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En ignorant la télé et en se concentrant sur le web, Beppe Grillo a-t-il changé à jamais les campagnes électorales ?
©Reuters

2.0

Beppe Grillo, le grand perturbateur des élections italiennes, a réussi à récolter un quart des voix en refusant de se rendre sur les plateaux télés, pourtant considérés comme incontournables pendant une campagne.

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano

Jean-Luc Mano est journaliste et conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé.

Il anime un blog sur l'actualité des médias et a publié notamment Les Perles des politiques.

 

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Atlantico : Peut-on dire que le leader du détonnant Mouvement Cinq Etoiles a réussi a révolutionner la forme du monde politique ?

Jean Luc Mano : Il s'agit effectivement d'une campagne atypique, mais on ne devrait pas parler d'une révolution pour autant. M. Grillo, a aussi fait reposer une bonne partie de sa campagne sur des meetings, ce qui reste tout de même formidablement classique ! Par ailleurs, bien qu'il ne se soit jamais présenté dans un talk-show, on ne peut pas dire qu'il ait été réellement absent du petit écran, la télévision ayant au contraire abondamment rendu compte de ses farces. On peut ajouter par ailleurs que M. Grillo, quand on considère sa stratégie globale, n'a fondamentalement rien inventé. Cet ex-humoriste est quelqu'un qui utilise avec talent la rhétorique, qui est la forme la plus ancienne d'expression politique.

Cette stratégie du Web explique-t-elle uniquement son succès ?

Cette méthode lui a donné non seulement l'avantage de pouvoir adopter une posture anti-système, qui parle à son électorat, mais lui a aussi permis d'éviter tout face à face avec les autres candidats. Etant donné la nature grandement démagogique de son programme (on pense à la semaine de 20 heures), affronter un de ses concurrents dans un débat argumenté aurait en effet pu le pénaliser. Un plateau télé est un lieu de confrontation et il est opportun pour Beppe Grillo de pouvoir y échapper.

Néanmoins, cette campagne via le web n'est qu'une raison parmi d'autres, son côté populiste y étant aussi pour beaucoup. Dans le contenu de son message, que l'on associe a tort à celui de Coluche, on retrouve des attaques contre les immigrés et une tonalité xénophobe. C'est aussi une rhétorique contestatrice qui fait logiquement son effet en période de crise, en particulier sur la jeunesse qui ne se reconnaît pas dans une classe politique peu ouverte aux idées nouvelles. La fonction du personnage est avant tout tribunicienne et c'est là le principal ressort de sa réussite électorale.

Cette méthode de communication peut-elle prospérer ?

Effectivement. La toile permet d'exister, comme chacun sait, en dehors des média traditionnels, et devient forcément utile lorsque l'on souhaite faire passer un message anti-élites. Le monde politique n'est le seul qui soit d'ailleurs concerné par cette nouvelle donne. On peut voir aujourd'hui des réalisateurs, des chanteurs, prospérer sur Internet en s'auto-produisant, sans avoir a passer par la contrainte des médias classiques. Cette tactique évite de plus la contradiction puisque l'on peut y entretenir un vaste réseau de communication sans avoir affaire au filtre journalistique, ce qui pose problème démocratiquement parlant dans le sen ou personne n'est là pour vous éviter d'affirmer ce qui vous chante.

Le phénomène Grillo est-il révélateur d'un déclin des média "traditionnels" ?

Je ne parlerai pas d'un déclin puisque l'essentiel des électeurs italiens a continué de regarder massivement la télévision pendant cette campagne. Le déclin se marquera lorsque la désaffection de l'opinion deviendra trop forte, et cela se verra immédiatement dans les chiffres d'audiences des chaînes. Internet est une concurrence, et même une concurrence aussi utile que féconde pour les démocraties mais il ne supplantera pas la télévision d'ici peu. Il y a bien une crise de confiance de l'opinion a l'égard de ce que disent les média, en particulier la télévision et ce depuis une quinzaine d'années, mais les chiffres d'expression de confiance n'accompagnent pas ce ressenti. On nous dit depuis plus d'une décennie que la prochaine campagne se jouera sur le web, mais la télévision a jusque-là conservé un rôle majoritaire dans la stratégie des différents partis. On peut dire par ailleurs que la radio n'a pas tué la presse, que la télévision n'a pas tué la radio, et qu'en conséquence Internet ne tuera probablement la télévision. 

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