Déconfinement : plan de relance et de soutien, le gouvernement obligé de repartir à zéro<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Castex plan de relance France crise économique covid-19 coronavirus
Jean Castex plan de relance France crise économique covid-19 coronavirus
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

La deuxième vague de l'épidémie, l'aggravation de la situation sociale et la montée de l’incompréhension obligent aujourd'hui le gouvernement à reprendre tout à zéro, sur le rythme du déconfinement, sur le plan de soutien et de relance économique et cela dans le cadre d’une cohérence qu'il a du mal à définir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président de la République et le Premier ministre ont peut-être enfin compris qu’il leur fallait fixer un horizon avec un chemin cohérent pour gérer la sortie de crise. La deuxième vague de l’épidémie les a pris de court. Ils n’y croyaient pas. Pour la première fois, le Premier ministre a reconnu qu‘il avait fait des erreurs lors du premier déconfinement et qu’il avait tiré les leçons.  Du côté de Bercy, Bruno le Maire, qui a défendu bec et ongles les moyens pour préserver l’équilibre économique a repris sa copie sur la faisabilité de plans de soutien et de relance. Son problème étant de combiner des obligations assez contradictoires, éviter un effondrement total de certains secteurs très abîmés, accompagner la mutation du système qui s’est accélérée face aux menaces de la Covid et enfin, faire en sorte que tout cela soit finançable sans pénaliser toute une génération. L’exercice est compliqué voire impossible, d’autant que l’appui de la solidarité européenne est en train de craquer.

Tout se passe comme si le gouvernement et le président de la République avaient décidé de tout remettre à plat dans une perspective de convalescence qui durera longtemps. 

Il semblerait que la mise en place de la stratégie s’appuie sur trois idées fortes.

La première est de ne pas croire que l’épidémie va s’arrêter à la fin d’une saison comme on l’avait pensé au printemps de l’année. Le virus va encore roder très longtemps jusqu’au moment où on aura non seulement découvert des vaccins qui marchent mais aussi qu’on aura vacciné la totalité de la population mondiale. Parce que tant qu’il restera des foyers contaminés ou exposés, la menace perdurera.

La deuxième idée est de convaincre les opinions publiques que le virus a servi de catalyseur à des grands changements qui étaient latents et qui vont devenir évidents et s’imposer à tous : la digitalisation, la réindustrialisation partielle pour éviter les ruptures, la transition écologique et surtout énergétique.

La troisième idée est issue du constat que l’Etat ne peut pas tout faire. L’Etat français a malheureusement montré ses défaillances, ses lourdeurs et son incapacité à faire face aux nécessités du changement. Il va falloir que les opinions publiques acceptent que l’Etat se replie sur ses fonctions régaliennes de la justice, de la police, de la défense nationale et de la sécurité et de l’ordre public. Et dans l’ordre public, il faudra veiller à la répartition des revenus et des richesses sans mettre en place des dispositifs fiscaux ou autres qui asphyxient les initiatives créatrices de richesses. L’Etat n’a pas besoin de posséder tous les instruments de la santé ou de l’éducation, il n’a pas besoin d’être propriétaire ou gérant de grandes entreprises, il lui suffit de mettre en place des régulations et des contre-pouvoirs puissants. Il est trop tard ou trop tôt pour instruire le procès de l’administration française mais il faudra tirer les leçons de tous les dysfonctionnements et aller au-delà du diagnostic actuel, à savoir que nos administrations sont loin d’être les meilleures du monde alors qu’elles sont parmi les plus chères.

