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Où va l'Europe ?
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Euro vision

Alors que l'Europe traverse une grave crise économique aux implications politiques, Claude Nicolet, Secrétaire national du MRC de Jean-Pierre Chevènement revient sur la politique européenne que devrait mener la gauche si celle-ci revenait au pouvoir.

Claude Nicolet

Claude Nicolet

Claude Nicolet est secrétaire national du Mouvement radical citoyen et Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais.

 

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Alors que Nicolas Sarkozy vient de déclarer devant les agriculteurs que l’Euro et l’Europe étaient synonymes de paix et de stabilité, la Grèce s’effondre sous nos yeux. Le pays est littéralement mis à la découpe. Qu’en sera-t-il de L’Espagne, du Portugal, de L’Irlande, de l’Islande, voire de l’Italie ? L’aveuglement n’a jamais permis de mener de grande politique et surtout de faire face aux grands vents de l’histoire. La gauche peut gagner en 2012 mais pour faire quoi ? Accompagner le néo-libéralisme ou proposer un projet de transformation sociale ?

Quelle Europe après le "non" à la constitution ?

Il me semble incontestable que depuis six ans, un nouveau cycle politique et historique s’est ouvert en France et en Europe. On peut très précisément le dater du 29 mai 2005 avec la victoire du NON au référendum sur la Constitution européenne. Comme tous les évènements de dimension historique, les conséquences s’en font sentir à plusieurs niveaux, avec des temporalités différentes. La stupeur dans un premier temps des partisans du OUI, puis ensuite l’organisation de la riposte politique et idéologique avec la mise en place du  « mini traité de Lisbonne » voté par les parlementaires : l’UMP aux ordres et qui a terminé sa mue libérale, avec la complicité d’une bonne partie du PS qui reste « euro-libéralo-compatible ».

Aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est, les contradictions qui étaient inscrites en réalité au cœur même des différents traités européens (Maastricht, TCE, Lisbonne, Pacte de compétitivité) sautent aux yeux de toutes celles et ceux qui veulent bien se donner la peine de regarder les choses en face. Ces contradictions sont telles, qu’elles deviennent littéralement insoutenables pour l’immense majorité de la population. En France comme en Europe.

C’est l’effondrement de notre tissu industriel et son cortège de délocalisations, c’est la mise à mal de notre modèle de protection sociale et de santé, c’est la disparition annoncée de pans entiers des services publics, c’est la remise en cause des retraites et des pensions. C’est un système monétaire européen déjà à bout de souffle après à peine dix ans d’existence et totalement inadapté aux circonstances actuelles. Aucune vraie politique de changes, pas de direction politique et démocratique de la zone euro, pas de vraie politique commerciale, encore moins industrielle, une obsession de l’inflation… et le dogme du libre-échange et de la concurrence libre et non faussée.


L'équilibre du couple franco-allemand en question

Pour aller à l’essentiel, l’une des principales difficultés qui est devant nous est non seulement l’équilibre des pouvoirs en Europe mais aussi l’organisation politique du leadership européen. Peut-on accepter d’avoir un euro qui ne fonctionne essentiellement que dans le cadre des intérêts économiques allemands ? La politique allemande de pression sur les salaires satisfait une économie tirée aujourd’hui par sa production à l’exportation. L’Allemagne a fait le choix d’un euro fort et donc de salaires faibles pour intégrer son économie dans la mondialisation. C’est plus un choix allemand qu’un choix européen. Même l’agriculture allemande exporte aujourd’hui plus que l’agriculture française.

Or l’équilibre franco-allemand est la garantie d’un bon fonctionnement de l’Europe.

L’objectif stratégique de la France doit donc être de se donner les moyens politiques de rassembler autour d’elle d’autres puissances européennes qui ne peuvent suivre un pareil choix quant au développement de leur économie et de leur société. La Grèce ne peut plus suivre et aujourd’hui il y a fort à parier qu’elle devra sortir de l’euro pour dévaluer sa monnaie et restructurer une dette qu’elle ne remboursera pas, un pareil scénario ne doit pas être exclu quant à l’Espagne, au Portugal, voire à terme l’Italie. Quant à la Grande Bretagne, elle tente de jouer son propre jeu.

La pression sur les salaires en Allemagne ne sera pas éternellement soutenable. Sauf à s’inscrire totalement dans le jeu de la globalisation et en ne tenant compte que de ses propres intérêts nationaux. Ce qui semble être de plus en plus le cas et faire assez largement consensus en Allemagne. La croissance démographique française au contraire de l’allemande nous oblige à nous pencher sur ces questions que bon nombre refusent d’examiner. Parce qu’il nous faut créer beaucoup d’emplois. Mais les contradictions sont là, désormais évidentes. Autrement dit les choix de la monnaie et de son fonctionnement sont aujourd’hui des débats de fond. Et même existentiels.


Que faire ?

