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La droite pourrait-elle survivre à une défaite de François Fillon en cas de victoire de Marine Le Pen ou d’Emmanuel Macron ?
©Thomas SAMSON / AFP

Hypothèses

Que ce soit Emmanuel Macron ou Marine Le Pen qui remporte la présidentielle, la défaite de François Fillon porterait un coup fatal à la droite, précipitant le risque d'une très forte division sur la question de sa recomposition.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Que pourrait-on observer à droite, structurellement et idéologiquement, en cas de défaite de François Fillon et de victoire d'Emmanuel Macron ? 

Jérôme FourquetTout d’abord, il convient de rester prudent : le scénario d’une défaite de François Fillon devient, au fur et à mesure que le temps qui nous sépare de l’élection présidentielle se réduit, relativement plausible. Toutefois, il n’est pas encore gravé dans le marbre, et il n’est pas évident que la droite soit battue, même si le territoire de compétence et de crédibilité de François Fillon est quand même très faible comme le montre le dernier sondage Ifop pour Atlantico paru ce jour. Il est devancé, sur les principaux sujets de préoccupation des Français, par deux protagonistes qui sont Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

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Dans le cas d’une défaite de François Fillon au profit d’Emmanuel Macron, on peut imaginer que ce dernier gagnerait donc face à Marine Le Pen, ce qui signifierait que François Fillon ait été battu dès le premier tour. Dans les hypothèses qui sont les vôtres, plusieurs scénarios sont possibles, à la fois en fonction de l’identité du vainqueur de la présidentielle, mais aussi de l’importance de l’étendue de la défaite pour la droite. Ce dernier point joue sur ce qui se passera par la suite pour la droite.

Si l’on se place dans le cas de figure d’une défaite avec un écart important par rapport aux candidats qualifiés, cela risque de tanguer très fort dans les rangs de la droite. Autant on a vu ces dernières semaines qu’il n’y avait pas de plan B pour remplacer François Fillon au pied levé dans le cadre de la présidentielle, autant s’il est sèchement battu, ce sont des plans B, C et D nombreux qui vont fleurir dès le lendemain de cette défaite. En effet, le principal plan B, Alain Juppé, a dit qu’il était trop tard pour lui-même pour la campagne. On l’imagine mal reprendre du service, notamment après tout ce qui ce sera passé et à l’âge qui est le sien, pour essayer de reconstruire ou de maintenir unie sa famille politique afin de la mener au combat pour la prochaine bataille. Nous serions donc face à un traumatisme sans précédent, sans plan de rechange éventuel.La probabilité que l’on assiste à une guerre fratricide est on ne peut plus élevée. En plus d’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy a été très durement battu au premier tour de la primaire, et si l’on reste dans votre hypothèse, François Fillon serait lui-même battu dans le cadre de cette présidentielle. Ainsi, les trois principaux tenors seraient hors-jeu. Nous serions alors face à une droite exsangue et sous le choc, avec comme circonstance psychologique aggravante, toutes les épisodes survenus au cours de la campagne (le Trocadéro, etc.), mais aussi le fait que cette élection, pour beaucoup à droite, était perçue initialement comme imperdable. La droite serait alors KO debout, sans leader de substitution, avec de surcroît un risque de fragmentation car chez les quadras et les quintas, les ambitions fleuriraient abondamment, mais aussi en raison des législatives qui surviendront quelques mois après, avec comme président de la République, pour reprendre votre hypothèse, Emmanuel Macron. Il serait l’artisan en chef d’une recomposition politique qui aura été largement entamée par ces deux tours de présidentielle, et qui demanderait à être prolongée par les législatives.Tout ceci pourrait ainsi aboutir à ce que des pans entiers de la droite envisagent éventuellement de rentrer dans ce nouveau mécano présidentiel qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux : l’alliance des progressistes. De l’autre côté, nous pourrions observer une autre tendance : celle de personnalités qui diraient non à cette alliance, affirmant devoir rester la droite dite décomplexée qui ne fera pas de concessions à Emmanuel Macron considéré comme le fils spirituel de François Hollande. Certains pourraient même envisager, voyant que le "big bang" a commencé, de regarder du côté du Front national. Si nous faisons un parallèle avec la présidentielle de 2002, bien que la droite ait remporté ce scrutin, le FN était déjà présent au deuxième tour. La présence de Jean-Marie Le Pen avait alors aboutit à la création de l’UMP et à un rassemblement de toutes les droites, avec un morceau du centre qui était resté autonome autour de François Bayrou. Dans le cas où Marine Le Pen serait présente au deuxième tour lors de la présidentielle 2017 et que François Fillon serait battu, nous assisterions au processus exactement contraire de ce qui s’était produit en 2002, soit une fragmentation sans précédent de la droite. 

De même, dans le cas d'une victoire de Marine Le Pen, qu'adviendrait-il ? 

Là aussi, rappelons ce qu’il en est de cette hypothèse, qui est nettement moins plausible qu’une défaite de François Fillon. En effet, toutes les enquêtes mettent Marine Le Pen très loin systématiquement d’atteindre la barre des 50% au deuxième tour, avec des scores au maximum de 40%. Ainsi, la marge est importante et l’on ne se situe pas dans les mêmes écarts mesurés par les Anglo-Saxons au moment du Brexit ou de la présidentielle américaine. Toutefois, ce scénario n’est pas à écarter d’un revers de main car il y a incontestablement une véritable dynamique en faveur de Marine Le Pen.

Si ce scénario venait donc à se produire, cela signifierait qu’elle ait gagné soit face à Emmanuel Macron, soit à François Fillon. Face à ce dernier, ce scénario n’est pas le plus privilégie statistiquement. Si Marine Le Pen gagne face à Emmanuel Macron, cela veut dire que mécaniquement, il faut qu’il y ait eu un énorme report de l’électorat de droite sur la candidate du FN dans un réflexe anti-gauche. Aujourd’hui, dans les hypothèses Macron/Le Pen, quand Marine Le Pen atteint 40% comme dans le dernier rolling Ifop, c’est parce que, notamment et prioritairement, elle peut compter sur l’apport d’1/3 des électeurs de François Fillon. Pour que Marine Le Pen batte Emmanuel Macron, il faudrait qu’il y ait une abstention très forte de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon qui se reporte mal sur Emmanuel Macron, mais aussi que le rapport ne soit pas d’un 1/3 mais de 2/3 de l’électorat François Fillon qui se reporterait sur Marine Le Pen. La marche est ainsi très haute.

Toutefois, dans ce cas de figure, l’objectif poursuivi par certains à la droite de la droite d’une fusion des droites aurait été atteint dès le deuxième tour de la présidentielle. Il y aurait bien évidemment toutes les conditions mentionnées plus haut : une droite KO debout car sortie au premier tour, avec une très forte division sur la question de la recomposition, etc. Le fait que le centre de gravité de la droite soit complètement désaxé dans cette hypothèse aboutirait donc à une situation dans laquelle de nombreux électeurs de droite, mais aussi d’élus, rallieraient la majorité présidentielle de Marine Le Pen, avec, on peut le penser, une résistance des éléments les plus modérés qui refuseraient toute compromission avec l’extrême droite et essaieraient de s’associer avec le camp d’Emmanuel Macron afin de constituer un contrepoids. 

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