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Florian Philippot : "le Front National n'est pas opposé aux alliances politiques"
©Reuters

Apaisé

Au lendemain d'élections régionales où le Front national a fait une percée historique sans pour autant gagner de régions, le parti est aujourd'hui face à un tournant stratégique. Nouveau slogan, stratégies d'alliances, attitude face à l'euro... Le vice-président du FN, Florian Philippot, fait le point.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Florian Philippot

Florian Philippot

Florian Philippot est président du parti "Les Patriotes", qu'il a fondé en septembre 2017. Il est également conseiller régional du Grand Est et député européen. Il était auparavant vice-président du Front National.

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Atlantico : Les résultats du Front National aux élections régionales ont été décevants, vous n'avez emporté aucune région. Est-ce pour cela que Marine Le Pen a décidé de prendre du recul ? On la dit déprimée, est-ce vrai ?

Florian Philippot : Vous regardez le verre à moitié vide, on peut le regarder à moitié, et même aux trois-quarts, plein. C’est historiquement notre meilleur score, que ce soit en pourcentage ou en nombre de voix. Et nous n'avons gagné, certes, aucune région mais nous avons forcé le PS à renoncer à avoir des élus dans le Nord et en PACA. Nous avons acculé le PS et LR à se montrer tels qu'ils sont, c'est-à-dire des partis jumeaux qui se renvoient l’ascenseur en permanence. Et si Marine Le Pen prend du recul, c'est parce qu'elle souhaite profiter de cette année 2016, qui est une année sans élections, pour faire ce qu’elle souhaite faire depuis longtemps et qu’elle n'a pas eu le temps de faire jusqu'alors du fait de ses campagnes incessantes, c'est-à-dire prendre le temps de se déplacer en France, dans nos départements et discuter, pour réfléchir et nourrir son projet présidentiel loin du buzz parisien. Voilà comment elle conçoit 2016. Et les résultats des régionales, elle les observe avec beaucoup de sérénité, en se demandant ce qui doit être encore perfectionné et comment on doit parler à ces Français qui se mobilisent au second tour contre nous parce qu'ils croient en des choses fausses. Ils les croient de bonne foi et moi je suis convaincu qu'il faut qu'on leur parle sans détours. C'est pourquoi nous avons décidé d'expliquer en quoi nous sommes un acteur de pacification de la société française.

La stratégie de ne passer aucune alliance est-elle viable ? Robert Ménard s'est dit favorable à un Podemos de droite, est-ce possible ?

Tout d'abord, on ne se reconnaît pas dans le clivage droite/gauche, cette expression de droite pose donc un problème. Mais ceci mis à part, nous ne sommes pas opposés aux alliances. La question est : est-ce que l'on fait de la vieille politique en faisant des alliances de circonstance ? Ça n'est pas notre vocation et je ne vois pas avec qui nous pourrions nous allier. Nous ne partageons rien avec le PS, rien avec Les Républicains, l'UDI, le Modem, le Front de Gauche ou les Verts. Après, que nous tendions la main à tous les patriotes de droite et de gauche, c’est autre chose. Mais la seule formation qui a une cohérence programmatique forte avec nous, c'est Debout la France. Or, Nicolas Dupont Aignan ne veut aucun accord parce qu’il est dans une démarche personnelle dans la perspective de l'élection présidentielle de 2017. Je trouve que c'est dommage car je pense que les patriotes ne peuvent plus attendre et qu'on a le devoir d'être unis. Pour le reste, il y a des personnalités du monde politique ou de la société civile qui bougent, qui veulent aider leur pays. On leur parle mais nous voulons avant tout parler aux Français.

Ne craignez-vous pas que cette difficulté que vous avez à discuter avec d'autres formations politiques ne vous ferme, pour encore longtemps, les portes de l’Élysée ?

On ne va pas faire alliance avec des partis politiques qui sont favorables au renforcement de l'Union européenne. Ils ont tous mené une politique d'immigration massive, de communautarisme, ils défendent tous la déréglementation des services publics imposée par l'Union européenne. Moi, je crois beaucoup à la multiplication des structures venant de la société civile autour du Front, je crois aux collectifs autour du Front, des collectifs d'enseignants, des collectifs d'étudiants, des collectifs dans le domaine de l’environnement, de la culture. Nous allons lancer des collectifs sur la santé, les banlieues.

Le 5 février, vous tenez un séminaire de réflexion sur la stratégie politique du FN. De quoi allez vous parler ?

Nous allons réunir le bureau politique, les parlementaires et les compagnons de route afin de faire un exercice d'introspection et de regarder quelles sont nos forces et qu’est-ce qu'on doit encore améliorer. On prépare la conquête du pouvoir.

