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Fatiha Boudjahlat : "Les militants indigénistes, gauchistes, islamistes, identitaires ont réussi un entrisme redoutable qui a réussi à criminaliser la pensée universelle"
©Reuters

Devoiement

Dans son livre, "Le grand détournement" (éditions du Cerf), Fatiha Boudjahlat dénonce le fait que la République, le féminisme ou la laïcité soient dévoyés par les "communautarises de toute obédiences".

Fatiha Boudjahlat

Fatiha Boudjahlat

Enseignante, cofondatrice du mouvement citoyen Viv(r)e la République, ex-secrétaire nationale du MRC en charge de l’Éducation, Fatiha Agag-Boudjahlat vit à Toulouse.

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Atlantico : République, féminisme, laïcité, autant de termes, de concepts que vous décrivez comme étant dévoyés de plus en plus chaque jour par les "communautarises de toute obédiences". Par quelles méthodes ce dévoiement s'organise-t-il ?

Fatiha Boudjahlat : Ces militants, indigénistes, gauchistes, islamistes, identitaires ont évacué et criminalisé la dimension politique et donc universelle de ces termes.  Par quelles méthodes ? Celle de l’entrisme. Dans le domaine universitaire, associatif, médiatique. En détournant ces mots à leur avantage, en en banalisant des nouveaux. 

Des thèses de complaisance, avec des jurys de complaisance, donnent un statut universitaire à des purs militants idéologiques et religieux. Des associations communautaristes  obtiennent des financements publics de l’Etat et des collectivités pour assurer des missions de bienfaisance et apparaître comme les interlocuteurs et les bienfaiteurs des populations de quartiers populaires. Marwan Muhamed, du CCIF, intervient dans une école de journalisme pour les instruire de la bonne manière de parler de l’islam. Irait-on confier à Marine le Pen la charge d’éclairer les étudiants en journalisme sur l’extrême-droite ?   Le rappeur islamiste Médine a animé des ateliers pédagogiques à Nîmes. Le CCIF et Lallab-Iris se font passer pour des sortes d’ONG défendant les libertés civiles, obtiennent la reconnaissance de l’ONU, un statut institutionnel, des financements pour au final dire les pires choses de notre pays. L’association Coexister se fait reconnaître par le ministère de l’Education Nationale, intervient dans les écoles, est payée pour cela, et diffuse sa vision oecumenique de la laïcité et de la société. L’entrisme est tout azimut. Redoutable. Redoutablement efficace. Ce sont des gens intelligents, et qui étrangement disposent de solides et régulières ressources financières qui permettent à ce soft power de se déployer.

Une partie de votre livre s'attarde sur la question du féminisme ou plus précisément des féministes. La cause des femmes de manière générale est présente dans l'actualité depuis l'affaire Weinstein et le #BalanceTonPorc. Pensez-vous que le féminisme actuel trahit les idéaux d'égalité hommes-femmes ? Ne sommes-nous pas là face à des féministes qui desservent leur cause plutôt que de la servir ?

L’affaire Weinstein, le hashtag Balance ton porc, le dernier Metoo ne sont la propriété ni l’exclusive d’aucune féministe. C’est la prise de parole de plusieurs dizaines de milliers de femmes dans de multiples pays.

Mais il est très significatif de voir certaines féministes qui se sont emparées et réjouies de l’affaire Weinstein, avoir observé un silence pesant au début de l’affaire Ramadan. De voir les mêmes se faire imposer le silence par les « femmes racisées » militantes de l’indigénisme, parce qu’elles ne seraient pas concernées du fait de leur couleur blanche, par exemple  avec ces tribunes sur l’opposition à la pénalisation du harcèlement de rue. Les mêmes féministes qui traquent le patriarcat blanc derrière le terme de séminaire, auquel elles veulent substituer celui d’ovarium, mais qui abandonnent les femmes orientales au patriarcat oriental et islamique. 

Ces néoféministes desservent la cause des femmes orientales, des femmes en général qui se retrouvent sur des plans de dignité différentiés ethniquement. Elles desservent  la cause de toutes les luttes politiques pour l’émancipation. Enfin, elles desservent la gauche, courant dont elles se revendiquent, mais dont  elles ne retiennent que la sensation moelleuse d’être du côté du bien, du beau, du juste. La gauche, c’est d’abord l’émancipation individuelle et collective. Des femmes, des classes populaires. Paye Ta schneck, Osez le féminisme, etc.,  entérinent et valident  une racialisation des luttes féministes. Comme le PS, elles ne savent pas parler aux classes populaires. Et s’adressent donc à des interlocutrices mondaines qui sont en fait dans le militantisme indigéniste et islamiste. Et un mouvement pervers s’est installé : ces militantes sont dans la haine, la partition raciale. Ces bourgeoises blanches sont dans la culpabilité de race et de classe. Elles donnent à ces femmes ce qu’elles pensent que ces femmes veulent : hyper-orthodoxie religieuse notamment. Elles fabriquent les femmes orientales qu’elles ne fréquentent pas dans leurs beaux quartiers.