Peut-on imaginer d’un côté une zone euro qui serait en réalité une zone « Deutsche Mark » revisitée ? Et de l’autre une zone euro qui fonctionnerait selon les principes d’une monnaie commune et non d’une monnaie unique? Peut-on, doit-on proposer que la France et l’Allemagne ne partagent plus le même destin monétaire ? Est-ce souhaitable ? Une zone euro à géométrie variable en quelque sorte. Est-il envisageable de conserver un taux de croissance à long terme qui navigue glorieusement entre 0,8 et 1,5% en Europe quand tout va bien ? Nous savons tous que ce n’est pas « durable » ou « soutenable ». Derrière ces chiffres ce sont les destins de notre pays et du continent qui se jouent.

Car ce qui transparait derrière tout cela, c’est la divergence de nos fonctionnements, de nos économies, de nos intérêts. Or les solutions sont limitées. Soit nous trouvons un arrangement politique au sein de la zone euro, ce qui est souhaitable car l’euro est une réalité historique. C’est la mise en place du gouvernement économique de la zone euro que nous souhaitons. Soit nous ne changeons rien et c’est une France inféodée, politiquement, économiquement, financièrement à l’Allemagne. Ce qui ne pourra aboutir qu’à l’explosion de la zone euro. C’est le pire scénario. Car cela voudrait dire que nos « élites » auront préféré s’accrocher jusqu’au bout à l’idéologie néo-libérale plutôt que d’anticiper l’avenir. Ce n’est pas à exclure.

Dans les années 1930 on pouvait entendre « plutôt Hitler que Blum », aujourd’hui « plutôt l’euro que la souveraineté populaire ». Ce qui apparait, c’est qu’il faudra, d’une façon ou d’une autre trouver des marges de manœuvre si on veut que la gauche française, mais aussi les gauches européennes, sortent de la nasse dans laquelle elles sont enfermées.

Fabriquer de la démocratie

Nous sentons tous avec angoisse et parfois même avec un sentiment d’humiliation et de colère, l’abaissement du pays. L’abaissement du débat politique. L’abaissement de l’esprit public, du civisme, du sens de l’intérêt général, de l’amour de la Patrie.

Le cœur du problème c'est que l'Union européenne en tant qu'institution, ne parvient pas à "fabriquer de la démocratie", les Etats qui transfèrent de la souveraineté, font en réalité un transfert démocratique que l'Union ne peut reprendre à son compte et développer. Le « démocratique » est transformé en « technocratique » et en « technique ». Car seule dans le cadre de la Nation s'exprime la démocratie et seul dans ce cadre là le Peuple peut être souverain. C’est ce que souligne le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe dans son arrêt du 30 juin 2009 qui dit que le peuple européen n’existe pas. Le cas de la Banque Centrale est exemplaire: nous avons transféré notre souveraineté financière à une structure désormais indépendante. On a voulu nous faire croire qu’une transformation technique, politiquement voulue était un progrès démocratique. On voit bien que non.

L'importance de la souveraineté populaire

Autrement dit, cela renvoie aussi à la question de l'Etat, non pas en tant qu'outil technocratique ou de gestion, mais comme exécuteur et incarnation de la volonté populaire. La souveraineté nationale et populaire, que les commentateurs appellent "souverainisme" avec une moue de dédain, est en réalité la condition de notre liberté. Ce qui est devenu le "trou noir" d'une grande partie de la pensée politique de la gauche française était à l'origine le moteur de son action et de son identité. Or ce qui se produit aujourd'hui c'est "la destruction d'un espace public de biens communs, ce qui est consubstantiel à cette orientation" (Sami Naïr dans "l'Europe au défi de la crise", acte du colloque de la Fondation Res Publica du 14 février 2009). Confusément, nos concitoyens sentent bien tout cela.

La République sociale est-elle compatible avec une organisation technique qui confond technocratie et démocratie, progrès social et atteintes aux services publics ? L'Egalité peut-elle se confondre avec l'Equité ? La Liberté peut-elle se passer de la souveraineté ? Il s'agit là d'éléments fondamentaux qui structurent le peuple français dans son organisation politique, dans son histoire, donc dans son identité. Peut-on y toucher impunément sans prendre le risque de voir les électeurs se détourner des urnes avant qu’ils ne finissent par s’indigner puis se révolter ?

La gauche peut revenir au pouvoir mais à condition qu’elle sache s’adresser à la France et au peuple français et qu’elle ait une vision pour l’Europe et le monde. A condition qu’une perspective claire soit tracée. En particulier sur les questions économiques, sociales, européennes mais aussi institutionnelles.

Salaires, retraites, santé, éducation, sécurité, emploi, développement économique et énergétique, fonctionnement des institutions européennes, de l'euro… Voilà les grands défis auxquels il faut répondre. Voilà les questions qui se posent et les perspectives dans lesquelles nous devons placer l’action collective de la gauche française en direction de 2012 mais pour aller bien au delà...

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