaincre le nazisme ! L'urgence c'est de lutter contre ce nouveau totalitarisme et de le battre.

Reconnaissez que votre discours est difficilement audible avec ce qui se passe en ce moment à Alep !

Eh bien non ! L’horreur d’Alep ne doit pas effacer notre raisonnement géopolitique. Ca n’est pas parce qu'il y a un événement extrêmement dramatique, que je condamne avec la plus extrême vigueur, qu’il ne faut pas voir la réalité du problème de fond qu’il nous faut résoudre. 

On a quand même le sentiment que les Russes n'étaient pas vraiment désireux de faire partie d'une grande coalition…

C'est faux ! On leur claqué la porte au nez depuis quatre ans ! Dans mon précédent ouvrage, je relate un entretien avec Vladimir Poutine en 2011, où nous avons évoqué ensemble la possibilité de trouver une solution de transition pour sortir Bachar el Assad. La Russie défend ses intérêts en Syrie, elle n’a pas toujours défendu bec et ongles Assad. Au lieu de comprendre cela, au lieu de créer une brèche dans la stratégie du Kremlin, on a méprisé Moscou, les Américains en tête. Ensuite, nous nous sommes accrochés à l'idée que tant que Bachar El Assad serait là, rien ne serait possible. Nous avons tous défendu cette idée, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et moi-même... Sans parler de François Hollande qui avait fait naïvement du départ de Bachar El Assad, "le préalable" de toute solution politique en Syrie. Mais je me suis rendu compte en allant sur place que le régime de M. El Assad tiendrait, malgré tous ses crimes, parce qu'il est soutenu par une partie de sa population.

A quel moment avez-vous fait ce constat ?

J'ai reçu le Premier ministre libanais de l'époque, les derniers jours du quinquennat, en 2012. Il m'a expliqué que Bachar El Assad serait encore là longtemps, parce qu'il avait le soutien des Alaouites, des Chrétiens, de toutes les minorités à l'exception des Sunnites. Par la suite, quand je suis allé au Liban tous les responsables chrétiens libanais rencontrés sur place m'ont expliqué que notre stratégie était vouée à l'échec.

Vous n'avez pas voulu voter la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité ; vous vous distinguez aussi de certains de vos concurrents en ne voulant pas modifier les règles de la laïcité. Pourquoi ? 

J'ai fait le choix d’affirmer qu’on ne peut plus continuer à lutter contre l'intégrisme musulman en durcissant à l’infini les règles de la laïcité. On ne plus se cacher derrière le combat contre le communautarisme pour ne pas dire les choses telles qu’elles sont : en France, il n’y a pas de problème avec la plupart des communautés religieuses mais un problème avec l’Islam et sa radicalisation. A vouloir faire voter des lois pour durcir encore davantage les règles de la laïcité, nous risquons de porter une atteinte grave à la liberté religieuse, ce qui est inacceptable à mes yeux, compte tenu de ce qu'est la France, et de ce qu'elle représente en termes de liberté et de démocratie. Lorsque j’entends les discours de ceux qui veulent interdire tout signe religieux dans l'espace public, on part en vrille ! On ne va tout de même pas interdire aux gens de se promener avec une croix ou une kippa, ou encore de porter un T-shirt à l'effigie du pape. Les religions ont des siècles d'histoire. Faut-il que catholiques, protestants, juifs, musulmans modérés renoncent à toute visibilité à cause de l’Islam radical et des provocations du burkini ? Cela ne peut aboutir qu’à des tensions et plus le ton va se durcir, plus on va vers des affrontements. C'est exactement ce que veulent les totalitaires islamistes : ils veulent la guerre des religions, chez nous. 

Faut-il, comme le proposent certains, interdire le salafisme ?

Non, on ne peut interdire une pensée, mais il faut dissoudre ces associations qui se réclament du salafisme et des Frères Musulmans comme on a dissous les organisations d'extrême gauche ou d'extrême droite en d'autres temps. On s'est emparé du mot salafisme, mais les Frères Musulmans ont exactement les mêmes objectifs.

Alors comment combattre l'intégrisme musulman ?

En suscitant la création d'une autorité religieuse, comme Napoléon a imposé le consistoire aux Juifs ; il faut imposer la même chose aux Musulmans. Nicolas Sarkozy avait eu l'intelligence de le tenter avec la création du CFCM mais ça n'a pas marché parce que la désignation de ses membres se fait sur un mode qui donne le contrôle de l'instance à des pays étrangers. Il faut créer un organisme avec des théologiens, des hommes et des femmes respectés qui puissent servir d'intermédiaire dans le travail en profondeur qui doit être conduit pour amener la majorité des musulmans à se rebeller contre l'intégrisme. Je vais plus loin en disant qu'il faut interdire les financements étrangers et qu’il ne faut pas de financements publics car les musulmans sont suffisamment nombreux en France pour financer leur culte. 

Est-ce que cela vous amène également à demander que l'on revoie les relations de la France avec certains pays étrangers ?

Nous ne pouvons pas continuer à être les alliés exclusifs des sunnites contre les chiites. La France devrait avoir des alliés des deux côtés. On n'a pas à prendre parti et nous ne pouvons pas continuer à fermer les yeux sur le fait que le wahhabisme est la matrice de l'intégrisme. C'est là que tout commence. On ne peut pas non plus fermer les yeux sur le fait que l'Arabie Saoudite encourage ou finance des mouvements qui font cause commune avec ceux qui nous combattent. Il faut dialoguer avec les Saoudiens, mais je veux qu'on parle aussi avec les Russes, l'Iran, avec tous ceux qui peuvent être utiles à la destruction de l’Etat islamique. 

N'aurait-il pas été utile de voter la réforme constitutionnelle sur la déchéance de la nationalité ?

Non, cela n'aurait servi qu'à montrer que la Constitution est une variable d'ajustement de politique de communication du gouvernement. J'ai vu que Nicolas Sarkozy voulait modifier la Constitution pour permettre la rétention administrative. Je rappelle que notre Constitution, votée en pleine guerre d'Algérie, prévoit que nul ne peut être privé de liberté sans décision du juge ! Pendant la guerre d'Algérie et on ne se posait pas tous les matins la question de savoir s'il fallait ou non modifier la Constitution !

Le débat politique français est trop souvent ce que Jacques Chirac appelait un débat de "va de la gueule" ; on parle, on polémique au lieu d'agir. Quand François Hollande se lance dans la modification de la Constitution pour la déchéance de nationalité, c'est exactement la même démarche que quand certains à droite font des propositions fracassantes mais irréalistes. On pense que le fait d'avoir un débat au parlement pendant trois semaines, c'est une action mais l'action, c’est trouver des alliés pour contrer l’Etat islamique, c'est affuter nos services de renseignement, c’est traquer les suspects et les mettre en prison, c’est expulser les étrangers dangereux.

Je propose 4 mesures très fortes :

  • déchéance de nationalité pour les gens qui prennent les armes contre la France. Elle est prévue dans nos textes. Il faut un décret en Conseil d'Etat. Les personnes parties en Syrie, on les déchoit de leur nationalité et on refuse de les laisser revenir en France. On en fait des apatrides ? Peut-être mais la France n'a jamais ratifié la convention sur l'apatridie. 

  • deuxième proposition : c'est le livre 4 du code pénal stipulant que toute personne en intelligence avec l'ennemi peut être arrêtée, placée en détention préventive, jugée et être condamnée jusqu'à trente ans de prison. L'argumentation juridique qui nous a été opposée jusqu'à présent, et que je réfute, est que l’Etat islamique n'est pas un Etat… Cela ne tient pas car le code pénal parle d'"Etat et organisation"... Je préfère cette solution à celle qui consiste à mettre en détention administrative sans aucun jugement, sur décision administrative, des milliers de personnes ... Cette idée n’est ni acceptable, ni réalisable.

  • troisième proposition: elle concerne l'expulsion des étrangers qui présentent une menace pour la sécurité nationale. Là aussi les textes existent mais on ne les applique pas suffisamment.

