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Une étude tente d'établir les liens entre l'utilisation des réseaux sociaux et l'augmentation des crimes de haine aux Etats-Unis
©LOIC VENANCE / AFP

Pas si simple

Existe-t-il un lien entre les pics de connexion sur les réseaux sociaux et la hausse des "crimes de haine" aux Etats-Unis ?

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Des chercheurs de l'Université de Warcwick en Angleterre ont réussi à établir un lien direct entre l'utilisation des réseaux sociaux et les crimes de haine. En mars, Karsten Mueller et Carlo Schwarz ont publié un article montrant que les crimes de haine contre les musulmans se sont concentrés dans les comtés américains ayant une forte utilisation de Twitter. Mais concrètement que penser de cette étude ? Est-ce que les corrélations sont si évidentes ? 

François-Bernard Huyghe : D'abord pour moi, ce lien n'est pas établi. J'ai beaucoup d'objections méthodologiques à faire. A partir d'une fréquence dans l'utilisation de Twitter et pendant une certaine période (qui s'arrête en décembre 2016) ils établissent une  corrélation dans le temps et l'espace sur la hausse des crimes de haine. Puis ils établissent des corrélations directes entre les tweets de Donald Trump et l'augmentation des crimes de haine selon la définition qu'en fait le FBI. Mais c'est bancale.

On confond là des variations et une causalité. Ne serait-ce qu'en termes méthodologique cette étude pose problème. Ils font des variations dans le temps sur des dizaines d'années or, la situation et le nombre de musulmans n'étaient pas les même.  Mais surtout l'étude me paraît naïve dans le sens où elle attribue un pouvoir magique aux tweets de Trump, presque comme si chaque tweet se suivait d'une hausse du nombre d'actes antimusulmans Il y a certainement plus de variables et d'éléments de causalité qui permettent d'expliquer la progression (relative) des "crimes de haine".

Pour autant est-il faux de penser que les messages (souvent peu modérés) publiés massivement sur les réseaux sociaux couplés au jeu des bulles algorithmiques ne favorisent pas en un sens l'augmentation des actes violents dans la vraie vie ?

Il y a forcément un lien entre le virtuel et le réel et le fait d'échanger plusieurs heures à échanger ou lire des messages sur les réseaux sociaux ne peut pas être sans impact sur ce que vous allez faire dans la vraie vie. Il serait amusant de comparer cette étude avec celles qui expliquaient l'impact de la télévision dans la hausse de la violence au quotidien ou l'impact de la pornographie dans la hausse des crimes sexuels. Evidemment aucun sociologue sérieux irait parler de causalité simple et directe même si cela peut y contribuer. Les gens sont souvent plus modérés que ce que l'on peut lire sur les réseaux sociaux et ont une faculté de discernement. 

Si l'on veut réfléchir sérieusement au phénomène il faut évidemment évoquer le phénomène d'isolement et de renforcement que procure les réseaux sociaux. Grâce ou à cause des bulles algorithmiques vous allez parler à des gens qui pensent déjà comme vous. Admettons que vous soyez "antimusulmans", vous n'allez être confronté qu'à des gens qui vont penser comme vous. Donc être coupé des idées divergentes et allez radicaliser votre opinion. 

Dès lors comment juger la politique menée par les géants du net ?

Ces plateformes font depuis 2016 d'énormes efforts pour faire disparaitre les discours de haine, retirer les faux comptes, faire la chasse aux "fakenews", ils appliquent des politiques de plus en plus strictes face aux discours incitatifs. Ils font une différence entre une opinion et un discours incitatif. Vous avez le droit de penser que la terre est ronde mais vous n'avez pas le droit de tenir des discours qui vont inciter à la haine. 

C'est dans l'intérêt même des plateformes de tenir cette politique et de travailler à la disparition de ce genre de propos. D'ailleurs ils travaillent aujourd'hui avec de nombreux médias et de nombreuses ONG en ce sens. 

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