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Le reconfinement de l’Ile-de-France est notamment sur la table du conseil de défense, ce mercredi 17 mars. Emmanuel Macron, Jean Castex et Olivier Véran pourraient prendre de nouvelles décisions dans les prochains jours.
Le reconfinement de l’Ile-de-France est notamment sur la table du conseil de défense, ce mercredi 17 mars. Emmanuel Macron, Jean Castex et Olivier Véran pourraient prendre de nouvelles décisions dans les prochains jours.
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Confinement ou pas confinement

Alors que le pays connaît une situation sanitaire « préoccupante », de l’aveu même du Gouvernement, l’exécutif est devant un dilemme. Le Président parieur peut-il encore faire l’impasse sur le reconfinement ? Le sort de 12 millions de Franciliens est en jeu, et le sien par la même occasion.

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne est directeur associé chez BVA. Il est aussi co-fondateur de l'observatoire des sondages et tendances émergentes Délits d'Opinion, chargé de cours à l'INSEEC et à la Sorbonne-CELSA.

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Un pari sanitaire

Retour en arrière. Février : à grands renforts de communication, l’exécutif met en scène la liberté d’action d’un Emmanuel Macron refusant de se soumettre aux préconisations du corps médical. Il y a un mois pourtant, le pays était résigné. Le 30 janvier, selon nos confrères d’Harris, seuls 24% de nos compatriotes jugeaient qu’il était possible d’éviter des mesures de reconfinement. L’avis de la Haute Autorité de Santé, la situation des voisins européens sous cloche…tout concourait alors à l’état de résignation partagé.

Un mois plus tard, la donne sanitaire a largement empiré. Mais, paradoxalement, l’Etat d’esprit de nos compatriotes s’est amélioré. Ils sont désormais 46% à croire possible d’éviter un reconfinement. A force d’évoquer une mesure qui ne venait jamais, ils ont fini par ne plus y croire.

D’autant que la tolérance a encore baissé d’un cran.

La lassitude après un an d’efforts, l’inquiétude sur le font économique, mais aussi les promesses d’un retour à la normale disséminés par l’exécutif, ont converti les esprits.

Difficulté supplémentaire pour le Président, c’est auprès des habitants d’ile de France que le refus de se confiner est la plus élevée, environ un tiers d’entre eux – selon les baromètres – déclarant refuser cette option.

L’exécutif a t-il encore les moyens d’agir ? En creux, c’est son volontarisme qui est interrogé. La résistance au reconfinement était-elle liberté de pensée ou aveu d’impuissance ?

Car à l’ombre du sanitaire, il y a le pari politique

Emmanuel Macron sait qu’il conditionne son avenir politique à la gestion de crise.  Or, cette dernière est mauvaise aux yeux de 2 français sur 3, selon le baromètre BVA. C’est pourquoi, plus que jamais, le Président espère que les partis-pris de février seront portés à son crédit quelles que soient les décisions ultérieures.

Et c’est ici que le bât blesse. Car les Français évalueront la crise passée à travers des filtres bien précis. Daniel Kahneman, célèbre Prix Nobel d’économie et auteur de « Peak-end Rule » explique en effet que l’expérience perçue n’est jamais la somme de tous les moments passés. Des fractions de moments - « les pics » émotionnel, et la fin de l’expérience -  vont colorer l’ensemble du souvenir. Dans cette crise, force est de constater que les temps forts aux yeux des Français ne plaident pas en faveur du Gouvernement : campagne de   vaccination poussive, pénurie de masques témoignent des failles logistiques et d’anticipation du pouvoir….

Reste donc pour ce dernier à réussir la sortie de crise.

Une séquence que les Français vont juger en usant du biais de cadrage, via une comparaison avec des pays qui auront fourni l’effort bien avant nous. En d’autres termes, nos compatriotes seront moins sensibles à l’accalmie du mois de février- toute relative si l’on veut bien considérer que le couvre-feu n’a rien d’une vie normale - qu’à la perception d’un pays embourbé dans un supplice chinois s entre stop and go et vaccination inachevée.

S’ajoute enfin un point de crispation majeur pour nos compatriotes : l’égalité de traitement. C’est le sentiment d’injustice qui avait mis en émoi la cité phocéenne quand les bars et restaurants marseillais avaient dû fermer. Désormais, le pays a les yeux rivés sur l’ile de France, peinant à comprendre pourquoi de tels taux d’incidence n’appellent pas les mêmes remèdes qu’à Dunkerque ou Nice. Une incompréhension qui pourrait se muer en colère, quand sera activée la déprogrammation des interventions en région pour transférer des malades d’ile de France toujours plus nombreux…faute de confinement.

L’équation sanitaire et politique se complexifie pour le Gouvernement à mesure que la sortie de crise approche. Le Président volontaire du mois de février et qui défiait le virus n’a plus la main. Le variant va reprendre ses droits. Avec entre les deux, le sentiment d’une drôle de guerre où le politique a défié le réel.   

Matthieu Chaigne

Directeur associé de la BVA Nudge Unit

Co-fondateur de délits d’opinion

Auteur de la France en face, (éditions du Rocher)

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