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Derrière le sourire Ultra bright, le visage sombre de la macronie ?
©BENOIT TESSIER / POOL / AFP

Pulsions de censure et de répression

Alors qu'Emmanuel Macron semble vouloir redorer son blason en arborant une image plus "sympathique", on observe en parallèle des éléments troublants...

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Atlantico : Condamnations des Gilets jaunes, enseignante convoquée par le rectorat après avoir vivement critiqué Emmanuel Macron dans un texte publié sur le net, volonté de l’Éducation nationale de réduire les personnels éducatifs au silence… Alors qu'Emmanuel Macron semble vouloir redorer son blason en arborant une image plus "sympathique", n'observe-t-on pas en parallèle dans le macronisme, les ressorts d'un certain autoritarisme ?

Yves Michaud : Je ne suis pas particulièrement indigné des condamnations de gilets jaunes. Il y a des conditions et des limites au droit de manifester. Depuis des décennies – disons depuis 1986 et la mort de Malik Oussekine – au nom du « maintien de l'ordre à la française », on a été de plus en plus laxiste et tolérant face aux dérives des manifestation et aux déprédations qui y sont commises, et même tout simplement aux entraves répétées à la libre circulation dans l'espace public. Les premiers mécontents venus occupent la chaussée, brûlent des péages et cassent du flic. L'Angleterre, qui est quand même une vieille démocratie, ne tolère pas du tout les obstructions de la voie publique et encore moins les attaques contre les forces de l'ordre et les biens. Quant au devoir de réserve, il existe et les fonctionnaires,surtout quand ce sont des enseignants, doivent mesurer leur responsabilité. On ne peut pas demander aux élèves d'avoir du respect pour leurs professeurs – qui représentent l'autorité – et publier n'importe quoi au nom de la liberté d'expression tout en se présentant comme...professeur. Il faut cependant nuancer avec deux considérations d'opportunité : les arrestations massives mettent la justice dans une situation de gestion impossible – ou bien elle fait de l'abattage ou bien elle relaxe à tour de bras - et d'autre part il n'est pas certain que la crise actuelle ait été le meilleur moment pour faire preuve de plus de sévérité. D'autres occasions, par exemple lors du 1er mai, auraient été mieux choisies. Le durcissement actuel a quelque chose d'un aveu de peur et de faiblesse.

Peut-on parler d'un "visage sombre" de la macronie ? Comment le définiriez-vous ?

Le prétendu visage « sombre » de la macronie doit beaucoup à l'affaire Benalla - qui a eu, effectivement, quelque chose d'inquiétant. Je continue quand même à penser que ce n'est pas une affaire d’État. Pour ma part, je ne parlerais pas de côté sombre, mais trouble et obscur. Ce côté trouble me semble tenir plutôt au clan, au carré de fidèles qui entourent Macron. Ce clan, inexpérimenté, un peu arrogant mais surtout très jeune - avec les qualités et les défauts de la jeunesse actuelle - lui a permis d'arriver au pouvoir mais l'a coupé de la réalité et des gens. Il y a un effet citadelle assiégée propice justement aux spéculations, rumeurs, « bruits qu courent ». Avec chez ces gens de l'entourage une obsession du contrôle (les « éléments » de langage) et une méfiance bizarre vis-à-vis de la presse et des journalistes, caractéristique des générations connectées d'aujourd'hui. Pour que ce système clanique fût viable, il faudrait que Macron ait le charisme populiste d'un Trump tweetant directement à ses électeurs mais en fait Macron manque de charisme. Il ne lui reste alors que l'entre-soi de l'oligarchie. Ce qui le rend aujourd'hui très vulnérable. Du coup, même s'il n'y a pas de côté sombre, on imagine qu'il y en a un. Il serait bon aussi de ne pas avoir la mémoire trop courte. Des côtés sombres, il y en a eu de bien pires aux temps de Mitterrand et de Chirac, que ce soit avec les gendarmes de l’Élysée ou les barbouzes de la Françafrique. Benalla n'est ni Prouteau ni Roussin.

Quelles peuvent être les dérives et les limites de ce mode de gouvernance ?

Je ne crois pas à une dérive autoritaire, quoiqu'on fantasme, car les garde-fous de l’État de droit sont solides. En revanche, je suis inquiet du syndrome obsidional. Je ne comprends toujours pas comment Macron qui reçoit tous les sportifs, people et « gagnants » de la création n'a pas eu le geste de recevoir et d'écouter des délégations de gilets jaunes, quelle que fût leur représentativité. Je ne comprends pas non plus ce qu'il attend de la division du travail entre lui et son premier ministre, à laquelle personne ne croît. Ma crainte est qu'il soit incapable de comprendre la nouvelle situation à laquelle il est confronté et, comme on dit, pédale un peu et même beaucoup dans la choucroute. On a l'impression que le logiciel est cassé et qu'il n'y a pas de logiciel de secours.

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