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France - Moldavie : Olivier Giroud se rapproche du record de buts de Michel Platini... ou pas
©FRANCK FIFE / AFP

Euro 2020

Au terme d'une soirée laborieuse, les Bleus ont arraché leur qualification pour l'Euro 2020 par 2 buts à 1.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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On les voit venir les grincheux... Ils vont crier en choeur que du fait de la faiblesse de la poule et de la modestie de l'adversaire du soir, la messe était dite depuis longtemps... Pourquoi pas... Mais tous ceux qui n'ont pas la mémoire courte se souviennent aussi que dans des circonstances presque identiques, Atar et Kostadinov nous ont rendu l'ostie particulièrement amère dans un passé pas si lointain. Concédons aux renfrognés qu'au cours de la soirée, pendant une très longue demi-heure, quelques fantômes sont revenus nous hanter... Pas des petits, des gros. Pourtant, c'est peu dire que les planètes semblaient bien alignées. La Turquie ayant eu le bon goût de ne pas battre l'Islande, l'équipe de France, par l'effet d'un coup de billard à deux bandes, se voyait qualifiée trois heures avant le coup d'envoi et conservait la possibilité, en cas de victoire, de briguer la première place du groupe. Seulement, après une prestation pareille et même si l'essentiel est sauf, ces mêmes grincheux pourront ajouter que désormais les inquiétudes sont plus nombreuses que les promesses... C'est une lecture possible... On ne va pas le nier. Mais il y en a une autre. Parce que quand une équipe assume son statut de championne du monde en bouclant une treizième participation consécutive en phase finale, on peut aussi avoir envie de la féliciter et se dire que si la période n'est  pas à la liesse, on en a connu des moins fastes. On peut aussi se dire que ce match est peut-être bien à l'image de l'équipe. Pour elle rien n'est facile, mais elle s'en sort toujours.

Classée au 175ème rang mondial, la Moldavie avait au coup d'envoi l'allure d'un mort en pleine santé. Il était difficile de trembler à l'idée d'affronter une sélection capable d'encaisser 14 buts sur ses 5 derniers matchs (sans en marquer un)... Une équipe à même de perdre, la chose n'est pas donné à tout le monde, contre Andorre en octobre dernier... Alors, quand le quasi-inconnu Rata a poussé le ballon au fond des filets (8ème), suite à une bourde monumentale de Lenglet, les vieilles douleurs se sont rappelées aux mauvais souvenirs de tout le monde. Il faut dire que le début de match des français n'était pas seulement décevant, il était inquiétant. Mis à part des hors jeux et des approximations, Il manquait de tout, et en grande quantité. Mais comme un autre clin d'oeil adressé au passé, le salut allait passer par une décision d'arbitrage favorable. Si Thierry Henry avait égalisé en 2009 grâce à une main aussi illicite que salvatrice, Olivier Giroud a préféré, lui, feindre de mettre la sienne avant de percuter le gardien adverse et de le gêner dans sa sortie... comme l'arbitre ne bronchait pas, l'aubaine profitait à Varane qui n'avait plus qu'à marquer de la tête. Nous étions à la 35ème minute. A ce moment-là, à défaut de bien respirer, on suffoquait moins. On pensait alors que ce but allait libérer les Bleus. Mais on pensait mal.. et la suite allait être à peine meilleure. Désordonnés et brouillons, sans idées, les Bleus allaient dominer stérilement le reste de la partie. Et la délivrance, la vraie bouffée d'oxygène, allait finir par arriver seulement à dix minutes de la fin, lorsque Giroud transformait un pénalty légitime, consécutif à une grosse faute commise sur Digne. Les Bleus n'avaient ensuite plus qu'à s'accrocher à l'essentiel. Au coup de sifflet final, ils n'étaient peut-être pas beaux à voir, mais ils étaient premiers. Une victoire en Albanie dimanche prochain et ils le resteront. Evidemment, ceux qui attendaient un feu d'artifice auront été bien déçus par un quatuor offensif, alléchant sur le papier, mais qui n'aura finalement pas produit grand-chose. Depuis son arrivée à Barcelone, Griezmann est loin de ses standards et Mbappé, probablement obsédé par ses statistiques, s'éparpille à force de vouloir tout résoudre par lui-même. Pour Coman, c'est à peine mieux, car s'il a beaucoup tenté hier soir, il aura bien peu réussi. Heureusement, il y a Giroud. Un Giroud sans cesse décrié mais qui aura été une nouvelle fois à la hauteur de sa tâche, exact au rendez-vous et dans tous les bons coups. Travaillant inlassablement pour l'équipe, son 39ème but en sélection (!) est une juste récompense de ses efforts et le rapproche un peu plus du total de Michel Platini. 

