Dépassons le débat sur les 35 heures : en matière de temps de travail, la taille unique ne marche pas<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Dépassons le débat sur les 35 heures : en matière de temps de travail, la taille unique ne marche pas
©

Avançons

Alors que Jean-Marc Ayrault a relancé un peu malgré lui le débat autour du temps de travail, Frédéric Monlouis-Félicité estime que "chaque entreprise doit être capable de fixer le temps de travail qui lui permet de produire dans les conditions optimales, tout en respectant un plafond qui peut être défini au niveau national ou européen".

Frédéric  Monlouis-Félicité

Frédéric Monlouis-Félicité

Frédéric Monlouis-Félicité est délégué général de l'Institut de l'entreprise. Il a auparavant été consultant interne chez GE Capital (groupe General Electric) puis cadre chez un grand éditeur de logiciels européen. Il a débuté son parcours professionnel en tant qu’officier. Il est diplômé en relations internationales de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, titulaire d’un MBA de l’INSEAD et ancien auditeur de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN).

Voir la bio »

Atlantico : Jean-Marc Ayrault a, un peu malgré lui, relancé le débat autour du temps de travail. 12 ans après l'instauration de la loi sur les 35 heures, les entreprises se reconnaissent-elles encore dans ce débat ?

Frédéric Monlouis-Félicité : Après une période de désorganisation liée à la mise en place des 35h, les entreprises ont pour la plupart réussi à absorber le choc. Ce n'était pas du tout évident, avec une augmentation brutale de 10% du coût du travail, de façon uniforme et sans concertation préalable. Des réorganisations de processus et des gains de productivité ont permis de faire face, avec davantage de facilité dans les grands groupes à la différence des PME ou TPE. 

Où se situe l'enjeu principal pour elles aujourd'hui ?

La question n'est pas tant celle des 35 heures que de la possibilité, pour chaque entreprise, de négocier entre représentants des salariés et direction le temps de travail en fonction de la spécificité de sa situation. Vous ne pouvez pas imposer le même cadre horaire à une PME qui fait de la sous-traitance automobile, sur un marché qui connaît de fortes réductions de capacités, et qui sera plutôt heureuse de rester aux 35 heures ou moins, et à une société dans les services informatiques qui connaît une expansion rapide et a plutôt besoin d'établir une "norme" à  40 heures que 35 heures. Comme dans l'habillement, la taille unique ne marche pas: chaque entreprise doit être capable de fixer le temps de travail qui lui permet de produire dans les conditions optimales, tout en respectant un plafond qui peut être défini au niveau national ou européen.

Le "choc de compétitivité" (lien : http://www.debateco.fr/actualite/121022-choc-competitivite-gallois) que l'Institut de l'entreprise appelle de ses vœux passe notamment par une plus grande flexibilité et une plus grande autonomie du dialogue social. Quelles solutions seraient, dans cette optique, à privilégier ?

Notre constat est clair: le système français est bloqué et génère du chômage de masse. Le coût du travail est largement un coût fixe pour les entreprises : elles n'ont aucune souplesse en matière de durée du travail, ni de salaires, qui ne peuvent que monter, jamais baisser. La seule marge de manœuvre consiste à ne plus embaucher, et au pire, quand tout va mal, à licencier. Il y a donc une "double peine": un coût économique pour les entreprises car nos concurrents internationaux sont bien plus souples et rapides que nous sur l'ajustement de leurs coûts salariaux; un coût social car ce sont les salariés en CDD ou intérim qui subissent les ajustements. En cas de difficulté économique, les entreprises doivent pouvoir ajuster à la baisse la durée du travail et les salaires, avec une clause de retour à meilleure fortune quand la situation le permettra. Ce dispositif, qui existe en Allemagne, permet de conserver les salariés dans l'entreprise au lieu de licencier, avec un recours massif et très encadré au chômage partiel, ce qui autorise une reprise bien plus rapide quand la croissance redémarre puisque l'entreprise ne perd pas de temps à recruter et former de nouveaux salariés. C'est aussi bien plus juste socialement.

Il faut aussi flexibiliser le marché du travail, c'est-à-dire faciliter l'entrée et la sortie  de l'entreprise: il est difficile de prendre une décision d'embauche parce qu'il est compliqué de licencier si on s'est trompé. La contrepartie doit être un engagement massif des entreprises en faveur de la formation et de la qualification des salariés, ce qu'on appelle "l'employabilité", et qui permet à l'employé licencié d'avoir l'assurance que ses compétences seront rapidement utilisables par une autre entreprise. Ce système fonctionne très bien dans les pays scandinaves, faisons-le enfin !

Il est temps de mettre fin à ce que certains ont appelé "la préférence française pour le chômage". Ce dispositif fonctionne si et seulement si le dialogue social est de qualité. Cela implique que l'Etat fasse vraiment confiance aux partenaires sociaux, au plus près du terrain, et soit le garant d'un "pacte social de compétitivité" d'un nouveau genre : cela ne coûte pas un euro aux finances publiques, et constitue un puissant facteur de compétitivité.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !