Cynisme, naïveté, incompétence ou dérive autoritaire au gouvernement ? L’étrange tournure que prend le quinquennat<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Cynisme, naïveté, incompétence ou dérive autoritaire au gouvernement ? L’étrange tournure que prend le quinquennat
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Fragilité ?

En quelques mois, la République en Marche et Emmanuel Macron ont vu le tapis de la popularité se dérober sous leurs pieds de façon accélérée.

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot est membre des Orwéliens, essayiste, et est aussi le Directeur Général d'une grande école de commercel. Il est également chroniqueur sur C-News. Son huitième ouvrage,  La Populophobie, sort le 15 septembre 2020 aux éditions Plon.

Voir la bio »

Atlantico : Du manque de préparation, d'expérience ou de compétence politique, du cynisme parfois reproché au gouvernement, ou d'une certaine forme de naïveté, quel est le facteur clé qui explique le mieux la chute de popularité de Macron et de LaREM? 

Guillaume Bigot : Le seul responsable et le seul coupable est Macron. La roche tarpiénne est proche du capitole. Ce qui l’avait porté sur le pavois lors de l’élection présidentielle le précipite aujourd’hui par terre : son populisme à l’envers. Car le président a beau taper à bras raccourci sur le populisme, le flou artistique de son programme, son dégagisme violent et sa démagogie attrape tout (« en même temps ») portait en germe sa chute. Personne ne vole plus à son secours au sein d’une classe dirigeante qu’il a liquidée. 

Son assurance et son style jupeterien qui collaient à cette promesse de rupture se sont retournés contre lui. Son assurance est devenue de l’autoritarisme et son juperisme de l’arrogance.Macron himself était son meilleur atout. Il est devenu son pire ennemi. Il était l’as du système et est devenu son valet de pique.

A cet égard, le style, c’est l’homme. Après un état de grâce gaullien ou le personnage privé semblait  s’effacer pour mieux incarner l’intérêt supérieur de la nation et la majesté de l’Etat, patatras, le masque est tombé.Ce fut l’affaire Benalla avec la préférence accordée à un favori contre l’ordre public et contre la légalité. La déraison d’Etat mise au service de l’intérêt privée d’un copain, d’un coquin et d’une coterie.

Ce fut aussi le coup de grâce de la gender party de l’Élysée où, là encore, le bon plaisir de l’homme a pris le pas symboliquement sur le devoir du prince.
La taxe carbone et l’incroyable morgue et légèreté de ses propos à l’encontre de ses compatriotes (c’est tout de même le premier chef d’Etat moderne a insulter ses électeurs) sont alors devenus des confirmations de la préférence  macronienne pour le bon plaisir individuel, en général, et celui des plus fortunés en particulier. Le bon plaisir d’une minorité capable de faire plier l’intérêt général.
Le remboursement de la dette (détenue par des épargnants) imposé aux salariés, l’allègement fiscal du capital supporté par les plus modestes, l’adaptation à la mondialisation par la liquidation progressive du modèle français de solidarité sociale ; la privatisation des services publics ; l’approfondissement de la construction européenne, la poursuite d’une immigration à bas bruit : tous les fondamentaux du Macronisme (Europe + marché) correspondent à  l’antithèse de la rupture promise lors de la présidentielle et montre, au contraire, la détermination de Macron à aller plus loin, plus vite et plus fort dans la direction ouverte par ses prédécesseurs depuis 40 ans.
Macron offre le pire du populisme : le style tandis qu’il rejette ce qu’il peut avoir d’intéressant voire de fécond sur le fond : la volonté de freiner la globalisation et de la plier aux besoins des peuples. Macron, c’est de la pipe en matière de changement mais c’est carrément une révolution dans le style solo, décomplexé  et presque provocateur. 

De la perquisition dans les locaux de Mediapart à la demande de Matignon, aux rebondissements de l'affaire Benalla ou encore en passant par la promotion de LREM sur un site du gouvernement (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/les-consultations-citoyennes/), ou encore le rappel immédiat de l'ambassadeur de France en Italie, comment interpréter la succession d’écueils de ces derniers jours ? Faut-il voir une réelle perte de sérénité de la part du gouvernement et d'Emmanuel Macron ? 

Assurément, ces réactions qui sont sans doute destinées à montrer qu’il reste le maître et que personne ne lui marche sur les pieds impunément montrent en réalité que le roi est nu.
D’abord, il s’abaisse au niveau de ses adversaires. Dans tous les cas, il les rehausse et se rabaisse : Salvini n’est même pas Ministre et Plenel n’est qu’un fouilleur de poubelle. Une activité peu ragoûtante mais parfois d’intérêt public en démocratie.
 Est-ce qu’un président de la République doit ordonner à son premier ministre d’actionner une perquisition contre un site internet spécialisé dans les scoops racoleurs ou dire en public qu’il n’est pas l’amant de son gorille ? Plus incroyable encore même si cela a été peu relevé : le fait de charger son Premier Ministre en lui faisant endosser le bonnet d’âne jaune fluo de la limitation à 80kmh.
A chaque fois, la démonstration de virilité se transforme en aveu de faiblesse. 
Il y a de la fébrilité et un manque de sang froid mais aussi de calcul. Le roi de France ne venge pas les querelles du roi d’Orlean.

Alors que seuls 26% (Yougov pour le Huffington post - 7/02 ) des Français estiment que le Grand Débat National peut infléchir la politique du gouvernement, révélant une perception de cynisme de la part du gouvernement pour la population, comment envisager la suite de la séquence politique ? 

Ici encore, les portes de sortie ouvertes par Macron débouchent toutes sur des impasses. La volonté de pourrissement et de répression des manifestations ne fonctionnent pas. Le gros des gilets jaunes n’a pas mordu à l’hameçon et a jugé plus sage de rester sur ses ronds points ds’s défier les forces de l’ordre tandis que la répression disproportionnée n’a pas rangée pas les attentistes dans le camp du pouvoir.  Il en va de même de l’enquête de satisfaction genre sondage pour consommateur ou séminaire pour cadres de chez Colgate organisée par notre manager d’Etat sous couvert de grand débat. Les Français n’en attendent rien mais se sont saisis de cet excellent moyen de poursuivre la guerre civique des gilets jaunes par d’autres moyens.
Le président a permis au peuple de s’exprimer, il ne va pas être déçu du résultat. Le truc de la boîte à Idees dans une Enteprise ne fonctionne que lorsque le climat social est bon, que la confiance est acquise. En cas de grève ou de tensions, déposer une boite à idees, c’est offrir un catalyseur à la crise en la faisant déborder de récriminations, de plaintes et d’injures.
Enfin, la ficelle Tapie est un gros câble cousu de fil jaune. Si le jaune fluo est la couleur des gilets qui ont replacé la plèbe au cœur du jeu politique, le jaune est aussi la couleur des traitres dans un syndicat.  La liste Levavasseur va faire pschit.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !