Covid-19 : quelles sont vraiment les professions les plus à risques ? Des données étrangères suggèrent que les discours officiels français sont (très) approximatifs <!-- --> | Atlantico.fr
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Une enseignante et des élèves à Ramonville, en banlieue de Toulouse, sont protégés par des masques face à la pandémie de Covid-19.
Une enseignante et des élèves à Ramonville, en banlieue de Toulouse, sont protégés par des masques face à la pandémie de Covid-19.
©Fred SCHEIBER / AFP

Risques de contaminations

Une analyse de données anglaises a permis d'établir la liste des professions les plus à risques d’être contaminées par la Covid-19. Les enseignants se retrouvent notamment dans les premières places du classement. Ces résultats doivent-ils nous faire réévaluer les priorités de la politique vaccinale ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Une analyse de données anglaises a mis au jour les professions les plus à risques d’être contaminées par le coronavirus, les professeurs sont très hauts dans le classement…

Antoine Flahault : Ces résultats ne sont pas très surprenants. Il n’y a rien de particulièrement contre-intuitif, à quelques exceptions. Tous les services de gardiennage et d’aide à la personne sont dans le haut du classement. Les secrétariats sont également très touchés et c’est peut-être un peu plus étonnant. Mais je pense qu’ils sont assez exposés en étant à l’accueil et ils ont une activité non seulement administrative mais de relation publique. Les professeurs sont effectivement hauts, à la quatrième position du classement, et cela personne ne veut vraiment l’entendre. Les managers eux aussi sont très concernés. Donc il est intéressant de voir que tous les hubs sociaux sont les premiers visés. Il en va de même pour ceux proposant des activités de loisirs et de voyages. On retrouve aussi dans le haut du classement le secteur de la construction qui aurait pu paraître plus protégé. Mais ce sont des professions dites essentielles, qui n’ont pas de possibilité de télétravail et qui ont échappé au confinement par leur métier. Il y a des moments où les travailleurs mangent, échangent, etc. et les gestes barrières ne sont pas toujours simples à mettre en place sur un chantier, donc ils s’exposent. Dans le domaine des sciences, ce sont des gens qui eux non plus n’ont pas été confinés car ils ont fait valoir qu’ils avaient des expériences en cours dans leurs laboratoires. Ceux qu’on voit assez bas finalement, ce sont les professions de santé, alors qu’elles cumulaient tous les risques. Elles étaient à la fois exposées par leur profession et elles faisaient partie des professions essentielles non confinées, avec beaucoup d’interactions sociales dans le cadre de leur métier. On aurait pu s’attendre à ce qu’elles soient beaucoup plus haut. Ça aurait été le cas à l’époque du SRAS quand nous n’étions pas au courant des risques. Malgré leur très forte exposition ils sont plus bas car ils sont, à mon avis, ceux qui ont bénéficié en priorité des mesures barrières et du matériel. La majorité des contaminations a dû se faire lors de rupture des protections ou dans leur vie sociale professionnelle et personnelle. Ce qui peut expliquer la différence entre les professionnels de santé et les aidants, c’est le fait que ces derniers ont été peu équipés ou de façon moins prioritaire alors qu’ils auraient dû l’être.

Ce classement peut-il être transposé à d’autres pays ?

Je pense qu’il peut être assez similaire dans des pays ayant le même niveau de développement. La transposition à la France me semble très probable comme pour d’autres pays de l’OCDE. Il peut y avoir des pays où certaines professions sont plus précarisées. On a vu qu’en Australie ou en Suède les personnels des établissements médicaux sociaux avaient des contrats précaires et étaient souvent des immigrés, ce qui les incitait à ne pas se faire tester ou du moins à ne pas se déclarer positif pour pouvoir conserver leur emploi. Et en plus, ces emplois précaires sont parfois à temps partiel donc avec une circulation dans plusieurs établissements. Cela n’est pas forcément transposable en Angleterre et en France.

L’école n’est pas, en France, présentée comme un lieu de contamination, pourtant ce classement indique des professeurs très infectés ? Y-a-t-il des différences fortes d’exposition selon les pays qui pourraient expliquer ce décalage entre ces chiffres anglais et les discours officiels ?

Tout ce qui a fait que des pays se sont préoccupés de la sécurité vis-à-vis du Covid dans les écoles, comme cela a été le cas en France avec le port du masque ou en Allemagne avec la ventilation peut changer un peu le classement. Mais en dehors de cela, les enseignants cumulent tout de même plusieurs facteurs de risque d’être contaminés. Parmi ces facteurs de risque, le premier est qu’ils ne sont pas en télétravail lorsque les écoles sont ouvertes. Donc ils vont dans les transports publics et ont des interactions sociales dans le cadre professionnel. Ce n’est pas que l’école et les enfants, c’est aussi aller travailler qui favorise la contamination. En France, en Suisse et un peu partout ailleurs, l’école est l’un des thèmes de division majeurs concernant l’attitude à avoir. Elle ne porte pas tant sur les données que sur le fait que certains jugent que ce n’est pas un motif valable pour fermer les écoles. Dans ces cas-là, on préfère aller chercher les études qui vont aller à l’appui de notre argumentaire. Cette question est sensible, presque idéologique. Il y a une idéologie du maintien scolaire qui est totalement audible car on touche à un droit fondamental de l’enfant. L’école a cristallisé ces débats mais on aurait pu penser que d’autres métiers comme ceux du spectacle, de la restauration y soient soumis aussi. Ensuite il faut aussi reconnaître que c’est l’un des domaines où la connaissance a évolué. Au début de la pandémie, les épidémiologistes ont rapporté qu’il y avait très peu de contaminations chez les enfants en Chine, alors qu’il y avait seulement peu de malades symptomatiques. C’est toujours vrai. On a fait trop rapidement le pas de dire que c’était dû à une contamination moins forte chez les enfants.

Ce genre de données sur les métiers les plus exposés doit-il nous faire réévaluer les priorités de notre politique vaccinale ?

Il semble que les précautions prises dans certains secteurs, par exemple les personnels de transport, aient porté leurs fruits. Quand on veut diminuer le risque, il semble donc que cela soit possible. Donc avant même la vaccination, on doit se dire que certains professionnels doivent bénéficier de plus de protection. La priorité est d’abord de mettre les gens en télétravail ou d’arrêter de les exposer. Est-ce que cela doit ensuite faire changer la politique vaccinale ? Peut-être. Si l’on décide de laisser les écoles et universités ouvertes, on pourrait en effet vacciner les professionnels adultes. Les enseignants pourraient faire partie des groupes prioritaires à la vaccination pour éviter de tomber malade ou de transmettre la maladie.

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