Epidémie d'addiction au porno : des effets dévastateurs sur les relations amoureuses<!-- --> | Atlantico.fr
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Des experts britanniques s'inquiètent d'une poussée de l'addiction aux films pornographiques.
Des experts britanniques s'inquiètent d'une poussée de l'addiction aux films pornographiques.
©Reuters

Sex-addict

Des experts britanniques s'inquiètent d'une poussée de l'addiction aux films pornographiques. Selon une étude récente, 70 % des hommes de 18-34 ans admettent regarder au moins un film de ce type par mois.

Pascal De Sutter

Pascal De Sutter

Pascal de Sutter est psychologue-sexologue et enseigne dans plusieurs universités de France et de Belgique, dont Lille et Metz. Il est l'auteur, avec Catherine Solano, de plusieurs ouvrages sur la mécanique sexuelle des hommes aux éditions Robert Laffont : La mécanique sexuelle des hommes : l'éjaculation. Il organise également des séminaires d'épanouissement conjugal, voir le site les sens de l'amour Il est le co-fondateur du site ma santé sexuelle.

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Atlantico : En Grande-Bretagne, des experts travaillant sur le lien entre le sexe et les relations de couple s’inquiètent d'une poussée de l'addiction aux films pornographiques. 70 % des hommes de 18-34 ans admettent regarder au moins un film de ce type par mois. Ce visionnage engendrerait chez les hommes comme chez les femmes un manque de confiance en eux lors de l’acte sexuel. Une addiction qui aurait donc des effets dévastateurs sur les relations amoureuses. Est-ce une tendance plus générale en Europe ?

Pascal de Sutter : D’après les experts qui travaillent dans le domaine, il y a de plus en plus de personnes qui sont dans l’addiction sexuelle, y compris l’addiction aux films pornographiques sur Internet. Ce phénomène est présent en Europe en général.

Il y a un double phénomène. Tout d’abord, l’accessibilité aux films pornographiques est beaucoup plus grande aujourd’hui. Il y a dix ou quinze ans, nous, jeunes hommes belges, devions aller aux Pays-Bas pour acheter nos cassettes ! Aujourd’hui, en quelques clics, n’importe quel jeune a accès à des films. Et puis, il y a probablement une plus grande misère sexuelle, c’est-à-dire que, paradoxalement, les films pornographiques sont plus accessibles alors que les jeunes filles, elles, le sont moins. Avec le virus du sida découvert dans les années 1980, la sexualité prend une autre dimension. Le danger de la maladie inquiète, ce qui demande aux partenaires de prendre des précautions supplémentaires. On constate également une forme de puritanisme, qui n’avait pas cours dans les années 1970 et 1980, et qui fait que les hommes et les femmes sont généralement moins accessibles et ont des rapports sexuels un peu moins facilement. Ces mêmes experts pointent les conséquences désastreuses voire destructrices de ce phénomène sur les relations de couple et sur la confiance en soi. Qu'en est-il ?

Il faut savoir que si l’on recourt à la pornographie pour avoir quelques idées, cela n’a rien de dramatique. Là, ce n’est pas du ressort de l’addiction. Le problème n’est pas de regarder un film de temps en temps. Le problème est de ne pas pouvoir s’en passer.

L’explication est complexe car il y a des hommes qui ont une fragilité génétique à l’addiction, et ce en général : accros aux jeux, aux drogues, ou encore aux dépenses excessives. Ce sont des personnes qui sont très vite dépendantes et le porno déclenche, tout comme ces autres addictions, des substances neurochimiques qui sont très puissantes. Le sexe, même solitaire, est une drogue très puissante. Ces personnes deviennent ainsi incapables de se passer de cette sensation procurée par le visionnage de films pornographiques. D’autres sujets n’ont aucune prédisposition mais du fait d’une vie sexuelle un peu médiocre, sombres dans la consommation excessive de porno.

Plus particulièrement, quels sont les effets sur les plus jeunes et leur perception de l'acte sexuel ?

Le problème, et c’est d’ailleurs l’un des drames de l’être humain, réside dans le fait que la période pendant laquelle les hommes ont le plus d’envies sexuelles est entre 14 et 21 ans. C’est également la période durant laquelle ils ont le plus de difficultés à avoir une petite amie avec laquelle ils peuvent entretenir une activité sexuelle régulière. Ils se réfugient donc dans la consommation de films, s’habituent à ce type de stimuli et ont beaucoup de difficultés à revenir à une activité réaliste.

Les films influencent leur comportement, leur manière de s’exciter. Pour bien des jeunes, la vie sexuelle se résume au visionnage des films pornographiques. Ce qu’ils ne doivent pas oublier, c’est que tout cela est du cinéma ! On met en scène des acteurs qui sont choisis pour la taille de leur pénis, hors norme. L’adolescent qui se compare à ces acteurs est bien évidemment mal à l’aise s’il se compare. Mais ces « exploits » sont à mettre en partie sur le compte de substances telles que le viagra. Les acteurs utilisent même des injections de prostaglandine utilisée en cas de graves troubles érectiles donnant des érections qui peuvent durer jusqu’à deux heures. Ce qu’un homme lambda ne peut pas connaître. Et cela donne une mauvaise éducation aux jeunes hommes.

De même, les jeunes filles sont sélectionnées pour leur physique hors norme. On observe qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se faire opérer de la vulve, chirurgie appelée valvuloplastie. Cela semble directement lié aux films pornographiques dans lesquels elles voient les actrices elles-mêmes opérées afin que leurs petites lèvres ne dépassent pas leurs grandes lèvres, ce qui est considéré dans le milieu comme inesthétique.

Que pensez-vous de l’image de l’amour que se font les jeunes d’aujourd’hui ?

Il n’y a pas de raisons de s’inquiéter pour les jeunes, qui sont encore très romantiques. Il ne faut pas croire qu’ils se mettent pas à copuler de la même façon que les acteurs des films en question. Jeunes garçons et filles ont une vision très romantique de l’amour ainsi que de leur premier acte sexuel. Seule une minorité va peut-être passer par des pratiques plus extrêmes telles que l’échangisme ou les jeux sexuels plus intenses. Il ne faut surtout pas dramatiser la situation.

A une époque, les jeunes garçons avaient des relations sexuelles avec des chèvres ou des ânesses. Idem pour la fellation qui était considérée comme une perversion dans les années 1950 et qui, aujourd’hui, est pratiquement un préliminaire habituel. On comprend mieux pourquoi on ne peut pas qualifier cette addiction au porno de « normale » ou d’ « anormale » car le comportement sexuel varie d’une époque à l’autre. La majorité des jeunes ont conscience que ces films ne sont pas la réalité mais, malheureusement, ceux-ci peuvent tout de même avoir un impact désastreux sur une minorité.

Propos recueillis par Mathilde Cambour

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