De nouvelles données indiquent que les glaciers de la planète fondraient à une vitesse plus importante que ce qu’on imaginait <!-- --> | Atlantico.fr
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Des alpinistes marchent le long du glacier de Khumbu près du camp de base de l'Everest dans la région du mont Everest du district de Solukhumbu.
Des alpinistes marchent le long du glacier de Khumbu près du camp de base de l'Everest dans la région du mont Everest du district de Solukhumbu.
©PRAKASH MATHEMA / AFP

Impact du réchauffement climatique

Trois études de l’Université d'Ottawa, de l’Université de Grenoble et de l’Université du Maine ont permis de cartographier le volume des glaciers et d'étudier la fonte liée au réchauffement climatique. 

Gerhard Krinner

Gerhard Krinner

Spécialiste du climat des régions polairesnotamment du bilan de masse des calottes de glace et des processus de surface, Gerhard Krinner est directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE) et membre du bureau de la section "Système Terre : enveloppes superficielles" du comité national de la recherche scientifique. 

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Atlantico : Trois nouvelles études se sont intéressées à la fonte des glaciers dans les montagnes à travers la planète. Quels sont les principaux enseignements de ces travaux ? Les glaciers ont-ils tendance à diminuer plus rapidement qu'on ne le pensait ?

Gerhard Krinner : La première étude de Romain Millan, Jérémie Mouginot, Antoine Rabatel et Mathieu Morlighem de l’Université de Grenoble (« Ice velocity and thickness of the world’s glaciers ») est la plus significative. Elle applique une nouvelle méthode pour évaluer le volume des glaciers à l’échelle de la planète.

L’autre étude, de William Kochtitzky et Luke Copland, s’intéresse particulièrement à l’hémisphère Nord et à une spécificité des glaciers.

Une petite partie des glaciers à l’échelle de la planète, particulièrement dans les régions polaires, descendent jusqu'au niveau de la mer. L'étude a montré que les glaciers avec la plus grande perte de surface se terminent par des plates-formes de glace ou des langues de glace.

La troisième étude s’intéresse à l’Everest et est très localisée.

Les études n’ont donc pas les mêmes échelles. Les deux premières études ne s’intéressent pas directement à la temporalité de la fonte des glaciers mais en réalité au volume des glaciers. Mais on ne voit pas l’épaisseur. Ces estimations de l’épaisseur ont été faites au niveau global en 2019 dans une étude. 

Les travaux de Romain Millan et de ses co-auteurs permettent eux de réévaluer cette estimation de consensus du volume des glaciers global. Ils arrivent dans cette nouvelle étude à une estimation d’un volume global restant des glaciers qui est de 20% plus faible. Une partie de cette diminution vient du fait d’un artifice comptable. Quand on a des glaciers, on peut parler des calottes de glace au Groenland, en Antarctique et on peut parler des glaciers des montagnes. Il existe des catégories intermédiaires. Il y a des glaciers qui sont au bord des calottes de glace. Ce qui a été fait dans cette étude récente, c’est qu’un certain nombre de glaciers qui étaient classiquement comptés comme un glacier indépendant ou n’appartenant pas au Groenland ont été affilié à l’Antarctique.  

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Cette nouvelle étude de Romain Millan et ses collègues permet de mieux connaître les volumes régionaux surtout. Ils précisent notamment qu’en Asie, dans l’Himalaya, il y a 30% de glace en plus que ce qui était estimé avant. En revanche, en Amérique du Sud, contrairement aux précédentes données, le volume est beaucoup plus faible que ce que l’on imaginait. L’étude permet donc de savoir les volumes restants mais n’apporte pas d’éléments sur la vitesse de fonte. On sait que si le changement climatique continue, les glaciers dans l’Himalaya, dans les Andes vont continuer à fondre et beaucoup d'entre eux vont disparaître peu à peu. Certains resteront pour longtemps.

Dans certaines régions, la fonte des glaciers est une ressource d'eau potable. Un surplus d’eau arrive avec la fonte. Cela va se tarir lorsque les glaciers vont commencer à disparaître. Ce moment où le volume d’eau disponible va chuter, vu qu’il y aura moins de glace disponible en Amérique du Sud, ce moment-là va arriver plus tôt.

En Asie, cela arrivera plus tard puisque les réserves sont plus conséquentes.

Quelles sont les principales causes de ce phénomène, de la perte du volume des glaciers ? Quel est l’état de la connaissance scientifique sur la vitesse de la fonte des glaciers ? Assistons-nous à une accélération au regard de ces travaux ?

Ce n’est pas un phénomène récent. Ces études permettent de dresser un constat et de mieux cerner les volumes des glaciers. L’étude ne dit pas que c’est de la masse qui a été perdue récemment. Cela est lié en réalité au fait que l’on connaissait mal la réalité des glaciers. On connaissait mal l’épaisseur. Ils ont effectué une cartographie de la quantité et du volume qu’il y a. Ils ne précisent pas si cela a été perdu récemment et sur quelle temporalité. Ils contribuent en revanche à une meilleure estimation du volume des glaciers surtout au niveau régional.

