Et François Hollande et Marine Le Pen considèrent que le retour de Nicolas Sarkozy sera bon pour eux… cherchez l’erreur <!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy annoncerait son retour en politique ce dimanche.
Nicolas Sarkozy annoncerait son retour en politique ce dimanche.
©Reuters

Mauvais calcul

De l'Elysée au FN, les responsables politiques se félicitent publiquement du retour de Nicolas Sarkozy, probablement annoncé ce dimanche 21 septembre, le jugeant bon pour leurs intérêts politiques. L'entrée de l'ancien chef d'Etat dans l'arène n'est pourtant pas forcément une bonne nouvelle pour eux.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : François Hollande et ses proches se réjouissent du retour de Nicolas Sarkozy, pariant sur le fait que le gauche se serrera les coudes et se fédérera autour de l'antisarkozysme comme il y a quelques années. Sur LCP, Jean-Marie Le Guen s'est lui aussi félicité de son retour, jugeant l'ex-président "anxiogène". S'agit-il réellement d'un bon calcul ? Le gouvernement pourrait-il supporter une réelle opposition à droite ?

Jean Petaux : Je n’ai pas le souvenir, au fil des aléas de la vie politique, d’avoir entendu tel ou tel représentant d’un camp politique avouer, publiquement, sa crainte du retour voire de la candidature d’un concurrent ou d’un adversaire. Si vous annoncez que vous avez peur d’un challenger, vous le valorisez automatiquement. Les politiques ont un côté "bravache" qui s’apparente au syndrome du soldat démembré qui veut continuer à se battre dans "Sacré Graal' des Monthy Python. Donc le "Même pas peur de Nicolas Sarkozy" relève à la fois de l’auto-persuasion et de la dénégation. En réalité, bien entendu, le retour sur le devant de la scène de Nicolas Sarkozy est un caillou de plus dans la chaussure de François Hollande. Jean-Marie Le Guen peut juger Nicolas Sarkozy "anxiogène" mais je ne suis pas certain que la majorité des Français considèrent le diagnostic de Jean-Marie Le Guen comme très crédible. Le vrai problème avec le retour annoncé de Nicolas Sarkozy ce n’est pas qu’il va incarner une opposition de droite dangereuse pour le gouvernement, de toute manière dans l’état de désaveu que ce dernier rencontre, la force de l’opposition gouvernementale est résiduelle et importe peu à mon sens. Le vrai problème c’est que, de retour sur scène, Nicolas Sarkozy va attirer vers lui toute la lumière des projecteurs. Il va, de manière quasi-mécanique, polariser le débat politique autour de lui, autour de ses sorties tonitruantes, de son agitation permanente. Il peut donc politiquement occuper tout l’espace médiatique à lui tout seul … Et faire apparaître le gouvernement comme encore plus déconnecté de la réalité qu’il ne le semble aujourd’hui. Et j’emploie à dessein un vocabulaire où il est plus question d’images, de représentations, que de réalité ou de faits concrets.

En quoi cette réaction du PS au retour annoncé de Nicolas Sarkozy masque-t-il également une crainte de l'exécutif ?

Nicolas Sarkozy a montré tout au long de sa carrière politique et des responsabilités qu’il a assumées, une capacité de résilience extrêmement forte. Ses adversaires le savent bien : il est capable de déployer une énergie de forcené pour montrer qu’il n’a rien perdu de sa vitalité et de sa pugnacité. Et il va le faire avec d’autant plus de sens du spectaculaire qu’il lui faut administrer la preuve qu’il est le sauveur attendu et qu’il est capable de renverser les tables et de déplacer les montagnes. Je pense que l’on n’a pas tout à fait mesuré ce que le personnage est capable de faire comme moulinets dans le ciel pour récupérer l’électorat passé chez Marine Le Pen, pour se réconcilier avec les centristes qui ont contribué à le faire battre en mai 2012, pour se rapprocher des syndicats et cajoler le patronat. Très souvent en politique, les prophéties sont auto-réalisatrices. Si Nicolas Sarkozy, en formidable camelot est capable d’accréditer l’idée qu’avec lui la France va sortir de la "mer d’huile" et du "pot au noir" dans laquelle elle est littéralement encalminée, alors il incarnera de nouveau l’espoir et la confiance. Peu importe que cette démarche tienne de la prestidigitation, ce qui comptera ce sera le résultat pour lui et pour son propre destin présidentiel en devenir.

Nicolas Sarkozy peut compter sur le soutien de personnalités politiques issues de la droite modéré ou du centre-droit, comme Dominique de Villepin, François Baroin, NKM ou Jean-Louis Borloo. La capacité de rassemblement du probable futur président de l'UMP et un positionnement politique plus recentré pourrait-il amener l'ancien chef de l'Etat à conquérir des électeurs centristes, notamment certains de centre-gauche déçus par la politique du gouvernement ?

Il est évident que si Nicolas Sarkozy, comme on lui en prête l’attention, revient dans le champ politique par le "centre" et non pas par la "Droite forte", il va être mieux à même de s’attirer les soutiens de toute la partie centriste de l’UMP et de ses alliés UDI. Du même coup il jouerait exactement sur les positions affichées par Alain Juppé par exemple rendant plus compliquée le maintien de la candidature de ce dernier aux primaires. De la sorte Nicolas Sarkozy "asphyxiera" celui qu’il peut considérer comme son principal concurrent en interne. François Fillon, renvoyé à l’aile droite de l’UMP, ne pèsera pas bien lourd face à son ancien président de la république. Une fois qu’il aura triomphé de ses éventuels challengers à droite, Nicolas Sarkozy aura tout le loisir de durcir son discours pour s’attaquer à la forteresse Marine Le Pen. Quant à savoir si par son positionnement au centre Nicolas Sarkozy attirera une partie des électeurs de centre-gauche actuellement déçus par la politique de l’actuel gouvernement je ne le crois pas une seconde. Les déçus de l’actuel gouvernement se comptent majoritairement dans la frange de gauche de l’électorat PS ou parmi ceux qui ont voté Hollande au second tour de  2012, plus pour "sortir Sarko" que pour "soutenir François Hollande". Ils n’ont pas rejoint le Front de Gauche en mars et en juin 2014 et sont plutôt allés crier leur déception en s’abstenant aux dernières élections ou en votant carrément à l’extrême-droite. Ils ne voteront jamais Nicolas Sarkozy et préféreront dans un vote de désespoir se défouler en votant FN.

Comme la gauche, le FN se félicite lui aussi du retour aux affaires politiques de Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen évoquant "un très bon candidat pour le FN". Mais ne risque-t-il pas plutôt de lui reprendre le titre d'opposant en chef ?

Ce que j’ai dit pour la réaction du PS face au retour annoncé de Nicolas Sarkozy me semble valoir encore plus pour le FN. La réaction de Marine Le Pen n’a rien de surprenant dans ce registre. Avec d’autant plus de force qu’elle au moins hérité cela de son paternel : une capacité quasi-illimitée à pratiquer l’intox avec une mauvaise foi presque à l’état pur. Mais comme c’est une redoutable tacticienne elle sait bien que Nicolas Sarkozy, occupant l’espace politico-médiatique comme il va le faire, va lui prendre une partie des parts du marché politique totalement déserté par la gauche aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle elle sur-joue totalement en disant qu’elle se réjouit de le voir revenir. A la fois pour montrer qu’elle ne le craint pas, mais aussi pour souligner qu’elle est à son niveau. Elle adopte la stratégie de la judoka : si elle parvient à se présenter comme la concurrente directe de Sarkozy pour le leadership à droite, elle sort de son ghetto et elle profite de la propre puissance de Sarkozy pour progresser encore. Avec un secret espoir sans doute : Sarkozy ayant fait le ménage à droite en ayant totalement laminé ses propres amis de l’UMP se retrouve face à elle et tombe, à ce moment-là, sous les coups de boutoir des juges. Seule Marine Le Pen apparaît alors comme à même de ramasser ce qui reste de certains décombres d’une UMP explosée, qui comme le canard sans tête courra dans tous les sens…

Nicolas Sarkozy pourrait-il parvenir à récupérer une partie de l'électorat du FN comme en 2007 ?

Je ne pense pas. En 2007, cinq ans après 2002, Jean-Marie Le Pen était au "bout du rouleau". Je ne dis pas que Nicolas Sarkozy n’a pas fait ce qu’il fallait pour récupérer une partie de l’électorat FN mais en réalité toute sa campagne présidentielle, victorieuse, a consisté à pratiquer des appels du pied au centre et à la gauche du centre. On se souvient des « convocations » de Jaures et autres grandes figures de la gauche humaniste, figures tutélaires du "petit garçon au sang mêlé"… Bref, entre les débauchages (Eric Besson), les affichages (Rachida Dati, Rama Yade) et les démarchages (les visites à telles ou telles catégories sociales jusqu’alors ignorées par les candidats de droite), Nicolas Sarkozy a ignoré l’électorat de Jean-Marie Le Pen pour mieux le circonvenir. En 2012, plus il a parlé comme Marine Le Pen moins il a recueilli de voix à la droite de la droite et plus il en a perdu au centre. En 2017 il aura beaucoup de mal à récupérer l’électorat FN tout simplement parce que "l’hypothèque Marine" n’aura pas été levée. Elle pourra apparaître encore comme "une" solution, à défaut d’être "la" solution. Elle aura un avantage considérable sur Nicolas Sarkozy : sa virginité dans l’exercice du pouvoir. Dans une période de profonde rupture entre le corps électoral et les prétendants à la représentation suprême, le principal problème que Sarkozy doit résoudre est celui-là : "faire oublier qu’il a déjà servi ; faire oublier qu’il sera forcément un président d’occasion ; faire croire qu’il est totalement neuf"… Difficile !

En développant des idées nouvelles et en avançant des propositions pour tenter de remédier à la situation économique et politique actuelle, Nicolas Sarkozy peut-il par contraste prendre une longueur d'avance et rendre "ringard" les autres leaders de l'opposition ?

Vous répondez à ma dernière remarque… En tous les cas il n’a guère d’autre choix que de tout faire pour donner le sentiment que le modèle 2017 est radicalement différent des modèles 2007 et 2012. Encore une fois le personnage a une complexion et une manière de faire qui le rendent proche de Leopoldo Fregoli, cet acteur italien transformiste, magicien, illusionniste, ventriloque, passé à la postérité pour ses changements de costume très nombreux et très rapides quand il était sur scène. Donc Nicolas Sarkozy peut laisser sur place tous ses poursuivants au sein de la droite par ses démarrages foudroyants en effet. Mais la vraie question n’est pas là. Elle est dans la marche inexorable de la justice, qui avance à son train de sénateur et à son rythme. Le lapin Nicolas Sarkozy peut piquer des points dignes du "Bip-bip" du dessin animé ; la tortue judiciaire risque tout simplement de l’arrêter net en l’obligeant à se garer sur le bas-côté, comme un vulgaire contrevenant en flagrant délit de  "grande vitesse" se faisant arrêter par une patrouille de pandores. Et là il ne sera plus question de "ringards" ou de "has been"… Il y aura ceux qui ne seront pas mis en examen d’un côté et celui qui le sera de l’autre… Celui qui aura été renvoyé au tribunal et les autres… On conviendra que la question de savoir qui aura ringardisé qui, dans ce cas-là, deviendra quelque peu accessoire.

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