Et si la pénurie de logements méritait bien plus que les retraites d’être la mère de toutes les réformes françaises ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme regarde les offres et les annonces d'une agence immobilière.
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©PASCAL PAVANI / AFP

SOS immobilier en asphyxie

Le pouvoir d’achat comme les différences de patrimoine des Français sont très largement impactés par le poids du logement, que ce soit pendant leurs carrières comme à la retraite.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Au regard du contexte général de pénurie de logement et du poids de l’immobilier dans la vie des Français, ce sujet ne mériterait-il pas d’être, plus que les retraites, la mère de toutes les réformes françaises ?

Philippe Crevel : Le logement est un problème majeur depuis des dizaines d’années en France, du fait d’une insuffisance de l’offre, d’une pénurie de logements au sein des grandes agglomérations et dans les villes à forte activité touristique. Cela pénalise essentiellement les jeunes ménages, actifs, en soulevant le problème de la retraite, de finance publique, de charges à travers les cotisations sociales. Pour des millions de Français aujourd’hui, il y a une véritable difficulté pour trouver des logements de qualité et à proximité du lieu de travail. 

Dans quelle proportion observe-t-on une asphyxie sur le marché immobilier ? Avec quelles conséquences ?

Le marché de l’immobilier est connu pour avoir doublé son prix depuis les années 2000. Cette augmentation est extrêmement sensible dans toutes les grandes agglomérations, capitales régionales, avec une difficulté majeure pour les trentenaires. D’une part pour acquérir son logement et deuxièmement pour se loger de manière décente à un prix raisonnable. La part du budget qui est consacrée au logement représente aujourd’hui 30% et peut atteindre plus de 40% pour les ménages les plus modestes. Donc ceci est un problème majeur qui se renforce. Du fait de la question de la réduction des dépenses d’énergies et du problème de réhabilitation d’un grand nombre de logements causé par cette problématique.

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Le pouvoir d’achat des ménages a augmenté ces 30 dernières années. Or le ressenti des Français est tout autre. Ils estiment que leur situation financière s’est fortement dégradée ces dernières années. Pourquoi entre les statistiques officielles et le ressenti il y a un tel écart ? Car les dépenses pré-engagées, sur lesquelles nous n’avons pas de prise, et les dépenses de logement ont fortement augmenté. Et donc, le fait de consacrer une part croissante de son budget au logement peut engendrer un appauvrissement majeur. En dehors des agglomérations, nous sommes contraints de résider à des dizaines de kilomètres de notre lieu de travail. En centre-ville, les coûts de transport augmentent fortement et vont réduire par ailleurs le pouvoir d’achat disponible pour les loisirs ou pour les vacances. Donc, le logement, et c’est vrai, est un problème majeur en France qui ne voit pas de solution. Les mesures et les lois tendent à accentuer les coûts des logements et donc impacter davantage le pouvoir d’achat des ménages.

A quel point le pouvoir d’achat comme les différences de patrimoine des Français sont-ils impactés par le poids du logement, que ce soit pendant leurs carrières comme à la retraite ?

A l’heure actuelle, les retraités sont propriétaires, à plus de 75% de leur résidence principale. Ils sont donc moins touchés par l’accroissement du coût du logement que les jeunes actifs. Mais cela pourrait être un problème pour les futurs retraités, d’ici quelques années. Le problème est surtout celui des jeunes et des jeunes actifs.

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Les retraites représentent le premier poste de dépense social en France (340 milliards d’euros) et nous sommes face à un problème démographique d’ampleur (5 millions de retraités il y a 40 ans, 17 millions aujourd’hui, 20 millions en 2040).  La France est avec les Etats-Unis le pays qui dépense le plus pour ses retraites. Et il y a un déficit d’une trentaine de milliards d’euros (si l’on compte les subventions aux régimes spéciaux et à la fonction publique). Donc il y a un problème d’équilibre. Mais il est clair qu’on ne met pas la même énergie pour trouver des solutions en ce qui concerne les logements, car il n’y a pas de consensus et que le nombre d’acteurs à mobiliser est important : les collectivités locales, le secteur du bâtiment, les bailleurs sociaux, les investisseurs dans l’immobilier locatif, les propriétaires, etc. Et tous n’ont pas les mêmes intérêts. D’autre part, il y a de plus en plus de contraintes écologiques, des normes qui renchérissent le coût de l’immobilier. Donc on est pris entre la volonté de faciliter le logement et d’autres décisions.

Les retraites sont-elles devenues d’une certaine manière un totem ?

Le problème des retraites ce n’est pas tant le déficit que le taux d’emplois. On concentre le débat sur ce déficit, mais ce qui compte c’est le taux d’emplois et la création de richesses. Nous avons un déficit important, notamment par rapport à l’Allemagne.

Comment remettre le front de l’immobilier au centre des préoccupations ?

On ne construit pas assez. Il faudrait 500 000 logements par an. Nos coûts de construction sont très élevés car notre secteur est très artisanal : 500 000 entreprises, avec des salariés peu formés. Les processus sont donc peu industriels, ce qui ralentit la construction. Or ce qui est rare et cher. Donc il faut jouer à la fois sur la libéralisation du foncier – ce qui pose la question de l’appropriation des sols -. Pour cela il faut une approche plus pragmatique et moins technocratique, face  à l’augmentation de la population.

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