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Une grande partie de la perte de masse est dûe au réchauffement climatique. Le recul des glaciers, comme l’a dit le dernier rapport du GIEC publié au mois d’août et auquel j’ai participé, est vraiment exceptionnel au vu de ce qu’il y avait pendant les 2.000 dernières années.

Aujourd’hui, presque tous les glaciers du monde reculent. Dans le passé, les glaciers ont toujours avancé ou reculé dans un phénomène de balancier. Les variations étaient locales, régionales et finissaient par s’équilibrer. Aujourd’hui, le recul est global. Quand on fait la fraction des glaciers qui avancent ou qui reculent, aujourd’hui quasi tous reculent alors que ce n’était pas le cas dans le passé. C’est cela qui est exceptionnel. C’est très fortement lié au réchauffement climatique.

Dans l’étude menée par les Américains sur l’Everest, ils ont étudié ce qu’il se passait à très haute altitude. Ils sont allés à 8.000 mètres d’altitude et ont effectué des mesures.  A cette hauteur, les glaciers ne fondent pas. Il fait trop froid. Par contre, les conditions météorologiques se sont réchauffées là-haut aussi avec le temps. Quand l’atmosphère est plus chaude, elle peut contenir plus d’humidité. L’air est très sec à cette attitude-là. Il s’est réchauffé. Le phénomène de sublimation intervient alors. La glace ne fond pas. Elle passe directement de l’état congelé à l’état gazeux parce que l’air est très sec et froid.      

L’eau stockée dans les montagnes a-t-elle tendance à diminuer à cause de la multiplication des épisodes de sécheresse ?

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La disparition de la masse de glace dans les Alpes est clairement liée à de la fonte en été. Des phénomènes comme celui dont parlent les Américains à l’Everest sont très exceptionnels et ils concernent des glaciers qui sont à très haute altitude et dans des climats extrêmement secs. Cela peut être le cas en Amérique du Sud. Certains glaciers sont dans des régions très sèches, au-dessus des Andes, au-dessus de l’Atacama. Là-bas, les variations du volume des glaciers d’une année à l’autre peuvent-être déterminées par des années plus sèches ou plus humides. 

Dans l’ensemble, sur le globe, le processus dominant sur la perte de masse des glaciers est très clairement lié au réchauffement climatique qui contribue à l’augmentation de la fonte. Les glaciers sont plus susceptibles de réagir à des sécheresses. Le processus explicatif dominant que l’on observe pour la diminution du volume des glaciers au niveau global est clairement le réchauffement climatique qui participe à l’augmentation de la fonte.   

Ce processus de fonte des glaces plus rapide est-il susceptible de générer des inondations et des glissements de terrain ?

Il y a eu encore récemment des glissements de terrain en Inde, et au Tibet. Ces glissements peuvent arriver naturellement, sans changement climatique. Il est plus difficile de dire s’il y a une  fréquence des glissements de terrain de glaciers entiers plus élevée. Les relevés d’observation sont plutôt rares dans ces régions. Une partie du glacier est collée à son lit rocheux parce qu’il est à des températures très froides, en-dessous de zéro degré. Quand il se réchauffe, le glacier peut se rapprocher et atteindre zéro degré. La glace se décolle alors plus facilement du lit rocheux. Avec le réchauffement climatique, on peut s’attendre à ce que cela devienne plus fréquent. On observe déjà dans les Alpes une recrudescence d’éboulements liée à la fonte du permafrost. 

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Faut-il réfléchir à des sources d’eau alternative pour certaines parties du globe qui dépendent des glaciers ?

La ressource en eau va être évaluée par le GIEC dans un nouveau rapport qui va bientôt être publié. Il y a trois groupes de travail au sein du GIEC : un sur le climat, un sur les impacts et l'adaptation, et un sur les mesures possibles d'atténuation. Il va y avoir la publication d’un rapport du rapport sur les impacts et l'adaptation dans deux semaines.

La ressource en eau est une question d’impact du changement climatique. A partir du moment où les ressources en eau diminuent, en Amérique du Sud surtout mais en Asie aussi où des populations sont dépendantes de ce volume d’eau qui provient des glaciers pendant les saisons sèches, chaudes, la disparition des glaciers sera une véritable catastrophe pour ces habitants. L’Aise et l’Amérique du Sud sont très exposées à ce risque. Cette situation pourra devenir problématique.    

Au regard de ces études qui permettent de mieux cartographier ce volume des glaciers, peut-on y voir des pistes intéressantes pour de futurs travaux ?

Ces études permettent de réévaluer le volume global et régional des glaciers. Elles permettent d’apporter de nouvelles précisions et d’affiner les données et de confirmer ou d’infirmer les précédents constats. Ces travaux permettent de constater que le moment critique pour la situation des ressources en eau en Amérique du Sud risque d’arriver plus tôt que prévu. En revanche, en Asie le mécanisme sera retardé. Ces travaux permettent d’enrichir et d’améliorer les connaissances scientifiques. Ce sont des exemples récents d'études à des échelles spatiales très différentes, du très local au global, et qu'il est important d'avoir ces "optiques" différentes, de les confronter.

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