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Emmanuel Macron ou le crédit réforme épuisé
©LUDOVIC MARIN / AFP

Pacte de confiance

L'ambition réformatrice d'Emmanuel Macron est-elle déjà épuisée ? Le chef de l'Etat parviendra-t-il à rétablir la confiance ?

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Ceux qui ont fait élire Emmanuel Macron, en France et à l’étranger, et qui le soutiennent encore, spécialement au sein de la  droite classique, attendaient de lui qu’il prenne à bras le corps les problèmes du pays et réalise enfin les réformes que ses prédécesseurs, de Chirac à Hollande, n’avaient pas osé faire : « Et Macron vint ! » titra Jean-Claude Casanova, non sans quelque ironie, après son élection (Commentaire, n° 158, été 2017). 

Or ces réformes, il ne les fera pas, sinon à la marge. Pour la plus importante d’entre elles, celle des retraites, il est possible qu’il sauve la face en évitant l’explosion sociale, mais il  est probable que, de concessions en concessions,  le bilan financier pour l’Etat en soit in fine négatif, comme l’avait été celui de  la réforme des retraites concoctée par Sarkozy et Fillon en 2010.  Pour le reste, il est clair que Macron, a épuisé son crédit. 

La logique du leadership

Les vraies réformes sont saignantes. Il est possible de les faire accepter mais il faut pour cela que plusieurs conditions soient remplies.

La principale est qu’une relation de confiance soit établie entre le président de la République et la population.

Pour que cette relation de confiance existe, il faut que le peuple ait le sentiment que le chef de l’Etat  recherche avec ardeur son intérêt, à lui peuple, et son intérêt seul.

Cette exigence n’est que l’expression de la logique immémoriale du leadership, du pacte éternel entre un dirigeant et son  peuple. 

Cela exclut  toute  relation de dépendance du leader vis-à-vis d’une force étrangère quelle qu’elle soit. C’est pourquoi  les réformes, dont certaines étaient pourtant utiles, entreprises par le régime de Vichy, furent  récusées par les Français. Pétain était ressenti comme le « Prince esclave », selon l’expression du père Gaston Fessard, et donc illégitime  pour gouverner et réformer.

Cela exclut tout autant la dépendance vis-à-vis des féodalités intérieures. En supprimant, dès son arrivée, la partie financière de l’ISF, Macron a envoyé un très mauvais message à l’opinion, qui a vu en lui l’homme des très grande fortunes. 

Cela exclut aussi la dépendance du leader vis-à-vis de tout système, de toute utopie, en bref de toute idéologie. Or Macron a manifesté à plusieurs reprises que sa préoccupation première n’était pas la puissance et la prospérité de la France mais de « faire  l’Europe », un projet international qui se distingue peu du projet mondialiste comme le montrent les traités de commerce signés avec le Canada et l’Amérique latine. Il est impossible d’être à la fois l’homme d’un système ou d’un projet idéologique et l’homme d’un peuple. L’idéologie, quelle qu’elle soit, et l’idéologie européiste n’est pas la moindre, est incompatible avec le leadership.

Cela s’applique particulièrement à toutes les réformes que Bruxelles tente d’imposer à la France. Quoique les sondages montrent que la majorité des Français est attachée à l’euro, ils ne sont prêts à aucun sacrifice pour sa survie. D’autant que, sans être des économistes qualifiés, ils sentent bien que toutes le réformes que ses dirigeants veulent imposer à la France ont moins pour but le bien de la France – qui pourrait  être poursuivi par d’autres voies – que le maintien de la France dans l’euro et donc la survie de la monnaie unique.

Il est déjà bien difficile de faire accepter des réformes à un peuple quand son intérêt direct est en jeu, a fortiori quand il ne l’est pas. Au demeurant, à supposer qu’ils en acceptent les objectifs, soit le rétablissement de l’ équilibre budgétaire  et celui des comptes extérieurs, donc la compétitivité de la France, les Français, moins aveugles que leurs dirigeants, sentent bien que cet objectif est désormais hors de portée et que donc leurs sacrifices ne serviront à rien. Hors de portée dans les conditions actuelles, soit avec un euro qui, par rapport aux prix intérieurs français, est nettement surévalué. 

La rupture du pacte de confiance 

Il ne  suffit pas que le président qui voudrait réformer veuille d’abord le bien des Français pour  que ses projets de réforme soient acceptées. Il faut qu’il en donne le  sentiment, ce qui suppose du charisme, une empathie qui manquent singulièrement à Macron, lequel a, à plusieurs reprises, laissé échapper des remarques qui montrent le mépris dans lequel il tenait ses compatriotes.  

D’autant qu’il n’a pas profité de la période dite d’« état de grâce », les mois qui suivent son élection, pour entreprendre les réformes les plus difficiles comme celle des retraites. Celle-ci vient après le crise des gilets jaunes qui avait déjà marqué la rupture du pacte de confiance. Balladur avait su en 1993, dès son arrivée, effectuer une importante réforme de retraites qui, en raison du moment choisi, était passée comme une lettre à la poste.

Au demeurant le président français a-t-il vraiment le souci de faire des réformes utiles ou seulement d’en donner l’impressions à ses parrains, à Berlin, à Bruxelles ou à Washington ? Ces derniers connaissent mal les problèmes de la  France. Depuis longtemps les gouvernements français jouent la « comédie des réformes », lançant des réformes à grand fracas pour donner dans ces capitales l’image d’une France qui bouge. Cela aboutit parfois à de désastres. Un récent rapport interne à Goldman Sachs prescrivait la diminution du nombre des communes en France en vue de diminuer les frais généraux du pays. Or loin de faire des économies, ce qu’on appelle l’ « intercommunalité » dont l’objectif était cette réduction, a considérablement alourdi les coûts de la strate locale. Voilà une réforme  qui n’a guère de chances de réduire les déficits français, au contraire. Il y en a d’autres. Mais à Bruxelles comme chez Goldman Sachs, on ne connait la France qu’au travers de quelques poncifs dépassés (les Allemands semblent nous  connaître  mieux), souvent répandus par nos compatriotes eux-mêmes : « La vieille France jacobine qui n’arrive pas à se réformer etc. » Le président français a d’abord le souci de leur envoyer de la poudre aux yeux et cela, Macron sait faire.

Les grands réformateurs de droite,  de Gaulle , Reagan, Mme Thatcher, quelque appréciation que l’on porte sur leurs réformes, furent des nationaux, voire de nationalistes. Personne ne doutait qu’ils voulaient le bien de leur pays. C’est pourquoi leurs réformes furent appliquées.   

Penser que les réformes seraient mieux acceptées par les Français sous la botte de l’étranger, est un leurre, comme on l’a on l’a vu aux heures sombres du XXe siècle. Après l’Allemagne, l’Europe qui devait nous obliger à nous réformer : même illusion. Les stratèges qui, par divers subterfuges électoraux (entre autres par l’assassinat politique de Fillon), ont voulu placer, au travers de Macron, un homme à eux à la tête de la France, susceptible de réaliser enfin les réformes dont les Français avaient selon eux besoin ne pouvaient qu’échouer. Moins que quiconque, Macron est à même de réformer la France comme elle doit l’être.    

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