Mais si l'actuel avant centre des Bleus additionne les buts comme d'autres enfilent les perles, il faut bien reconnaître que l'interprétation de sa production divise toujours. C'est qu'approcher la performance d'une idole, d'un mythe, cela ne se fait pas sans risques... On peut côtoyer les anges longtemps sans jamais les tutoyer... Et même si l'analogie ne peut s'arrêter aux seuls chiffres, il faut tout de même commencer par les évoquer. En rapportant le nombre de buts marqués au nombre de matchs disputés: 41 buts en 72 matchs pour Platini pour 39 buts en 96 matchs pour Giroud. Bien que les ratios soient proches, (0,57 contre 0,41) un bémol s'impose: à l'époque de Platini, les matchs internationaux étaient moins nombreux et, la chose est d'importance, la valeur moyenne des équipes adverses était aussi plus élevée... Poussons encore la comparaison. Parce ce que le profil, le rôle et la place dans l'équipe, ça compte aussi... Giroud est un finisseur hors pair, cela ne se discute pas. Mais Platini était plus que cela... il était autant organisateur que buteur...  Dans l'histoire du jeu, ils sont peu nombreux à pouvoir présenter de tels états de service. Notre Platoche n'était pas seulement le meilleur joueur de son équipe, il en était aussi le maître à jouer, la conscience. Il y a ça et puis il y a tout le reste: il est évident que Giroud bénéficie aujourd'hui autant de son travail que de celui des autres... mais Platini... lui, les autres... il les portait... Et quand l'un reste muet en phase finale de Coupe du Monde, l'autre marquait beaucoup de buts dans les soirs qui comptent... Enfin, si Platini était secondé par de grands joueurs comme Giresse ou Tigana, Giroud est entouré de nombreux stars de classe mondiale, évoluant dans les plus grands clubs, empilant les titres et les trophées. Jouer avec des Griezmann, des Kanté, des Mbappé et des Varane, ça aide.

Alors que conclure ? Que si l'exercice est tentant, comparer les joueurs et les époques, reste une chose toujours délicate, voire illusoire. Les chiffres ont beau être ce qu'ils sont, ils ne pèsent pas bien lourd face à la nostalgie et une mémoire embellie par les années qui passent. Et l'on peut parier que si l'on vous dit que l'un est un grand joueur et que l'autre est l'un des plus grands, vous saurez instinctivement de qui il est question... Pour Giroud, le combat est perdu d'avance. Il a beau incarner la France qui continue de vaincre, Platini, lui, aura surtout été le premier à l'avoir fait gagner. Quand l'un symbolise le sacrifice, les buts dans les six mètres et les têtes rageuses... l'autre rentre dans l'histoire par la grande porte avec trois ballons d'or, des maillots de légende, des ouvertures lumineuses pour Boniek et des coups francs magiques... Lorsqu'on voyage à de telles hauteurs, le palmarès ne suffit plus. Platini n'est certes pas champion du monde, mais dans la légende de son sport, dans l'inconscient collectif, il est quasiment inaccessible. Vous voyez que si tous les buts ont le même poids comptable, ils n'ont certainement pas tous la même valeur. Comme quoi dans leur genre, les chiffres, aussi, ont leur poésie. Un jour, peut-être, Olivier Giroud inscrira son 42ème but en Equipe de France... Mais même ce jour-là, il restera le dauphin d'un roi, d'un seigneur du jeu. Pourquoi ? Parce que la réalité disparaît souvent au profit de la symbolique et que l'on se remémore un joueur comme Platini comme on visite les vestiges de son enfance... Parce que comme pour l'art, le regard posé sur une oeuvre dépend fortement de celui que l'on pose sur son auteur... Parce que comme pour l'art, le regardeur fait aussi le tableau.

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