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Entre peur de faire perdre la gauche et réticence à soutenir Hollande, Arnaud Montebourg est-il vraiment décidé à se lancer dans la course pour 2017 ?
©capture écran BFMTV

Pas téméraire

Arnaud Montebourg représente vraisemblablement l'adversaire le plus sérieux de François Hollande dans le cadre de la primaire de la gauche décidée par le PS. Pour autant, il est peu probable qu'il se lance véritablement dans la course pour 2017.

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Atlantico : Plusieurs prise de parole récentes d'Arnaud Montebourg ont pu laisser entendre qu'il comptait se lancer dans la course pour la présidentielle de 2017 ? Qu'en est-il réellement ?

Jean-Jérôme Bertolus : Pour l'instant, à la fois dans les mots qu'il emploie (dans la dernière interview qu'il a donnée à Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, il parle d'"hypothèse plausible"), dans le rythme qu'il donne à cette possible candidature et dans les exigences qu'il formule à l'égard de cette primaire, Arnaud Montebourg n'en donne pas l'impression. Il est actuellement dans une dynamique de campagne mais, alors qu'il y a d'ores et déjà des candidats à la présidentielle, il s'agit d'une dynamique molle. Pour l'heure, elle n'imprime pas beaucoup et Arnaud Montebourg lui-même ne donne pas la cadence jusqu'à présent. C'est, certes, une bonne chose qu'il mette en avant son programme, ses réflexions. Il y a trop de candidatures et de candidats qui ne jurent que par l'instinct et le ressenti et qui en oublient – ou font passer au second plan – le programme, les idées et les propositions. Cependant, il reste primordial pour un candidat de montrer qu'il a envie d'y aller. Il ne s'agit pas de revenir à la formule un peu éculée de la présidentielle de la Vème République, qui serait "l'aspiration d'un homme par rapport à la nation, la République et au peuple", mais le fait est qu'aujourd'hui Arnaud Montebourg ne montre pas qu'il en a envie. Le rendez-vous qu'il a fixé, l'ascension du mont Beuvray, demeure un rendez-vous on ne plus classique. Tous ces éléments ne donnent clairement pas l'impression d'une candidature susceptible de décoller. Et par là, je veux dire que cette candidature ne semble pas pouvoir s'imposer dans l'immédiat. Pas à lui, d'abord, mais pas non plus aux Français ensuite.

Arnaud Montebourg évoque, certes, le Mont Beuvray. Mais cela reste un rendez-vous si classique qu'il en devient presque institutionnel. Rappelons que chaque leader politique du PS a sa colline : on connaissait celle de François Mitterrand, on découvre Arnaud Montebourg dans ce scénario. Or, ce sont des scénarios qui sont aujourd'hui éculés et très calibrés, très attendus. Ils ne traduisent pas une grosse envie, ne renvoient pas l'image d'un candidat qui va se plonger dans la bataille. Je crois qu'Arnaud Montebourg est sensible à la petite musique diffusée ici où là par des proches (qui ne le sont pas trop non plus) du président de la République. Il se refuse à être la raison de la défaite de la gauche en 2017, comme cela est parfois reproché à Christiane Taubira pour l'élection de 2002. Cela étant, la primaire bouleverse un peu ce cadre… mais s'il ne la remporte pas il sera pieds et poings liés, contraint de soutenir François Hollande. Il est face à un dilemme entre faire perdre son camp ou devoir soutenir – voire défendre – François Hollande à l'issue de la primaire. Or, il est loin d'être improbable que le président de la République l'emporte et il n'est pas du tout exclut qu'Arnaud Montebourg y pense.

S'il venait à se lancer, sur quels atouts et sur quels moyens pourrait-il compter ?

Il ne sera en mesure de s'en prendre à François Hollande que sur le volet social, où il sera en mesure de rappeler son combat pour Florange. Il s'y est illustré sur ce volet. Il faut également reconnaître une qualité à Arnaud Montebourg : c'est quelqu'un de très audacieux. Il s'agit d'une personnalité capable de partir au combat, qui voulait mettre Jacques Chirac en examen, du temps de Lionel Jospin avant que celui-ci ne l'en décourage. C'est également quelqu'un qui s'est attaqué à TF1 – incontournable et omnipotente télévision. Finalement, il a eu des combats de David contre Goliath, qui les a assumés et qui a tenté d'aller jusqu'au bout. C'est l'un des éléments sur lesquels il peut jouer : à gauche on préfère toujours David à Goliath.

