Covid : comment le gouvernement a construit politiquement le pass sanitaire<!-- --> | Atlantico.fr
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Le médecin et épidémiologiste Martin Blachier à l'occasion d'une séance photo pour l'AFP, dans les rues de Paris, en novembre 2020.
Le médecin et épidémiologiste Martin Blachier à l'occasion d'une séance photo pour l'AFP, dans les rues de Paris, en novembre 2020.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Bonnes feuilles

Martin Blachier publie « Méga-gâchis. Histoire secrète de la pandémie » aux éditions du Cerf. Martin Blachier dévoile les vérités cachées sur la crise de la Covid-19. Il relate son combat contre la technocratie et alerte sur les dérives de notre démocratie. Martin Blachier révèle les rouages et les coulisses d'un pays qui tue son talent. Extrait 2/2.

Martin Blachier

Martin Blachier

Médecin, spécialiste en santé publique, statisticien et épidémiologiste, Martin Blachier a fondé avec Henri Leleu la start-up Public Health Expertise qui, dans les domaines de la modélisation mathématique, du dépistage précoce et de la thérapie génique, est réputée internationalement.

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Tout au long de cette crise, je ne me suis jamais demandé s’il convenait d’être pro- ou anti-Macron. J’ai, et le répète, apprécié son courage lorsqu’il a refusé de céder à la panique générale en résistant aux alarmistes qui voulaient boucler le pays à double tour et le soumettre à une marche forcée vers le Zéro Covid aussi folle qu’inefficace.

Son courage, oui... car il en fallait pour prendre des décisions moins drastiques que celles réclamées à grands cris par des hospitaliers qui, sincères pour la plupart et épuisés, confrontés de surcroît depuis quelques mois aux départs nombreux d’infirmières et d’aides-soignants, ont craint de ne pas tenir et de voir les services de réanimation exploser. Son courage, oui, car dans ces moments-là, Emmanuel Macron a décidé de reprendre les choses en main, quitte à s’opposer, parfois publiquement, à son ministre de la Santé. « L’ambiance, entre les deux, est à couper au couteau », m’affirmera plusieurs fois un ami journaliste. À tel point que, selon lui, l’avenir politique immédiat d’Olivier Véran, après la présidentielle et bien sûr en cas de victoire du sortant, est pour le moins compromis.

Et pourtant... Sur certains sujets essentiels, le président de la République va donner l’impression de refaire de la politique politicienne. Ou bien de redonner, au moins un temps, les commandes au duo Castex-Véran. C’est le sentiment que j’ai eu lorsque le débat s’est ouvert puis s’est déchaîné à propos du pass sanitaire puis vaccinal.

À l’origine de cette décision, il y a surtout une méprise totale quant aux effets des vaccins sur la transmission du virus. Pourtant, dès les premiers mois de l’année 2021, des études ont relativisé sérieusement la capacité des différents vaccins disponibles sur le blocage des contaminations. L’efficacité de ces produits contre les formes graves est démontré de façon incontestable. Mais il apparaît assez rapidement que même un schéma vaccinal complet n’est pas protecteur contre la transmission et la contamination.

À chacune de mes interventions médiatiques, j’insiste sur l’absolue nécessité, chez les adultes, de se faire vacciner trois fois. Et même si je considère que la vaccination des plus jeunes n’est pas une priorité, je refuse d’être rangé dans le camp des vaccino-sceptiques. Ceux qui affirment aujourd’hui le contraire ont astucieusement oublié mes positions précédentes et celles que je continue de défendre, à savoir la vaccination obligatoire des plus de 50 ans et des personnes à risques, atteintes d’obésité, de diabète, d’hypertension ou d’insuffisance cardiaque. Si l’on revient à ces déclarations, je fais tout de même un drôle d’anti-vax.

Mais lorsque l’idée d’un pass sanitaire est avancée, le fait que les vaccins ne bloquent sur le long terme ni la contamination ni la transmission change la donne. Nous alertons immédiatement le chef de l’État à plusieurs reprises, dont le 6 juillet.

