Dividendes : Et Emmanuel Macron entra dans la danse de la démagogie<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron lors de l'émission L'Evènement sur France 2, le mercredi 26 octobre 2022.
Emmanuel Macron lors de l'émission L'Evènement sur France 2, le mercredi 26 octobre 2022.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Promesses économiques

Emmanuel Macron était l'invité de France 2 mercredi soir pour évoquer les dossiers nationaux et notamment les crises de l'inflation et de l'énergie. Le chef de l'Etat a défendu son projet de dividende salarié.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Emmanuel Macron a déclaré, mercredi soir : « Il y a des entreprises comme Total (…) qui a consenti des hausses de salaire importantes. Dans ce que je veux faire, il y a la proposition du dividende salarié, que j’ai défendue. Quand il y a une augmentation du dividende chez les actionnaires, il doit y avoir la même chose pour les salariés ». A quel point est-ce une proposition démagogique ?

Michel Ruimy : Dans un contexte inflationniste, le dividende salarié, promesse de campagne du candidat Macron, revient au centre des débats. A la différence de l’intéressement qui s’apparente plutôt à une prime / bonus, le dividende salarié est un accord négocié entre les partenaires de l’entreprise, qui n’est pas calculé sur la richesse produite par l’entreprise mais, parfois, basée sur des éléments extra-financiers. Par analogie avec ceux perçus par les actionnaires, il serait le versement de dividendes aux collaborateurs d’une entreprise. La nouveauté du dispositif ne résiderait donc pas dans son fonctionnement mais dans la nature de ses bénéficiaires. Il serait une mesure dédiée aux salariés des petites ou très petites entreprises pour mieux partager la richesse produite par l’entreprise entre l’ensemble des parties prenantes, les actionnaires et les salariés.

En pratique, la difficulté technique sera d’imposer un mécanisme de redistribution qui ne soit pas une « usine à gaz » car il semble exclu que soit imposée une redistribution d’une partie des dividendes, notamment parce que le salarié n’est pas nécessairement actionnaire (ou alors il faut rendre obligatoire l’actionnariat salarié ce qui supposerait de résoudre un grand nombre d’obstacles...). Par ailleurs, quid en cas de désaccord entre les partenaires sociaux ? Par leur refus de signer l’accord, les organisations syndicales pourraient-elles faire échec à l’octroi de dividende par l’assemblée générale ?

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Pour autant, cette mesure est-elle vraiment un mécanisme utile pour booster le pouvoir d’achat des Français alors que les négociations salariales dans les entreprises ne suffisent pas à obtenir des salaires cohérents avec l’inflation (Les appointements progressent deux fois moins que les prix).

Si la mesure envisagée présente des points positifs tant pour l’employeur que pour l’employé (répartition plus juste de la richesse créée par l’entreprise, hausse du pouvoir d’achat des salariés, recrutement facilité et fidélisation des collaborateurs…), n’oublions pas que ces sommes (primes sans cotisations) signifient aussi de moindres droits au chômage et à la retraite, sans oublier également, que lors d’un emprunt par exemple, seul le salaire fixe est pris en compte par la banque, et non les primes.

Si l’on suivait cette logique jusqu’au bout, cela voudrait dire que les salariés verraient leurs revenus baisser si l’entreprise se porte mal et que les dividendes baissent ?

En France, la participation des salariés au résultat de l’entreprise est le mécanisme de redistribution des bénéfices des entreprises à destination des collaborateurs. Elle n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Plus de 10 millions de travailleurs, employés dans des entreprises de moins de 50 salariés, n’y ont pas droit !

Par ailleurs, les entreprises françaises, au deuxième rang derrière celles du Royaume-Uni en Europe, devraient verser, en 2022, près de 65 milliards d’euros de dividendes. « Seuls », 8 milliards sont redistribués au titre de la participation.

Afin d’éviter de fortes fluctuations, il conviendrait de conditionner le versement des dividendes à la distribution d’intéressement par exemple. Sur le principe, ceci est envisageable dans la mesure où le résultat, qui conditionne l’octroi de dividendes, n’est jamais acquis et peut être donc compatible avec l’aspect aléatoire de l’intéressement. Il s’agirait d’imposer que tout accord d’intéressement comporte une formule de calcul récompensant les salariés en cas de résultat positif, à laquelle pourrait se surajouter une autre formule de calcul liée à la performance. Certes, se poserait alors un certain nombre d’écueils à commencer par l’aspect, par principe, « volontaire » de l’intéressement.

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Le reste de son interview a-t-elle, sur le plan économique, fait preuve de la même démagogie ?

Le président ne peut jamais être trop absent des sujets intérieurs parce que l’opinion ne le comprendrait pas. C’est donc, pour la deuxième fois en deux semaines, qu’Emmanuel Macron a parlé. Après les crises internationales et le rôle de la France dans le monde abordés le 12 octobre, s’il a abordé sur les défis de l’exécutif en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée, il a également balayé de nombreux sujets : inflation, immigration, santé…

Il ne s’est livré qu’à un exercice de pédagogie face aux nombreuses questions des Français : défense d’un pouvoir d’achat malmené par la guerre en Ukraine, inflation, réforme des retraites sur laquelle l’exécutif a choisi de temporiser, sans renoncer.

Mais il a fait relativement peu d’annonces sur le cap à garder et la « marque de fabrique » de son quinquennat, nous laissant sur notre « faim ».

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