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Et l’ambition macronienne se dissout dans la renonciation à réduire le nombre de fonctionnaires
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Mère de toutes les réformes

Un des engagements de campagne d'Emmanuel Macron était de supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d'Etat. Depuis 2017, 5800 postes seulement ont été supprimés. L'objectif pour l'ensemble du quinquennat a également été revu à la baisse passant à 10 500 postes. Une renonciation qui pourrait peser très lourd le reste des réformes économiques.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le budget 2020 a été annoncé vendredi, et seulement 47 postes de fonctionnaires seront supprimés l'années prochaine. En quoi renoncer à réduire le nombre de fonctionnaire impacte le reste des réformes économiques ? Quelles conséquences sur le reste des réformes ? Lesquelles pourraient être les plus affectées ?

Philippe Crevel : Surréalisme ou impressionnisme de la donnée, à vous de choisir. 47 postes de supprimer sur un total dépassant 2,503 millions, il y a de quoi rire si l’affaire n’était pas sérieuse. L’Etat est bien en mal décompter en temps réel ses emplois qui relèvent de sa responsabilité. Le gouvernement ose affirmer qu’il sera en capacité de réduire les effectifs de 0,002 %. Au temps jadis de l’UDF et du RPR quand les groupes parlementaires étaient encore composés de tribuns, si la gauche avait présenté un tel budget, l’ambiance aurait été survoltée. L’affaiblissement de l’opposition et la disparition de Jacques Chirac constituent une aubaine. 47 suppressions de postes, même pas l’épaisseur du trait ; cela traduit bien que l’engagement de réduction des effectifs est abandonné, que la maîtrise des finances publiques restera un vœux pieux. L’idée de la réforme de l’Etat est morte avec cette présentation du projet de loi de finances pour 2020. La crise des gilets jaunes permet de justifier le statuquo. Il est hors de question de fermer les perceptions, les écoles, les maternités. Il est hors de question de traduire les gains de productivité en diminution des effectifs. Comment après cette stupéfiante annonce imaginer que la réforme des retraites pourra être réalisée, comment penser que le Gouvernement allègera les structures publiques. Et puis comment demander aux collectivités locales de faire des efforts quand l’Etat n’en fait pas.

Pourquoi cette renonciation alors que l'objectif de 50 000 suppressions de poste était un point de l'agenda macronien ?

Réduire des effectifs dans la fonction publique, c’est évidemment très complexe et impopulaire dans l’administration. La puissance des directions administratives se calcule bien souvent par le nombre de fonctionnaires qui y travaille. Ces dernières années, chaque suppression de postes s’accompagnait d’une montée de boucliers. Chaque ministre, chaque secteur d’activité relevant d’un ministère défend bec et ongle ses fonctionnaires. Dans quel ministère est-il possible de supprimer des emplois ? L’Intérieur, la Justice, la Défense, non ! L’éducation, non, certains sont pour l’augmentation des effectifs. Dans l’écologie, vous n’y pensez pas. La réduction des effectifs au ministère des sports a généré des cris d’orfraie. Il ne reste que Bercy qui montre l’exemple. En affirmant qu’aucun service public ne serait fermé, le Président de la République a opté pour le statuquo. Comme les redéploiements sont dans la fonction publique mission impossible, il n’est plus possible de réduire les emplois publics. En outre, au sein de la population, il y a toujours l’idée que la fonction publique est une porte de salut public. Il y a encore beaucoup de parents qui rêvent que leurs enfants soient fonctionnaire pour profiter du statut, de la sécurité de l’emploi. A la veille d’une série d’échéances électorales majeures, il ne faut pas désespérer le peuple !

S'attend-on à ce que les suppressions de poste de fonctionnaires d'Etat reste aussi peu significatives lors des deux prochain budget (année 2021; année 2022) ?   

Plus les élections se rapprochent, moins les réformes seront ambitieuses. Qui peut imaginer qu’après avoir à peine réduit les effectifs de 6000 en trois ans, le Président pourra en deux porter ce chiffre à 50 000. Il faudra attendre, en outre, les rapports de la fonction publique pour apprécier la réalité des suppressions. La France continue sa dangereuse glissade. Le populisme a pris les reines de la Ve République. Le quinquennat et la course incessante à la popularité incitent à la démagogie et à la tentation de la facilité. 

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