  • enfin, dernière proposition, qui nécessite le vote d'un texte de loi - et je suis d'ailleurs en train de travailler à la rédaction d'une proposition de loi dans ce sens - c'est l'obligation pour les GAFA (les géants du web Google, Apple, Facebook, Amazon), de signaler les messages et les sites suspects. L'idée m'est venue de ce que font les banques qui ont l'obligation de signaler tout mouvement suspect à Tracfin. Il s’agirait d’obliger les GAFA à signaler les sites suspects (création de site, échanges qui auraient trait au terrorisme). Aujourd'hui, il n'existe aucune obligation. L’internaute peut passer ses journées sur internet à rechercher des sites terroristes, l'opérateur internet n'a aucune obligation de signalement. 

Revenons à la primaire... Vous attaquez beaucoup Nicolas Sarkozy, mais assez peu Alain Juppé ; il n'y a pas beaucoup de controverses entre vous.

Des controverses, non, mais des différences oui. Mon programme économique est, à mon sens, plus radical que le sien. Et puis nous avons une vision différente sur la politique internationale. Alain Juppé considère qu’il n’y a rien à attendre de la Russie et que la chute de Bachar El Assad reste la condition sine qua non pour faire avancer une solution en Syrie. Je pense qu’il se trompe.

Toujours à propos de la primaire. Il se chuchote dans les états-majors de vos concurrents que votre score est sous évalué dans les sondages qui vous placent en troisième ou quatrième position, derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy ?

C'est une évidence ; si j'étais au niveau des sondages des primaires, je n'aurais pas autant de soutiens d’élus locaux et de parlementaires ; je ne remplirais pas les salles à l'occasion de mes déplacements. Je mène une campagne de fond ; je sens dans mes déplacements l’intérêt et l’estime des Français. Il y a un décalage entre le terrain et les sondages actuels. Je ne sais pas ce qu'il en est précisément mais je remarque que, depuis l'été, c'est ma campagne qui rassemble le plus de monde dans les manifestations. Si j'étais au niveau où me placent les instituts de sondages, il n’y aurait pas eu 3000 personnes à Sablé-sur Sarthe à la fin du mois d'août. Le 21 septembre, avec 2000 personnes, le Cirque d'hiver était plein à craquer à Paris. Idem quelques jours plus tard à Saint-Raphaël, où il y avait 1200 personnes dans la salle. Et il y a un signe qui ne trompe pas, c'est la fidélité des parlementaires. Ils sont 84 à me parrainer. Les parlementaires et les élus locaux sentent l'opinion. Je l'ai vécu quand j'étais Premier ministre. Une semaine, ils pouvaient être gonflés à bloc, la semaine suivante ils pouvaient être défaits parce qu'ils s'étaient fait engueuler par leurs électeurs. Là, ils sont solides. Les Français ne leur disent pas : "Qu'est-ce que vous faites avec Fillon" ? Non, on leur dit "Vous avez raison, il dit la vérité, il a le meilleur programme, est-ce qu'il va être élu" ? On leur parle aussi du rejet d’un nouveau duel Hollande/Sarkozy. Moi, je crois qu’il y a une France, aujourd’hui silencieuse, qui murit son choix et qui va aller massivement voter à la primaire. C'est pour cela que je suis convaincu qu'il y aura des surprises lors du vote.

Que vous inspirent les déclarations de ceux qui disent "On ne veut pas que la gauche nous vole le résultat" ?

C'est un fantasme, un épouvantail absurde qu’on dresse devant nos militants pour des raisons tactiques. Et au demeurant, les primaires sont ouvertes à tous les Français, qui doivent être respectés dans leurs sensibilités politiques. Toutes les primaires qui ont eu lieu, toutes les analyses qui ont été faites, montrent que ce phénomène de vote extérieur est marginal. 

Imaginez-vous un duel Juppé-Fillon au deuxième tour de la primaire ?

C'est une belle hypothèse qu’on peut parfaitement imaginer. J'aurai plus de facilité que lui à rassembler l'électorat de droite, je suis plus à droite que lui, parait-il…

Quels commentaires vous inspirent les révélations de Patrick Buisson ? 

Notre démocratie est mal en point et ce livre n’arrange pas les choses. Si ce qui est écrit est vrai, alors c’est consternant, si c’est faux, c’est affligeant. La Politique vaut mieux que ça.

Propos recueillis par Anita Hausser

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