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Faux avis et e-reputation : l’administration saura-t-elle faire le ménage dans la jungle des sites de recommandation ?
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Autocritique

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes lance une grande enquête pour épingler les entreprises qui font leur auto-promotion par des faux avis de consommateurs sur Internet. Ces dernières, coupables de "pratiques commerciales trompeuses", n'ont encore jamais été condamnées. Peut-on garantir que les avis émanent réellement des consommateurs ?

Alexandre Villeneuve

Alexandre Villeneuve

Alexandre Villeneueve est associé de JIN, une agence de conseil en communication d'influence, spécialisée dans le digital. Il exerce en tant que Directeur Conseil et Qualité.

Il est co-auteur avec Edouard Fillias du blog E-Reputation et du livre E-Reputation (Ellipses - 2012).

 

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Atlantico : Alors que la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) examine les sites Internet, l'Association française de normalisation (l’Afnor) se penche sur la création d’une norme pour lutter contre les faux avis d’internautes déposés par les professionnels désireux de dorer leur « e-réputation ». L’Afnor et la DGCCRF ont-elles vraiment les moyens d'endiguer l'auto-promotion sur internet ?

Alexandre Villeneuve : Il ne faut en tout cas pas espérer pouvoir éliminer tous les faux avis qui foisonnent sur le net. Il s’agit de montrer des exemples, en punissant devant la justice quelques sociétés dont les avis auront été détectés. Il suffit de deux ou trois procès pour faire réagir pas mal de monde, notamment les sociétés spécialisées. Car le problème est, je pense, que les entreprises, et notamment les hôteliers, ne se rendent pas compte que c’est interdit, parce que « tout le monde le fait ».

Au-delà de la justice, parmi les outils proposés, on compte un label "les avis de ce site respectent la norme Afnor", l'identification de l'auteur du commentaire, l'accès aux anciens commentaires de l'internaute ou la possibilité de le contacter, et enfin l'obligation de fournir la preuve de l'achat avant de pouvoir donner son avis. Seront-ils efficaces ?

L’idée du label n’est pas mauvaise, mais difficile à mettre en œuvre : il est peu probable que les internautes s’intéressent au label Afnor et qu’ils prennent le temps de comprendre à quoi celui-ci correspond. Le concept de label ne marche pas plus que ça, du moins sur internet. De plus, étant donné que cela ne peut pas être rendu obligatoire, seuls certains sites proposeront ce label. Or les consommateurs se tournent en général vers le premier site référencé par Google, sans chercher plus loin.

Lire les anciens commentaires des internautes permettrait de voir qui sont les plus grands contributeurs, donc les plus fiables a priori. Mais cela n’empêche pas qu’un utilisateur puisse servir les intérêts de telle entreprise : il suffit qu’il publie un plus grand nombre de commentaires pour devenir crédible.

Conditionner le dépôt de l’avis par une preuve d’achat me semble peu faisable, car les sites qui permettent de donner son avis ne sont pas forcément des sites d’achat. Dans le milieu de l’hôtellerie, il y a bien Booking, qui permet d’être sûr que l’avis émane effectivement d’un client. Mais donner un monopole à Booking revient à privilégier les grands fournisseurs et à priver les petits de commentaires. Ce serait presque anticoncurrentiel.

Quant à la possibilité de contacter l’auteur, je n’y vois pas vraiment d’intérêt. Rien ne les force à répondre.

En revanche, inciter à ce que les internautes utilisent leur vraie identité est une bonne idée. Pourquoi ne pas associer leurs avis à leur page Facebook, leur Twitter ou leur blog ? Evidemment, tout le monde n’acceptera pas de laisser des avis avec son identité propre, mais du moins, pour ceux qui l’auront fait, leurs avis seront très crédibles.

Plus généralement, je pense qu’il sera facile de lutter contre le dénigrement des concurrents ou l’autopromotion sur les propres pages Facebook des entreprises. Sur les forums spécialisés, la tâche est un peu plus difficile, puisque les internautes utilisent des pseudonymes. Quant à la « modération tronquée » (suppression des commentaires qui sont négatifs), c’est pratiquement impossible de l’empêcher.

Quels sont les secteurs les plus concernés par les faux avis sur Internet ?

La DGCCRF semble avoir perçu le problème dans le secteur hôtelier, mais il existe partout. Elle doit agir fortement dans tous les secteurs, au moyen de robots, voire même avec un formulaire de telle sorte que les internautes puissent signaler un faux commentaire.

La DGCCRF estime que le problème « est né il y a 2 ans et qu'il est depuis monté en puissance ».  Le phénomène est-il si récent ?

Ce qui m’étonne, c’est que la DGCCRF ne s’intéresse à cette question que maintenant. Le phénomène a toujours existé. Peut-être qu’effectivement, il y a une certaine accélération depuis deux ans, et que le problème est désormais tellement flagrant que la DGCCRF doive s’y atteler. Mais dès 2008, l’UFC Que choisir dénonçait ces pratiques. Des entreprises ont, elles, déjà tenté de lutter contre les avis négatifs qui provenaient des concurrents. Annoncer que le problème n’a que deux ans est un peu osé.

C’est d’autant plus dommage que, depuis, les avis ont proliféré, ainsi que les sociétés spécialisées dans le dépôt d’avis. S’il y avait eu des exemples d’hôteliers, de sociétés, attaqués il y a 5 ou 6 ans, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Maintenant, même les chefs d’entreprise honnêtes se tournent vers les faux avis, puisque tout le monde le fait. Ne pas avoir d’avis positifs est un désavantage concurrentiel. Ils y sont donc presque obligés.

Pourquoi a-t-on mis tellement longtemps à s’intéresser au problème ?

Je crois que les moyens de la DGCCRF ne sont pas assez conséquents. Peut-être que la lutte contre les faux avis ne faisait pas partie de leurs priorités à l’époque. La direction détient néanmoins les moyens légaux de lutter, dans certains cas.

Qui sont ces sociétés spécialisées dans la publication de faux avis ? Comment la DGCCRF peut-elle lutter contre ces dernières ?

Elles sont relativement difficiles à trouver directement, car plutôt discrètes et souvent basées à l’étranger. Aussi sont-elles généralement inatteignables. Evidemment, étant donné qu’elles gagnent de l’argent en France, on peut trouver des outils juridiques pour les mettre en cause. Mais elles séviront toujours. La lutte est inégale et la DGCCRF, ou la justice, aura toujours un train de retard. Ce qui est sûr, c’est que si on attaque directement l’hôtelier, le message sera fort.

En revanche, j’aimerais que l’on n’assimile pas toutes les entreprises d’e-réputation à ces sociétés spécialisées dans la rédaction de faux avis. 

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