Décapitation à domicile : pourquoi l’exécution projetée par des djihadistes en Australie devrait aussi nous inquiéter <!-- --> | Atlantico.fr
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800 policiers et membres des services secrets ont arrêté 15 terroristes présumés à Sydney.
800 policiers et membres des services secrets ont arrêté 15 terroristes présumés à Sydney.
©Reuters

Et ce n'est que le début

La police et les services secrets australiens ont arrêté 15 terroristes présumés ce jeudi 18 septembre à Sydney. Ils auraient prévu d'enlever quelqu'un au hasard dans la rue, de l'enrouler dans le drapeau de l'État islamique et de le décapiter, pour ensuite poster la vidéo sur Internet.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Ce jeudi 18 septembre, 800 policiers et membres des services secrets ont arrêté 15 terroristes présumés à Sydney. Ces derniers pourraient avoir projeté d'enlever quelqu'un au hasard dans la rue, de l'enrouler dans le drapeau de l'État islamique et de le décapiter, pour ensuite poster la vidéo sur Internet. Une entreprise de ce type aurait-elle des chances d'aboutir concrètement ?

Frédéric Encel : Hélas la réponse est oui. D'une part car il y a aujourd'hui dans quantité de pays, dont l'Australie, suffisamment de fanatiques islamistes pour vouloir imiter in situ leurs congénères de l'Etat islamique, d'autre part parce que cela ne demande que des moyens dérisoires. Les services de police australiens ont bien fait de frapper fort car il existe un risque de hantise, de panique au sein de la population en cas de passage à l'acte.
Alain Rodier : Il y a assez de malades mentaux sur le territoire français pour réaliser une telle action terroriste. Les décapitations d'otages diffusées sur la toile, si elles ont horrifié la grande majorité des Français, ont malheureusement trouvé l'adhésion de quelques individus remplis de haine. Donc, rien n'est impossible.

Le califat islamique est-il aujourd'hui organisé en conséquence ? Que sait-on de ses relais et de moyens dans les pays occidentaux et notamment en Europe ?

Frédéric Encel : Pour l'heure, l'Etat islamique n'a pas pu encore développer tous les réseaux qu'il aurait souhaité ; il a plutôt attiré à lui des milliers de volontaires qu'il n'en a envoyé en missionnaires. Rappelons que les djihadistes sont tout de même en guerre et qu'ils doivent défendre leurs conquêtes, surtout à la veille de puissantes frappes aériennes occidentales. Mais sans doute va-t-il chercher le moyen de terroriser via autre chose que les seules images barbares d'égorgement dans le désert irakien.

Alain Rodier : Non. Daesh a assez à faire en Irak et en Syrie avant d'être apte à envoyer des "commandos" en Occident. Mais, les appels à la haine sont nombreux, et pas seulement émanants de Daesh mais aussi d'autres mouvements. Par exemple, il y a Al-Nosra que l'on a trop tendance à classer désormais dans les islamistes radicaux "fréquentables" car il s'oppose sur le terrain à l'EI (pas toujours d'ailleurs). Il faut se rappeler que c'est la branche d'Al-Qaida "canal historique" en Syrie. Leur objectif final est le même. L'établissement d'un califat mondial. Leurs ennemis sont communs, les juifs, les croisés et les apostats (chiites et sunnites qui ne sont pas dans leur ligne idéologique et tous les dirigeants musulmans consdérés comme des traîtres à la cause).

Que peut-on contre ce genre d'attaques ?

Frédéric Encel : Pas grand-chose si les assassins sont un peu malins. Je veux dire que n'importe qui - individu ou petit groupe discret et déterminé - peut s'emparer d'un quidam et le charcuter en pleine rue. C'est bien en amont que les services de renseignement doivent appréhender les terroristes potentiels. Or, problème tout autant que gloire des démocraties : ces dernières ne peuvent user des mêmes moyens et outils que ceux qui la haïssent. On doit contrôler et éventuellement appréhender voire embastiller, mais dans des cadres légaux très stricts. 

Alain Rodier :Renseignement, renseignement et encore renseignement. Ensuite, des contrôles sécuritaires (qui ont permis l'arrestation de Nemmouche). 

En quoi une telle information, quand bien même elle resterait largement fantaisiste aujourd'hui, est-elle partie intégrante de la stratégie de l'Etat islamique en contribuant à alimenter un climat de terreur ? Quelles conséquences peut-on craindre ?

Alain Rodier : L'EI est parti dans une fuite en avant. Le problème réside dans le fait que cette organisation rencontre l'adhésion de nombeuses personnes qui se sentent aujourd'hui révoltées. Ce sont ces "loups solitaires" qui représentent le risque immédiat. Ils sont difficilement décelables car pas forcément identifiés par les services de police.

Comment y répondre au mieux pour éviter que les populations cèdent à la panique ?

Frédéric Encel : Justement, par le renforcement des moyens législatifs et policiers que vient de décider la France. On ne doit céder ni à l'amalgame anti démocratique, ni à la complaisance. La victoire contre la terreur djihadiste est à ce prix.

Alain RodierPar la condamnation des agissements de l'EI par les autorités religieuses musulmanes, ce qui a été fait en Arabie saoudite, en Egypte et au Qatar. Cet appui moral qui doit descendre jusqu'à la "base", permet de déligitimer toute action terroriste de ce type.

Ensuite, la panique doit être évitée par des actions des forces de sécurité et par les medias. Qui a entendu parler de ce tueur américain qui a assassiné plusieurs personnes aux Etats-Unis en août pour des convictions religieuses personnelles ? N'avoir pas monté l'information en mayonnaise a permis de le déligitimer. Il est au même niveau que les tueurs des écoles qui sont classés comme des dérangés psychiatriques. Ces aspirants terroristes ne rêvent que d'une chose: faire la "une" des medias pour les sortir de leur anomymat. Qu'ils y restent et la motivation des suivants baissera d'un cran.

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