Vous dites de ce féminisme qu'il trahit la cause des femmes "orientales". Est-ce qu'il y a un "deux poids deux mesures" dans le féminisme d'aujourd'hui ?

Il y a un deux poids, deux mesures. Le mâle blanc faute, haro sur lui. L’oriental faute, ce n’est pas pareil. Il a des circonstances atténuantes, c’est culturel, c’est stigmatisant, c’est discriminatoire. La souffrance des femmes ne serait-elle légitime que lorsqu’elle est le fait de mâles blancs ? La néoféministe, le plus souvent une bourgeoise blanche défend pour « les autres », les orientales, les noires, ce qu’elle refuserait pour elle et « les siennes ». Elles sont dans l’orientalisme dénoncé par Edward Saïd. Elles alimentent les stéréotypes construits sur ce qu’est une bonne orientale, une bonne musulmane. Nous sommes dans le mythe du bon sauvage. Quand je vois la comédienne lesbienne Océanerosemarie dans des manifs organisées par des indigénistes et remplies d’islamistes, je repense aux Zoos humains de Vincennes : Une grande bourgeoise qui s’encanaille et connaît le grand frisson en approchant les bons sauvages. Parmi lesquels elle n’irait pas vivre. Mais quel plaisir pour elle que d’accomplir ce geste humanitaire ! Quel sort ces indigénistes et ces islamistes préconisent-ils pour l’homosexualité ? Que dire du voilement des petites filles ? Comment oser accepter pour des femmes que l’on ramène à leurs origines, ce que l’on n’accepterait jamais pour soi et les siens ? Comment oser accepter de la part des hommes orientaux ce que jamais on n’accepterait des hommes blancs ? Comment oser condamner l’homophobie des blancs quand on trouve des excuses et une légitimité à l’homophobie des musulmans ? Dans quels pays les homosexuels sont ils assassinés ? Par quel système de doctrine religieuse et politique sont ils mis à mort ? Jetés du toit des immeubles ? Haro sur les méchants homophobes de sens commun qui refusent la PMA et la GPA. Mais dites moi, les islamistes refusent jusqu’au droit de vivre aux homosexuels ! Ah mais là ce n’est pas pareil… Ils en ont le droit, ils sont un peu sauvages, vous comprenez. La foi des catholiques est risible, ringarde. Mais les musulmans croient pour de vrai eux. On doit respecter leur conservatisme à eux. Et on oublie vite que les Journées de Retrait de l’Ecole, avec des malades racontant qu’on enseignait le genre et l’art de se masturber dans les écoles primaires, étaient le fait d’islamistes. Et qu’on les a retrouvés bras-dessus, bras-dessous avec les catholiques intégristes pendant les Manifs contre le mariage homosexuel. Tous les intégristes ont ceci de commun qu’ils conspirent contre les femmes et les homosexuels. Méchants cathos. Musulmans intouchables. 

Ces bourgeois-pénitents qui sont dans cette hypocrisie inouïe ne valent pas mieux que Sarkozy et sa formule selon laquelle les Africains ne sont pas assez entrés dans l’histoire. Ils pensent que ces bons petits sauvages ne sont pas encore entrés dans la modernité. Et ils sont si exotiques ! On sent l’excitation d’un Lagasnerie, d’une De Cock, d’une Autain, d’une De Haas, d’un Marlière, d’une Obono, d’un Plenel : des bourgeois qui exercent leurs privilèges, qui n’y renoncent pas mais ont trouvé le moyen d’apaiser leur conscience en prêtant leur concours et leurs réseaux aux indigénistes et aux islamistes. Chiche : demandons  au sociologue d’aller vivre au milieu de ceux qu’il défend tellement. Histoire de voir comment ils accepteraient son homosexualité. Disons les choses. Ne tournons plus autour du pot. Au nom de quoi ce qui est bon pour ces bourgeois ne le serait pas pour leurs compatriotes nés et scolarisés ici, mais du mauvais côté du périphérique ? Au nom d’une altérité anthropologique ? Culturelle ? Mais si la culture promeut des droits inférieurs pour les femmes, pour les minorités, pour les homosexuels,  la culture n’est pas acceptable et doit se plier aux lois du pays. Pourquoi faire plier les catholiques quand dans le même temps on se plie aux volontés des islamistes ?

On doit dénoncer toutes les violences faites aux femmes. Psychologiques, physiques, sociales. Une femme orientale ne souffre pas moins qu’une blanche. Et une femme née et scolarisée en France est d’abord notre compatriote avant d’être le moyen qu’ont trouvé les bourgeois-pénitents de cumuler leurs privilèges de classe et leur bonne conscience. On doit dénoncer toutes les homophobies. Et surtout mettre fin à cette escroquerie  politique : les indigénistes et les islamistes sont des conservateurs d’extrême-droite. Leurs soutiens gauchistes sont des réactionnaires racialistes. Ils ne sont pas de gauche. Ils trahissent le courant auquel  j’appartiens, ils trahissent la gauche, parce qu’ils trahissent les classes populaires.

"Le grand détournement" de Fatiha Boudjahlat aux éditions du Cerf

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