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Démantèlement du réseau des attentats de Paris et Bruxelles : les prochains Salah Abdeslam et Mohamed Abrini sont-ils déjà présents en Europe ?
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Relève de l'Etat islamique

Depuis quelques semaines, les arrestations relatives aux individus impliqués directement dans les attentats de Paris et de Bruxelles se multiplient, laissant espérer un démantèlement intégral de ce réseau. Pour autant, la menace terroriste en Europe reste extrêmement élevée, avec la possibilité de voir un nouveau réseau affilié à Daesh se constituer, ou bien d'autres groupes perpétrer des attaques.

Arnaud Blin

Arnaud Blin

Arnaud Blin est politologue, spécialisé dans l'étude des conflits et plus spécifiquement du terrorisme. Il est président de Modus Operandi et Monde Pluriel.

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Atlantico : Ce vendredi, deux nouveaux individus directement impliqués dans les attentats de Paris et Bruxelles, dont Mohamed Abrini, ont été arrêtés par la police belge. Cette dernière s'est réjouie de cette nouvelle. Cette vague d'arrestations (dont celle de Salah Abdeslam) pourrait-elle effectivement marquer un coup d'arrêt à la vague terroriste sur le continent européen ? 

Arnaud BlinJe ne pense pas qu'on puisse parler de coup d'arrêt perpétuel. La question à se poser est de savoir jusqu'à quel point ce réseau particulier est démantelé entièrement : reste-t-il d'autres membres ? Et si oui, combien ? A priori, j'ai l'impression que ce réseau est en voie de démantèlement intégral. Dans le cas où il resterait des membres, ceux-ci sont dans une situation très précaire. C'est pour cela qu'ils ont commis les attentats de Bruxelles d'ailleurs, et non pas en France comme ils le désiraient, dans une certaine précipitation résultant de la précarité de leur situation. 

Ce qui est important dans cette affaire, et qu'il ne faut pas oublier, c'est que ces individus sont associés à Daesh, soit un mouvement territorialisé, capable de soutenir ces groupuscules, de leur donner des directives, ou tout du moins d'avoir connaissance de leurs objectifs et de leur stratégie. Nous sommes donc dans un cas de figure totalement différent de ce que nous avons pu connaître, par exemple, dans les années 1970, avec des groupuscules comme Action directe qui étaient auto-contenus ; ainsi, une fois que l'on démantelait, le réseau, l'histoire était terminée.

Je doute que Daesh ait plusieurs réseaux en Europe, préférant en développer un seul, mais qui soit efficace et opérationnel. Face aux récents évènements, peut-être est-il possible que l'organisation ait commencé la mise en place d'un nouveau réseau européen. Pour cette raison, on ne peut pas dire que la vague terroriste actuelle va s'arrêter en Europe du fait de ces arrestations. 

Face à la réjouissance provoquée par ces arrestations parmi les forces de police européennes (notamment belges), n'y a-t-il pas le risque d'un certain "relâchement" dans l'effort de lutte contre le terrorisme ? Quelle attitude les forces de police européennes (françaises et belges principalement) vont-elles le plus probablement adopter dans les jours et semaines à venir ? 

Elles ont raison de se réjouir. Néanmoins, la question légitime que nous sommes en droit de nous poser est de savoir si elles n'auraient pas pu les arrêter avant que ces attentats aient eu lieu. Il convient de préciser qu'il existe d'importantes différences entre les services de police européens. De ce côté-là, je ne suis pas sûr que les services belges aient fait tout ce qu'il fallait pour prévenir les attentats de Bruxelles. Il s'agissait du même réseau que celui qui avait opéré en France. A partir du moment où vous avez un doigt sur le réseau, tout doit être mis en œuvre en vue de son démantèlement et je ne suis pas sûr que cela ait été le cas. Sans doute est-ce parce que justement la police belge se rapprochait du cœur du réseau que celui-ci a commis les attentats de Bruxelles. Il y a plusieurs interprétations possibles des évènements.

Ce qui est sûr, c'est qu'une meilleure coordination entre les différents services de police européens doit être réalisée, même si beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine depuis 2001.

Il convient tout de même de valoriser quelque peu ces arrestations, aussi bien pour le public que pour les services concernés. En aucune façon bien-sûr, il faudrait que ces services se relâchent. Au contraire, il convient d'accroître la pression sur le reste du réseau au regard de leur situation très précaire. On ne doit pas leur laisser le temps de réagir, de se réorganiser ou de s'enfuir. 