« Bonjour Monsieur le président. Israël a publié ce matin ses données sur l’efficacité vaccinale dans la vraie vie du vaccin Pfizer sur la transmission avec le variant Delta. La protection est de 64 %. Avec ce taux-là, l’immunité collective est non-atteignable ! Ce qui veut dire qu’une vague de contaminations est inéluctable. Nos prédictions misent sur début septembre mais plusieurs paramètres comportementaux pourraient avancer cette échéance. » Puis, après quelques courbes dont, paraît-il, Emmanuel Macron est friand, nous poursuivons : « Dans ce contexte, le pass sanitaire ou vaccinal n’est pas une option sérieuse, même s’il est étendu. En effet, l’efficacité sur la transmission avec le Delta est trop faible et nombre de jeunes pourraient, même en étant vaccinés, contaminer un proche vulnérable non vacciné et l’envoyer à l’hôpital. [...] La seule stratégie possible est la protection individuelle généralisée avec une couverture vaccinale de 100 % sur la population vulnérable. »

Mais cette fois, le dossier est devenu politique. Et Emmanuel Macron tout autant ! Il veut marquer des points et faire en sorte que l’opinion se souvienne de son habileté, au moment du scrutin présidentiel. Il est probablement persuadé que ce pass sanitaire va pousser à la vaccination. Ce qui est vrai mais pas pour les personnes qui auraient dû être ciblées. Sa grande erreur va être de s’entêter dans cette voie qui ne peut pas être une solution de long terme. Une fois encore, il aurait été plus efficace de fixer une règle commune : « Au-delà d’un certain âge vous devez être à jour de vos vaccinations. En deçà, vous y êtes encouragés. Et si vous ne respectez pas la règle, vous êtes sanctionnés. Lourdement. »

Nous revenons à la charge le 12 août dans un nouveau courriel : « Bonjour Monsieur le président. Les études se suivent et aboutissent aux mêmes conclusions : la vaccination ne protège qu’au maximum à 60 % contre la transmission du variant Delta. La dernière étude conduite par l’Impérial College estime même cette protection à 50 % après 2 doses de Pfizer. Ces données mettent à mal l’utilisation du pass sanitaire. En effet, rassembler dans un même endroit clos des personnes négatives mais non vaccinées et des personnes vaccinées mais potentiellement transmettrices expose les premiers à un risque élevé. Je rappelle que certains lieux présentent un sur-risque de plus de 1 000 % quant à la contamination, selon les données américaines, asiatiques et même françaises sur les lieux de transmissions. [...] Certes, le pass a permis d’augmenter la couverture vaccinale mais essentiellement chez les plus jeunes et très peu chez les plus de 60 ans. Étant donné la faible efficacité contre la transmission, l’effet protecteur attendu sur l’hôpital à l’automne sera donc moindre. »

Mais rien n’y fait ! Pire encore, peut-être l’instauration du pass a-t-elle pour effet pervers de radicaliser certaines personnes jusqu’alors hésitantes quant à la vaccination. Quelques mois plus tard, alors que la vague Omicron déferle, le président va persévérer dans sa logique en revendiquant même son envie « d’emmerder les non-vaccinés ». Cette fois, c’est le rythme parlementaire qui accentuera encore le décalage entre l’évolution de l’épidémie et les mesures mises en place. C’est probablement ce qui explique, en partie tout du moins, cet article que j’ai découvert dans le quotidien Les Échos du 14 janvier. Un sondage qui atteste que, pour ce qui est de sa gestion de la Covid, le gouvernement redevient minoritaire dans l’opinion, 54 % de la population affirmant ne plus faire confiance à l’exécutif. La preuve que souvent le courage finit par payer. Les erreurs, elles, s’acquittent comptant.

A lire aussi : Gestion de la crise sanitaire : comment la France s’est laissée surprendre par la deuxième vague du Covid-19 malgré les alertes

Extrait du livre de Martin Blachier, « Méga-gâchis. Histoire secrète de la pandémie », publié aux éditions du Cerf

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