Arnaud Montebourg a également quelques parlementaires qui gravitent autour de lui. François Kalfon, sur qui quelques-uns ont des interrogations en raison de son itinéraire (strauss-khanien, publicitaire, etc), devrait être son directeur de campagne. Cependant le vrai problème d'Arnaud Montebourg, et ce depuis l'éclosion de sa volonté politique, c'est son incapacité à conserver les réseaux et les amis. Ses amis ne sont pas en mesure de servir de force de frappe. Il pourra peut-être réutiliser les réseaux de la primaire de 2012, pour peu qu'ils aient survécus. Le fait est qu'il y a, pour lui également, un côté totémique sur son score aux précédentes primaires. Ce sont ces 17% qui peuvent le pousser à se présenter, qui l'ont poussé à quitter le gouvernement… mais il est difficile de dire ce que représente ce chiffre aujourd'hui. Arnaud Montebourg, parce qu'il n'a jamais été un apparatchik politique à proprement parler, n'est pas un organisateur politique. 

Pour tenter d'y palier il a, peu ou prou, des parlementaires autour de lui. Encore faut-il qu'il fédère la gauche du Parti socialiste, comme les frondeurs, Benoit Hamon, etc. Il faudrait, au moins, que les diverses sensibilités se portent directement sur son nom – et pas uniquement au deuxième tour de la primaire. Or, aujourd'hui, ce rassemblement ne présente aucun signe tangible. C'est très problématique et cela rejoint ce que nous disions. Arnaud Montebourg pourrait être un adversaire pour François Hollande (qui a tout intérêt à avoir un challenger de cet ordre pour ne pas que la primaire soit taxée d'être une caricature), mais pour peu qu'il n'y ai pas trop de candidats qui empiètent sur son terrain. Nous sommes actuellement dans la phase de préparation des candidatures et, pour autant, il n'y a pas de rendez-vous prévus – pas plus que de discutions – prévues entre les frondeurs, les aubryistes, Benoit Hamon et Arnaud Montebourg. Aller voir Pierre Laurent et le PCF c'est une chose, certes, mais ça n'est pas le cœur du problème. Cette préparation externe ne peut pas être suffisante. C'est la gauche du PS qui doit être rassemblée.

Quelles sont, selon les différents scénarios qui se dessinent aujourd'hui, ses chances de gagner ? N'est-il pas contraint de se lancer quoiqu'il arrive ?

Rappelons que François Hollande est un habitué de ce genre de combats et jouit d'une certaine habileté dans l'art de mener campagne. Ses discours sont incarnés. Je pense notamment au discours du rond-point des Champs-Elysées, qui date d'il y a plus d'un mois, devant un parterre socialiste et dans lequel il faisait le bilan des gauches au pouvoir depuis 1936 – son bilan également, donc. C'était un discours campagne. Il me semble que François Hollande est peut-être meilleur candidat qu'il n'est chef d'Etat. On peut légitimement penser qu'une bataille pour les primaires c'est donc quelque chose qu'il est capable de faire. N'oublions pas non plus, comme le rappelle Jean-Pierre Raffarin, la prime au président qui existe également dans le cadre des primaires. Enfin, quelle que soit la défiance dont souffre François Hollande au sein du clan socialiste, les électeurs passeront logiquement par un calcul évident, qui lui est plus favorable qu'il ne l'est à Arnaud Montebourg. Qui peut faire gagner la gauche face à Nicolas Sarkozy, face à Alain Juppé, face à François Fillon ? Là encore, la prime revient plus au président de la République qu'à son ancien ministre du Redressement productif. Tous ces éléments mis bout-à-bout compliquent nécessairement la tâche d'Arnaud Montebourg, quand il s'agit d'arriver en tête des primaires.

Sans compter qu'Arnaud Montebourg a un positionnement assez hétérodoxe, pas forcément anti-européen à proprement parler, mais contre le modèle sur lequel elle s'est construite aujourd'hui. En cela, il colle parfaitement au Brexit… mais il ne suffit pas de dire, quand on est candidat aujourd'hui, que l'Europe s'est construite contre les peuples. Être candidat à la magistrature suprême sous-entend d'aller un peu plus loin, d'autant plus quand on se souvient que François Hollande n'a pas renégocié les traités européens comme il s'y était engagé. Or, les citoyens qui votent à la primaire sont des citoyens généralement plus avertis, plus engagés et qui conditionnent leur vote en fonction de ce qui est souhaitable et possible. Sur le plan national on voit bien l'influence Colbertiste de Montebourg ("achetez français !") mais il s'est indéniablement aliéné une part des écologistes… qui ne représentent pas énormément sur le plan purement institutionnel, certes, mais qui est une sensibilité réelle à gauche. A fortiori pour ceux qui votent à la primaire. C'est, pour Arnaud Montebourg, le scrutin ou jamais. La réorganisation et la reconstruction du PS va être violente et brutale. N'y seront que ceux qui ont pris acte – en tant que Premier ministre comme Manuel Valls, en tant que ministre comme Emmanuel Macron – où en se réunissant comme le font les aubrystes… Si Montebourg ne se présente pas aujourd'hui, il ne pourra pas compter pour l'après.

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