Quelques jours à peine après l'arrestation de Salah Abdeslam avaient lieu les attentats de Bruxelles. Doit-on y voir un lien ? Pourrait-on craindre que cela se reproduise dans les jours à venir suite aux arrestations de vendredi ? 

Il y a eu effectivement un lien entre cette arrestation et les attentats de Bruxelles. Ce qui est sûr, c'est qu'une attaque était prévue. D'après les informations réunies à ce jour, ils avaient prévu à nouveau une opération à Paris mais qu'ils n'ont pas pu mener. Ceci explique donc qu'ils aient commis les attentats de Bruxelles ; en effet, il était plus simple de planifier des attaques directement dans leur ville.

La situation aujourd'hui est différente de celle au moment de l'arrestation de Salah Abdeslam car nous sommes allés encore plus loin dans le cœur du réseau. Personnellement, je doute fort qu'ils puissent organiser une attaque dans les jours qui viennent. Mais on ne sait jamais, comme en témoignent les attentats de Bruxelles.

Cela étant, des attaques peuvent être perpétrées par d'autres groupes, y compris ceux qui ne sont pas affiliés à Daesh, comme Al-Qaïda, qui pourraient se sentir dans l'obligation de commettre des attentats. Il faut insister sur le fait que le terrorisme a un effet de mimétisme important. Ainsi, quand un groupe commet des attentats, cela donne souvent des idées à d'autres groupes, qu'ils soient ou non affiliés. Ce phénomène de mimétisme lié au terrorisme a été particulièrement observable à travers la vague d'attentats anarchistes du XIXème siècle. Si l'on ajoute à cela le phénomène de compétition entre ces différents groupes, notamment entre Daesh et Al-Qaïda, le risque de voir se produire de nouvelles attaques prochainement en Europe est à prendre au sérieux. Pour résumer, je serai étonné que le réseau lié aux attentats de Paris et de Bruxelles commette une nouvelle attaque ; en revanche, je le serai moins si d'autres groupuscules commettaient des attentats ailleurs en Europe qu'en France ou en Belgique. Aux Etats-Unis, c'est plus compliqué car il s'agit le plus souvent de groupuscules auto-organisés, sans grands moyens. Ceci dit, les attentats de San Bernardino montrent que cela peut se produire partout dans le monde. 

Le fait que Salah Abdeslam ou Mohamed Abrini aient pu échapper aux polices européennes pendant ces cinq mois, aidés par tout un nombre de complices, ne doit-il pas inquiéter les autorités quant à l'étendue du réseau impliqué dans les attentats de Paris et Bruxelles ? Dans quelle mesure l'Europe doit-elle craindre de nouvelles attaques terroristes sur son sol ?

Il faut tout d'abord prendre la mesure du nombre d'individus dont il est question. Ce qui est sûr, c'est que nous ne faisons pas face à un réseau composé d'une centaine d'individus. On se rapproche davantage de l'ordre de la dizaine. Vous trouverez toujours un certain nombre d'individus qui va se laisser tenter par l'aventure. C'est en cela que la situation est inquiétante car des groupes comme Daesh trouveront toujours suffisamment d'individus pour commettre des attentats. Il est rare, en général, que les individus impliqués dans des actes de terrorisme n'aient pas été confrontés à un moment ou à un autre à la police. Tout le travail consiste à voir dans quelle mesure ce profil d'individu pourrait être impliqué dans des attentats terroristes à l'avenir. Il s'agit là d'une tâche compliquée car lorsque vous avez affaire qu'à des petits criminels, il est difficile de déterminer ce qui fait passer du banditisme au terrorisme.

Les progrès en matière informatique aident néanmoins à ce travail de police, même si le démantèlement relève plutôt du travail "humain". Cela nécessite donc un personnel important ; or, souvent, les effectifs sont réduits pour effectuer la surveillance. Ce qui rend la tâche compliquée, c'est l'ouverture de l'Europe, mais également le fait que ce qui constitue les appareils de sécurité du continent restent des appareils étatiques, et donc fermés. Or, tout ce qui concerne la surveillance et le renseignement relève de la fermeture justement et de la retenue d'informations. On pourrait donc résumer la situation ainsi : d'un côté, vous avez des terroristes qui circulent dans un territoire ouvert, sans frontières ; et de l'autre, des services de police et de renseignement fermés. 

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