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Denis Baupin : Pourquoi n'avoir rien dit ? Un avis venu de l'intérieur d'EELV
©Reuters

Omerta

Alors que l'écologiste Denis Baupin défraie actuellement la chronique sur fond de harcèlement sexuel, les langues se délient peu à peu suite à cette affaire.

Marie-Amélie Dutrey

Marie-Amélie Dutrey

Marie-Amélie Dutrey est ancienne assistante parlementaire et adhérente au Parti socialiste. Militante associative et fonctionnaire territoriale, elle est aussi aujourd'hui conseillère fédérale à EELV. Signataire du "Manifeste des 343 fraudeuses" en faveur en particulier de la PMA pour tous, elle s'intéresse aux questions des libertés individuelles, de la sexualité, des rapports de pouvoir.

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Adhérente EELV, membre de son Conseil national et du groupe local Paris 14ème - circonscription de Denis Baupin - j’ai très rapidement eu l’occasion d’entendre les "bruits" qui couraient concernant Denis et de connaître sa réputation "d'insistance" auprès de certaines femmes. A deux reprises directement de la bouche de celles qui dénoncent aujourd’hui, et plusieurs fois de façons indirectes et moins précises.

Comme je croisais régulièrement Denis, on avait répondu à mes inquiétudes par "toi tu ne crains rien, tu es la sœur de X et puis tu dois pas être son genre" (mon frère était alors élu EELV parisien). Plus tard, Denis notoirement "casé" (Ndlr : Denis Baupin vit avec l’actuelle ministre du Logement, Emanuelle Cosse), j’ai entendu d’autres remarques avec des analyses différentes : "il n’osera plus maintenant" ou "il n'a plus besoin" ou encore "s’il continue et qu’elle l’apprend, ça va être terrible". Fallait-il comprendre, en forçant un peu le trait : "il a de quoi à la maison, ça le calme" ou "il est en main, elle veille au grain" ou encore "il faut que ça se sache encore moins qu’avant, sinon le parti explose" ? Nausée. Interrogations.

Les menaces et les avertissements ne sont pas l’apanage d’Europe Ecologie Les Verts. Ancienne militante PS, on m’avait rue de Solférino avertie qu’il convenait de "ne pas se trouver seule en présence de DSK", mais comme j'étais collaboratrice parlementaire, cela pouvait me protéger… En tant que fonctionnaire dans une collectivité territoriale, j’ai aussi été prévenue : "évite de rester seule avec Y. Au pire laisse la porte ouverte… Mais bon comme tu connais du monde au cabinet c'est moins risqué"… Inquiétante impression de ne devoir mon "salut" qu’à mes petits seins (!!!) et surtout à mes relations.

On a toujours une bonne raison pour ne rien dire. Et, comme les autres, je n’ai pas particulièrement réagi concernant le "cas Denis Baupin". Il y a eu la volonté de respecter la décision des victimes qui n’avaient pas porté plainte à ma connaissance, la peur de créer un tsunami en dénonçant publiquement - lors d'un conseil national ou, pire, sur des listes de discussions avec les risques de transfert à la presse -, la prudence - présomption d’innocence oblige…

Le pire, c’est qu’au final, quelles que soient les éventuelles suites judiciaires, les conséquences politiques et les envolées des mouvements féministes, pour certains à la dérive de la démocratie, il ne restera sans doute pas grand-chose de tout cela. Il ne se passera peut être rien "après".

Il y aura hélas toujours, dans les partis et dans les institutions, des individus qui dérapent, qui font mal, qui trichent ou qui profitent. Mais s’ils peuvent agir, c’est au prétexte que "tu comprends, ce n'est pas le moment" ou "tu comprends, c'est un type brillant". Et c'est ce qui s'est joué chez les Verts. Et ce qui se joue ailleurs. Le vrai problème n'est pas "eux", mais "nous". Sans "nous", "eux" ne seraient plus rien.

Le communiqué de presse publié par EELV, sans être scandaleux, est édifiant. Il salue le courage des "militantes qui ont brisé la loi du silence" Mais quelle loi du silence ? La nôtre.

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