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Fillon a définitivement atteint le point Chirac
©AFP

Non-retour

François Fillon a atteint le point Chirac, celui où plus aucune attaque sur la probité n’atteint la personne. L’affaire de ses costumes en donne la preuve.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Il paraît que Fillon s’est fait offrir des costumes de luxe pour une somme globale de 50.000 euros, pendant plusieurs années. Le donateur est anonyme (probablement pas pour Fillon, mais pour le commun des mortels). L’affaire est présentée comme un nouveau scandale, mais elle ne semble pas affecter la campagne à ce stade.

Pourtant, et à certains égards, elle soulève plus de questions que l’emploi de Pénélope. Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens, qui reçoivent des costumes à plus de 5.000 euros et qui trouvent ça naturel? Là encore, on se met dans la peau d’un chef d’entreprise qui reçoit des cadeaux de ce genre. L’administration fiscale ne tarderait pas à lui demander des comptes pour savoir s’il s’agit ou non d’avantages en nature non déclarés.

Visiblement, François Fillon ne connaît pas les contraintes qui pèsent sur les entrepreneurs. Dans le même temps, on peut quand même se demander qui balance la boule puante.

Qu’appelle-t-on le point Chirac?

Bref, on sait maintenant que Fillon a atteint le point Chirac, celui au-delà duquel n’importe quelle affaire devient neutre dans le parcours politique du candidat. Le candidat des Républicains est désormais tellement blindé après le Penelopegate, que deux camps immuables et irréconciliables: ceux qui considèrent que, quoiqu’il arrive ou quoiqu’il dise, il est un pourri. Et ceux qui considèrent que, quoique ses détracteurs inventent sur lui, il est victime d’un complot.

C’est, rappelons-le, dans cette configuration que Chirac a gagné la présidentielle de 2002. Sa réputation était absolument exécrable, et, entre les scandales des frais de bouche, des emplois fictifs et des valises de liquide qui lui étaient apportées par des seconds couteaux, plus personne ne pouvait avoir le moindre doute sur la distance sibérienne qui le séparait de l’honnêteté. Malgré tout, 80% de Français ont voté pour lui au second tour.

L’atteinte de ce point s’explique largement par l’intensité outrancière du feu subi par Fillon au mois de février sur la situation professionnelle de sa femme. Désormais, il a franchi un cap. L’opinion s’est forgée, sur ce compte, une idée qui ne peut plus bouger. Toute affaire nouvelle ne fait que confirmer l’opinion forgée auparavant.

Quelle est l’origine politique du point Chirac?

Dans certains pays, spécialement au nord de l’Europe, aucun homme politique n’aurait pu survivre à ce genre d’affaires. La démission en aurait été la seule issue. En France, il existe une tolérance tout à fait différente vis-à-vis des dérapages des élus. Elle trouve probablement ses racines dans l’Ancien Régime. On a tous en mémoire l’affaire Fouquet, du nom de “ministre des Finances” de Louis XIV qui fut emprisonné pour corruption. La cause de sa chute ne tenait pas à la corruption elle-même, mais à l’ampleur symbolique qu’elle avait prise. Les fêtes de Fouquet étaient plus riches que celles du Roi lui-même.

Ainsi va l’esprit courtisan en France. Historiquement, les élus, qui ont succédé à la noblesse, considèrent qu’ils ont le droit de se “servir” et l’opinion publique ne leur en garde pas forcément rancune. D’une certaine façon, c’est cet obscur souvenir d’une tolérance vis-à-vis de la prévarication des nobles que les Français convoquent lorsqu’un point Chirac est atteint.

Y a-t-il un délitement caché de l’opinion publique?

Reste à savoir si cette apparente passivité vis-à-vis d’un François Fillon au-delà du point Chirac cache un délitement en profondeur de son électorat. Au-delà de son simple cas, les boules puantes qu’il se prend sur sa probité détériorent-elles encore un peu plus l’adhésion des citoyens au régime et les poussent-elles à des votes de rupture? à des stratégies dangereuses pour la démocratie?

Nul ne le sait à ce stade.

Article publié initialement sur le blog d'Eric Verhaeghe

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