Ces trois idées de base vont évidemment générer un programme d’actions relativement précises et concrètes :

Sur la lutte contre l’épidémie, il n’y aura pas de déconfinement rapide comme en mai et juin où on a prouvé que la machine économique pouvait se réveiller très vite, rattraper son retard mais aussi offrir au virus des pistes et des autoroutes pour repartir de plus belle, ce qui s’est passé. Le prochain déconfinement sera donc progressif en desserrant les restrictions au niveau de certaines activités ( transport public, commerce de détail... ) mais on maintiendra des freins à la vie sociale et ludique par un couvre-feu ou des interdictions de réunion tant que la prise de conscience collective ne sera pas suffisante pour exercer cette responsabilité. Ce confinement partiel et appliqué plus à la sphère privée et familiale que professionnelle serait durable, au moins pendant tout le premier semestre de l’année prochaine et sans doute après. On ne revivra sans doute pas de sitôt les grandes fêtes les grands rassemblements populaires et même ces grandes réunions de familles ou d’amis.

L’idée est d’empêcher le virus de circuler (peu de relations personnelles ou familiales)  mais de libérer les activités économiques. La question est de savoir si l’opinion acceptera d’assumer ce qui est, pour l’instant facteur de frustration et de déprime mais qui pourrait constituer la base d’un nouveau mode de vie.

Sur les plans de soutien et de relance, il va donc là aussi revoir à la hausse toutes les copies. D’abord les plans de soutien à l’économie vont devoir être regonflés et prolongés notamment celui qui avait été présenté en avril lors du premier confinement et qui coute plus de 450 milliards. Il va falloir prolonger les aides aux chômages et à l’inactivité  (pour tous ceux qui ne sont pas salariés) et les prestations, mais en plus il va falloir venir soutenir les loyers. Les commerçants sont coincés par les loyers mais les particuliers aussi.  Donc il va falloir négocier avec les bailleurs et là encore, accepter d’offrir aux bailleurs des crédit d’impôts pour dédommager.

Enfin, il va falloir réviser le plan de relance de 100 milliards parce qu’il faudra venir en aide aux entreprises en difficultés. Le plan de relance ne sera pas seulement composé d’investissement en réindustrialisation, en digital et en transition écologique mais il faudra aussi envisager des investissements de reconversion pour les secteurs très abîmés. Dans le tourisme, l’hôtellerie, les transports aériens, il faudra sans doute imaginer des modèles de fonctionnement très différents parce que les habitudes de vie et de consommation auront durablement changé. Dans l’immobilier, il faudra forcément s’adapter au changement.  Un quartier comme celui de La Défense où travaillaient près de 2 millions de salariés et commerçants va devoir, avec le développement du télétravail, imaginer une reconversion. Les tours de la Défense sont vides, elles ne retrouveront pas leurs niveaux de remplissage d’antan.

La révision globale des plans de soutien à l’économie et de relance pour l’année prochaine va devoir aussi tenir compte d’une Europe qui risque de ne pas se montrer très solidaire. Le projet proposé par la France et l’Allemagne de mutualiser les dettes a du mal à trouver sa finalité. Il aurait fallu qu’il soit adoubé par tous les pays membres de l’Union européenne; or on sait déjà que la Hongrie ou la Pologne vont s‘y opposer.

Reste la question que personne n’ose plus poser est celle du financement de tout cela. Dans un premier temps, Bercy avait une équation qui combinait la capacité d’emprunt de la France, la mutualisation européenne des dettes et la reprise de croissance en 2021.  Les prévisions de croissance pour 2021, qui étaient de 9% environ, ce qui aurait permis un début de rattrapage, viennent d’être abaissées à 6%.  La mutualisation des dettes est très compromise. Il reste la capacité d’endettement de la France. Elle est importante d’autant que la dette ne coute pas cher sauf qu’il faudra rembourser, à moins qu’une négociation avec la banque centrale intervienne et efface une partie de cette dette. Pour l’instant, c’est mal engagé parce qu’il faudrait l’accord de tous. Le résultat, c’est qu’en attendant il faudra donc encore s’endetter. On peut très bien le faire auprès des Français qui ont beaucoup d’épargne, mais les Français savent bien qu’un jour ou l’autre, les déficits qui débordent doivent être épongés par l’impôt. 

On a eu la crise sanitaire, on a une crise économique et sociale, on va donc tout droit vers une crise de la dette.

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