Certains, dans le parti, aimeraient abandonner l'idée de sortir de l'euro. Allez-vous en débattre ?

Il n'y a pas de débat sur le fond mais sur la façon d'expliquer les choses. Le FN a une doctrine très claire qui est la souveraineté nationale. La souveraineté économique en fait évidemment partie. La souveraineté nationale ne se découpe pas, on ne peut pas être souverainiste sur les frontières et pas sur la monnaie. Quand on ne contrôle pas sa monnaie, on ne contrôle pas le financement de son économie donc on ne peut pas financer ses PME, on ne peut pas avoir de contrôle sur le système bancaire, on ne peut pas retrouver de compétitivité, d'emploi. Après, que l'on se demande sur quels sujets nous devons être plus audibles, comment nous pouvons rassurer ceux qui ont des idées fausses. Moi, j’aimerais que l'on tente d'aborder de nouveaux sujets aujourd'hui délaissés par les autres partis. Sur l'uberisation de l'économie, il faudrait que l'on se fasse entendre, que l'on puisse définir les secteurs d'innovation, que l’on parle du stress au travail, de la souffrance au travail.

Le FN a un nouveau slogan, La France apaisée. Qu'est-ce qu’il signifie ?

On s’est demandé ce qui poussait les lecteurs à se mobiliser contre nous au second tour, quel est le carburant de ces électeurs qui se réveillent pour aller voter contre le FN alors qu'ils s'étaient abstenus au premier tour. Et bien, il y a des idées fausses. Par exemple, ils pensent qu'on va cliver, qu'on veut diviser la société. Or, nous sommes le parti de la paix, le parti qui a fait le choix de la nation, de l'assimilation, qui est un projet enthousiasmant, et non pas du communautarisme qui divise. Nous sommes le parti qui fait le choix de la pacification économique et sociale et non pas de la guerre de tous contre tous dans la concurrence sauvage. Nous avons fait le choix de la diplomatie intelligente et pas de la guerre permanente sous égide américaine au Moyen-Orient. Il y a une demande très forte d'apaisement de la société. Il y a aussi des gens qui pensent de bonne foi que nous sommes opposés aux libertés individuelles ; or c’est le contraire. Nous voulons les protéger par rapport aux assauts de la loi sur le renseignement ou de l’état d'urgence par exemple.

Le FN est attaqué par le paquet de Nanterre pour discrimination pour avoir souhaité appliquer la préférence nationale pour l'attribution de logement sociaux. La préférence nationale ne porte-t-elle pas, en germe, une forme de violence en opposant deux catégories de personnes ?

Cette affaire est très grave car nous sommes poursuivis pour avoir proposé, dans une brochure, la priorité nationale et non pour l'avoir appliquée. Aujourd’hui, si vous proposez une modification de la loi, vous êtes donc traîné devant la justice parce que vous proposez quelque chose qui n’est pas dans la loi. C'est ubuesque car c'est le rôle même de l'opposition en démocratie que de proposer de changer les lois ! Sinon, sur le fond, aujourd’hui pour être magistrat ou policier, il faut être français et là, ça n'est pas de la priorité mais de l'exclusivité nationale. La préférence, c'est dire qu'il faut que le logement social soit prioritairement attribué aux gens de nationalité française. Je ne vois pas en quoi ça va contre une société apaisée. C'est du bon sens.

Manuel Valls a demandé la prolongation de l'Etat d'urgence jusqu'à la défaite de Daesh, qu'en pensez-vous ?

L’état d'urgence est, par définition, temporaire, or la défaite de Daesh est un critère flou. C'est donc un dévoiement de l’état d'urgence, c’est inquiétant pour les libertés publiques. L’état d'urgence, c'est pour agir rapidement mais dans un État normal, l'action de la police doit être contrôlée par la justice. Ce que propose Manuel Valls c'est de sortir, en partie, de l’État de droit. On aura moins de liberté et pas plus de sécurité car l’état d'urgence est devenu un simple terme de communication qui permet d'éviter de prendre de vraies mesures sur le fond. Par exemple, le rétablissement des contrôles aux frontières nationales, la fin de Schengen... Ça, ce serait une vraie mesure de protection du pays, comme la fermeture des 100 mosquées radicales, le rétablissement réel de nos effectifs de police, de douane et de militaires. François Hollande avait annoncé 500 créations de postes en 2016 et autant en 2017 dans les douanes. Cette année, ce ne sera finalement que 267. Nous ne sommes qu'à la moitié des objectifs alors que les services ont été saccagés sous Nicolas Sarkozy : 54 000 militaires en moins et 12 500 policiers et gendarmes en moins. Il est urgent d'agir !

Propos recueillis par Christelle Bertrand

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