Dans le maquis des transferts de l’OM : 740 comptes bancaires et plus d'une centaine de sociétés utilisées pour les commissions litigieuses<!-- --> | Atlantico.fr
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André-Pierre Gignac.
André-Pierre Gignac.
©Reuters

Mafiosa

L’affaire des transferts à l’OM d’André-Pierre Gignac et autres Souleymane Diawara ou Didier Drogba est gigantesque. 740 comptes bancaires vont être décortiqués, ainsi que les mouvements de fonds de plus de 100 sociétés. Un dossier explosif où apparait le milieu. Ce qui fait dire, sur écoutes téléphoniques, à l’un des protagonistes : "Moi, je n’ai pas envie de prendre une balle dans la tête".

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Soupçons de rétro-commissions lors du transfert de joueurs à l’Olympique de Marseille. Soupçons de triche lors d’un match de ligue 2 Nîmes-Caen l’année dernière. Depuis quelques jours, le monde du foot se trouve en ébullition. Pour un peu, on se croirait revenu, vingt ans en arrière, lors du fameux match truqué entre l’OM et Valenciennes. Une histoire restée dans les mémoires qui avait donné lieu à de nombreuses passes d’armes entre Bernard Tapie et le procureur d’alors de Valenciennes, Eric de Montgolfier.

Les transferts de Marseille. Depuis le 11 juillet 2011, dans le cadre d’une affaire de racket, les juges d’instruction Christophe Perruaux et Thierry Azema  enquêtent sur différents achats ou ventes de joueurs du club entre 2004 et 2010. Ils s’intéressent au transfert d’André-Paul Gignac arrivé à  Marseille en provenance de Toulouse en 2010 pour la somme de 18 millions d’euros… Et à celui de Souleymane Diawara débarquant de Bordeaux pour 6,5 millions d’euros.

Qui d’autre encore ? Le départ, cette fois de Samir Nasri en 2006 vers Arsenal (Grande-Bretagne) et celui de Didier Drogba en 2004 vers Chelsea…Là, on est dans le classique en matière de transfert. Sauf qu’ici et là, sont apparus quelques personnages, que l’on dit proches du milieu corso-marseillais et qui semblent s’être sucrés au passage, via  des circuits financiers compliqués.

C’est ainsi qu’Atlantico peut révéler que les deux juges ont commencé un gigantesque travail de fourmi pour mettre au  jour ces différents flux financiers qui portent sur plusieurs millions d’euros. Ce qui représente 740 comptes bancaires  à décortiquer et les bilans d’une centaine de sociétés, enchevêtrées les unes aux autres à analyser. Qu’on ne s’y trompe pas : ces comptes et sociétés ne sont pas des entités bidon. Simplement, les commissions ont vraisemblablement transité sur ces comptes pour atterrir sur les dites sociétés, dont certaines offshore… On évoque des virements en provenance du Qatar.

Pour l’heure, l’enquête a révélé un certain nombre d’anomalies dans lesquelles les trois présidents successifs de l’OM, Pape Diouf, Jean-Claude Dassier et Vincent Labrune n’ont pris aucune part… Aussi, leur interpellation, il y a une dizaine de jours, a –t-elle été un coup d’épée dans l’eau, assez mal interprétée, même chez les policiers chargés de l’enquête. Bref, le trio n’avait aucune raison de se retrouver en garde à vue. Avec beaucoup d’esprit, le pittoresque Pape Diouf a même raconté que c’est lui qui avait expliqué aux enquêteurs le fonctionnement de l’OM !

En revanche, du côté des agents de joueurs ou des intermédiaires non officiels, la suite des évènements ne devrait pas être un long fleuve tranquille. Les juges, par exemple, aimeraient savoir pour quelles raisons, lors du transfert de Gignac,  Christophe D’Amico a perçu 200 000 euros  sur les 1 200 000 euros reçus par l’agent officiel du joueur, Jean-Christophe Cano. Pour balayer tout soupçon, D’Amico, qui n’a pas de licence d’agent de joueur, déclare à l’ Equipe : « Le transfert de Gignac est transparent. J’ai été payé comme apporteur d’affaires par la société de Mike Morris [ un agent anglais basé à Monaco.] »

Pour quelles raisons encore, Jean-Luc Barresi, qui n’est pas l’agent officiel de Souleymane Diawara aurait-t-il touché une somme rondelette lors de l’arrivée de ce dernier en 2009, en provenance de Bordeaux ? La présence de Christophe D’Amico et de Jean-Luc Barresi intrigue enquêteurs et magistrats… Intrigue... Le mot est faible. Les confortent dans le fait que le milieu ne semble pas indifférent au milieu du foot. N’est-il pas en train de mettre la main dessus ?

Question qui n’est pas absurde lorsque l’on jette un coup d’œil sur les faux pas judicaires du duo. D ’Amico, ami de Gignac, a été condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis  dans une affaire de racket de boîtes de nuit des Bouches-du-Rhône. Quant à Jean-Luc Barresi, condamné, en mars dernier, en appel à trois ans de prison dont deux avec sursis pour extorsion de fonds,  il est l’aîné d’une famille qui a, ces dernières années, fait beaucoup parlé d’elle. L’un de ses frères, Bernard Barresi, après une cavale de 18 ans,  a été condamné le 2 avril 2014 par la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle à dix ans de réclusion criminelle pour sa participation, à l’attaque, en mars 1990, d’un fourgon blindé sur l’A 36 non loin de Mulhouse… (Acquitté en 2012 par la Cour d’assises du Bas-Rhin, il ne cesse d’affirmer être étranger à ce braquage). 

Barresi est apparu dans l’enquête du juge Charles Duchaine comme étant un proche d’Alexandre Guérini, le frère de Jean-Noël, sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Ultime question que se pose la justice :  Barresi et D’Amico travaillent-ils pour leur propre compte ? Sont-ils à eux-seuls une PME ? D’après ses investigations, les confidences qu’il a recueillies ici et là, la réponse est non. Les deux hommes seraient semble-t-il les  chevilles ouvrières du clan de Ange-Toussaint Federici, condamné en 2012, par la Cour d’assises du Var, à trente ans de réclusion criminelle pour l’assassinat, le 4 avril 2006,  de trois personnes au Bar des Marronniers à Marseille. On comprend mieux pourquoi règne sur cette affaire une atmosphère pesante. Où chacun  pense qu’il peut passer en un rien de temps ad patres. Témoin, l’angoisse de l’un des protagonistes, saisie grâce aux écoutes téléphoniques : «  Je n’ai pas envie de prendre une balle dans la tête... ».

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