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Encadrement des loyers : 
la démagogie en action
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Zone franche

Des loyers « encadrés », c'est effectivement le meilleur moyen de ne plus trouver aucun propriétaire à qui les verser.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Les loyers augmentent (+2,5% en 2010) et je lis un peu partout que, même au ministère du Logement, on envisage sérieusement de les « encadrer ». C’est curieux parce que je lis aussi aux mêmes endroits que ce gouvernement est « libéral » ce qui, en français moderne, signifie plus ou moins « monstre sanguinaire vendu aux intérêts des spéculateurs et du capitalisme apatride ». Mais bon, le sens des mots évolue avec le temps et Voltaire, même s’il aimait bien faire du business, serait sans doute surpris d’être classé à la droite de la droite sur la nouvelle carte de Tendre des passions politiques.

Moi, je comprends assez bien les gens qui militent pour la mise en place d’une autorité qui dirait à quel niveau doivent se situer les loyers : les propriétaires sont des filous qui ne pensent qu’à s’enrichir sur le dos des braves gens et il serait temps qu’une institution publique (et bienveillante) impose quelques limites à leur cupidité.

De fait, je ne sais pas exactement ce que serait une hausse « raisonnable » des loyers, je l’avoue, mais je suis certain qu’une formule savante à base d’indice du prix des matières premières peut être élaborée qui satisfera les locataires. Le hic, c’est que si elle ne satisfait que ces derniers, les propriétaires, dont on vient de voir qu'ils étaient des filous amoureux du pognon, réfléchiront à deux fois avant de choisir l’immobilier comme mode d’accroissement de leur fortune inique.

Attention, je ne dis pas qu’ils auront raison, hein, comprenons-nous bien : je suis de tout cœur avec les locataires impécunieux, ayant moi-même démarré dans la vie sur ce registre. Je dis juste qu’une crapule assoiffée du sang des travailleurs, si une source de globules rouges se tarit, ben elle va voir ailleurs. Ils sont comme ça, les riches. C’est dans leur nature.

Non, la crapule investit alors dans, je ne sais pas moi, une entreprise de téléphonie chinoise, un développeur de logiciels indien, une compagnie aérienne irlandaise… Bref, dans n’importe quoi qui lui permette de continuer à nager le crawl dans sa piscine de pièces d’or comme Picsou dans celle de son coffre-fort géant. On voit donc assez bien où le bât blesse : soit le proprio (le filou !) pense que louer des appartements, ça rapporte, soit il pense que c’est sans intérêt et il n’en loue pas. Dans les deux cas, qui c’est qui trinque ? C’est le locataire impécunieux.

Mais alors, on ne peut rien faire ? Tout est foutu ? Mais si bien sûr, on peut faire. On peut construire de nouveaux immeubles, ce qui donne de l’emploi aux locataires impécunieux (qui du coup redeviennent, euh, pécunieux) et oblige les vilains marchands de sommeil à se concurrencer les uns les autres, voire à baisser carrément les loyers s’il devient possible d’arbitrer entre plusieurs loueurs.

On appelle ça « la loi de l'offre et de la demande ».

Paris intra-muros : cher parce que rare

« Construire, construire, c’est bien sympa… Mais allez construire à Paris, qui est plein comme un œuf. C’est n’importe quoi, votre truc ! » Objection retenue : à Paris, on ne peut pas construire, ou alors presque pas, ou alors en hauteur mais il paraît que c’est mal même si c'est une autre histoire… Non, à Paris, c’est cher parce que c’est un petit bout de terrain où il n’y a de la place que pour deux millions de veinards mais où les dix millions de personnes qui habitent autour rêvent de s'installer. C’est cher parce que c’est rare et désirable. Guéret, en revanche...

― Ah, c’est encore cette fichue loi de l'offre et de la demande ?
― Tout juste Auguste… Vous apprenez vite !
― Alors, il ne peut y avoir que des riches à Paris ?
Non, car on peut encore construire des logements sociaux ici ou là en plus des 16% qui existent déjà. Et éventuellement proposer un bonus fiscal aux propriétaires pour qu’ils acceptent de louer moins cher, mais en gagnant de l’argent quand même.
―  Mais ils vont continuer de s’enrichir !
― Oui. Mais c’est ça ou leur confisquer carrément leurs appartements, ce qui diminuerait assez largement l’attractivité de la capitale française si c’est le genre de système qui se met en place. Remarquez, pour le coup, ça ferait rapidement baisser les loyers. Peut-être jusqu’au niveau de Pyongyang, tiens, qui est une ville vraiment bon marché…
― Ah vous exagérez, là...

Mais oui, c'est pour rire. Bon, la semaine prochaine, nous verrons s’il est possible de créer une autorité pour encadrer le prix de la baguette. Dans mon quartier, la « tradition » aux six céréales est hors de prix.

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