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Deux kalachnikov pour le prix d'un RSA : les aides sociales, un carburant de la délinquance à supprimer ?
©Reuters

Inextricable

"On ne peut plus laisser des territoires et des populations entières en marge de la société française et continuer à subventionner la délinquance par le RSA", déclare Gilles Kepel dans Le Figaro. Un voeu pieux, puisque ces populations ne trouvent pas d'emploi et que les sommes générées par les trafics dépassent largement le RSA.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : Dans une interview donnée au Figaro, Gilles Kepel déclare : "On ne peut plus laisser des territoires et des populations entières en marge de la société française et continuer à subventionner la délinquance par le RSA. Il faut intégrer les outsiders dans l'univers des insiders, en particulier dans le monde du travail. Si nous ne faisons pas cela, la contre-société salafiste continuera à grandir avec les conséquences que l'on sait, jusqu'à une fracture irréfragable." Dans quelle mesure cette phrase relative au RSA peut-elle refléter une réalité du terrain ?

Jean-Paul Brighelli : On ne peut qu'être d'accord et, en même temps, constater que c'est un vœu pieux. Les populations qui touchent le RSA (et diverses aides sociales) sont paupérisées — le RSA acchète en partie la paix sociale, a minima — et n'ont pas accès aux emplois. Le chômage a, paraît-il, régressé en septembre — sauf dans le Midi, pépinière d'apprentis salafistes. La misère et l'absence de perspectives, au sens large, engendrent les solutions de compensation, qui engendrent des solutions extrémistes. Il faut donner du travail, sauf que pour ces populations, le travail n'existe guère. On peut se moquer du peu d'appétence des bénéficiaires du RSA pour chercher un emploi : mais qui veut d'eux, sinon les imams des mosquées salafistes ?

Quant à la délinquance, si je prends l'exemple marseillais que je connais bien, ce n'est pas le RSA qui la nourrit, mais elle se nourrit d'elle-même. Les sommes engrangées par le trafic de drogue sont sans commune mesure avec les revenus du RSA. Même si au tarif actuellement pratiqué, on s'achète presque deux kalachnikovs avec un RSA — moins les balles…

Une suppression des aides sociales ne serait-elle pas un fort carburant pour une progression de la délinquance ? Faut-il y voir un outil de paix sociale à effets contre-productifs ?

C'est inextricable et un gouvernement avisé devrait tout remettre à plat. Le RSA peut financer, à la marge, des intentions terroristes. Mais les aides sociales ne financent-elles pas la polygamie, parfois ? Supprimer le RSA qui met un peu de beurre dans les épinards de familles entières, que l'un de leurs proches soit ou non en Syrie ou ailleurs, serait à la fois injuste (quel serait le critère ? Comment séparer le bon grain de l'ivraie, comme on dit ?) et contre-productif. Ce qui ne viendrait plus du RSA arriverait via le gangstérisme, ou via les subventions de tel ou tel pays wahhabite.

Selon la vision de Gilles Kepel, comment adapter les dispositifs actuels à la situation ?

Il faudrait déjà que les administrations (police / justice / affaires étrangères / douanes / affaires sociales) communiquent. Ce serait un grand pas de fait. Et communiquent vite les informations. Nous avons les moyens informatiques de le faire. Il faut également surveiller les transferts d'argent à l'étranger — on sait aussi le faire. Enfin, il faut bien comprendre que le salafisme est une recherche de racines rêvée par des gens déracinés (se rappeler que "radicalisation" est un mot forgé sur le radical latin radix, qui signifie justement "racine"). Il faut intégrer — par l'école, par la langue, en détruisant les ghettos que l'on a volontairement constitués autour de villes boboïsées — des populations qui se communautarisent parce qu'on ne leur laisse absolument aucun autre choix. Et qui parlent un mauvais arabe, puisqu'aussi bien on a renoncé à leur apprendre le bon français.

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