Crocs, Uggs et Cie, mais pourquoi cette furieuse passion pour les chaussures moches ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cependant, les seules chaussures laides qu'aucune fashionista qui se respecte portera (en public) pour l'instant sont bien les Crocs. Ces atrocités en plastique ne sont acceptables que sur les enfants... ou les jardiniers.
Cependant, les seules chaussures laides qu'aucune fashionista qui se respecte portera (en public) pour l'instant sont bien les Crocs. Ces atrocités en plastique ne sont acceptables que sur les enfants... ou les jardiniers.
©Pixabay

WHAT ARE THOOOOOSE ?

Des Crocs clogs ($1,1 billion de chiffre d'affaires annuel) aux Ugg boots ($1,5 billion de chiffre d'affaires annuel), les Américains raffolent des chaussures toutes plus laides les unes que les autres. Analyse d'un phénomène de mode qui s'exporte... très bien.

Talia Soghomonian

Talia Soghomonian

Talia Soghomonian est une journaliste américaine basée à Paris, ex-Metro et New-York Times, aujourd'hui freelance. Elle écrit sur le cinéma, la mode et la musique, et a été publiée dans Rolling Stone, InStyle, Marie Claire.

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Atlantico: Cette mode "des chaussures très laides" reste-t-elle purement américaine, ou est-elle en train de conquérir d'autres populations et d'autres marques ?

Talia Soghomonian : Lorsque des marques de luxe approuvent une chaussure, aussi moche soit-elle, des enseignes comme Zara suivent. Allez dans une boutique Top Shop, Pimkie ou H&M et vous y verrez des déclinaisons. 
Au début des années 2000 - vers 2002-2003, pour être précis - une paire de bottes ressemblant à des mono boots est devenue très tendance aux Etats-Unis. Elles sont venues d'Australie : les bottes Ugg. Les Californiennes les portaient avec des mini jupes - ma cousine a même osé essayer de me convaincre que la doublure en laine gardait les pieds froids lorsqu'on les portait sans chaussettes. 
La mode des Uggs s'est vite répandue à travers le monde. Et Paris, capitale de la mode, a succombé aussi. Peut-être pas en été, mais les Uggs et leurs imitations se vendent plutôt bien depuis une décennie, voire plus. Et Ugg fabrique également des sandales, pantoufles, même des tongs - oui, doublés de laine ! 

A quand remonte la naissance de cette mode "des chaussures très laides" ? Les designers américains vont-ils encore vers "le toujours plus laid" (sorties de chunky wool-lined boot, Clunky black-and-white Adidas...), ou la tendance est-elle en train de s'inverser ?

Ce phénomène de chaussures moches n'est pas nouveau. Il avait fait un retour il y a plus d'une décennie avec des tongs portés à la ville comme à la plage, leur "vocation" d'origine. Puis, dans les années 1990, vinrent les sandales à scratch fabriquées par Teva et déclinées par des marques de sport comme Nike. Hommes ou femmes, enfants et adultes, ces sandales font toujours fureur. Même des marques de luxe comme Céline s'y sont mises. Et depuis au moins deux ans, les Birkenstock ont suivi le chemin du luxe. On en trouve chez quasiment toutes les marques. C'est désormais chic de porter des chaussures moches. En fait, c'est chic d'être confortable. Des talons vertigineux façon Louboutin ont dû faire bien des dégâts chez certaines... 
Dans les années 1990, c'était la grande mode des baskets compensées façon bibendum, la marque No Name traînant sur tous les pieds ado. Aujourd'hui, les baskets compensées sont plus chics, plus féminines et surtout pas moches.
Mais une autre paire de baskets fait phénomène : les Clunky d'Adidas. Elles ne sont pas laides, mais plutôt "mastoc", comme dirait une certaine experte en mode à ses reines du shopping, et ça ne va pas trop aux jambes fines... Ce n'est pas pour faire du sport, mais pour "faire sport". C'est devenu un objet de mode, une chaussure à part entière tout comme les Uggs, les Birkenstock et même les tongs vu le nombre de marques spécialisées aux couleurs et imprimés divers. Même les Sliders d'Adidas, des mules en plastique qu'on porte à la piscine, étaient sur tous les pieds des it-girls: de Gigi Hadid et sa sœur Bella à l'actrice Dakota Fanning et toutes les blogueuses mode. D'autres ont préféré les versions de Givenchy ou de Salvatore Ferragamo.
Les femmes, où qu'elles soient, ont compris que ce n'est plus à la mode de porter des talons toute la journée, que le confort est une tendance qui va durer, et qu'il est tout à fait légitime de porter des chaussures laides avec de jolies tenues. 
Aujourd'hui, les baskets sont de retour et vivent plutôt bien aux côtés des autres chaussures moches mais conforts : tongs, Crocs, sandales Teva et les fameux Ugg. La fashion police qui critiquait ces chaussures laides en fait aujourd'hui des objets de monde incontournables.
Cependant, les seules chaussures laides qu'aucune fashionista qui se respecte portera (en public) pour l'instant sont bien les Crocs. (A titre personnel, j'ajouterais des baskets blanches.) Ces atrocités en plastique, inspirées des clogs et déclinées dans toutes les couleurs de l'univers, ne sont acceptables que sur les enfants... ou les jardiniers. Mais il suffirait que Chanel en fasse sa propre version pour que les fashionistas postent des photos sur Instagram... Et voilà, phénomène immédiat. 

Pourquoi les Américains aiment-ils autant les chaussures considérées comme très laides, voire "hideuses", par la plupart des critiques de mode ?

Les Américains sont "laid-back", c'est-à-dire relax. C'est inconcevable de porter des talons hauts ou même des chaussures - des vraies - toute la journée, tous les jours. Dans les années 1970 et 1980, beaucoup marchaient pieds nus à Los Angeles. Des restes du mouvement hippie ? Certes. Mais c'était peut-être aussi symbolique de la liberté.

Mais c'est surtout les working girls new-yorkaises qui étaient la risée de la fashion police européenne lorsqu'elles arpentaient les rues de Manhattan pour aller au bureau en tailleur et... baskets. C'était inconcevable pour les Européennes - quelle honte ! Il valait mieux souffrir en stilettos que d'être vu en baskets. Sauf que ces working girls à Manhattan se chaussaient de talons chics une fois arrivées au bureau. Et leurs pieds les remerciaient.

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