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Votre rejet apparent - réel ou simple choix tactique ? - des Mexicains, de l’immigration et des musulmans dans un pays né des migrants est révoltant et pathétique.
Votre rejet apparent - réel ou simple choix tactique ? - des Mexicains, de l’immigration et des musulmans dans un pays né des migrants est révoltant et pathétique.
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Liberté chérie

Tout juste élu 45ème Président de l'histoire des Etats-Unis, Donald Trump a désormais un vaste chantier devant lui, qu'il soit politique, économique ou international.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Je vous adresse toutes mes félicitations pour votre victoire sans appel. Vous avez écrasé Hillary Clinton en vous appuyant sur une mobilisation historique des citoyens américains. Après avoir terrassé vos concurrents républicains, vous remportez une victoire éclatante aux Etats-Unis. Vous, milliardaire new-yorkais, êtes venu à bout de Bush et de Clinton, sacrée revanche sur l’establishment. Bravo pour ce hold-up électoral !

Il est tentant - c’est la base du populisme - de s’enthousiasmer pour votre coup de balais que tant attendaient. Même depuis la France. Aussi professionnelle soit-elle, Hillary Clinton n’est-elle pas la reine du mensonge, de la triche et de la corruption ? Je ne vous cache pas que voir nos journalistes politiques et nos experts auto-patentés unanimement pro-Clinton en si grand désarroi ce mercredi matin est aussi réjouissant. Ils sont les premiers responsables du recul du "consentement démocratique" à force de vouloir imposer leur vision du bien et du mal - sans se soucier de ces compromissions éthiques - sans respecter celle des citoyens bien assez grands pour en avoir une sans être sous la tutelle morale d’une caste formatée habitant les beaux quartiers parisiens.

Quittons le champ des émotions primaires. Ma réflexion m’amène tout de même à un jugement profondément négatif, non pas tant sur votre personnalité haute en couleur - nourrie de provocations malsaines, sexistes et racistes, bien calibrées sur le plan de la communication - que sur celui du programme. Votre victoire, je le regrette, marque autant l’échec du "système" que celui des idées. Votre rejet apparent - réel ou simple choix tactique ? - des Mexicains, de l’immigration et des musulmans dans un pays né des migrants est révoltant et pathétique. Retour au nativisme blanc et protestant des premiers temps de votre jeune nation ? Vos mesures protectionnistes - tarifs douaniers, annulation du traité transatlantique, suspension du TTP… - associées à un plan keynésien de relance par la dépense publique s’annoncent dramatiques. C’est cette recette qui a exporté la crise américaine de 1929 en Europe et engendré la gigantesque crise mondiale des années 1930 qui s’est terminée avec la Seconde Guerre mondiale. Aucun libéral ne peut défendre ce type de discours de repli sur soi et de rejet des autres.

Vous aurez d’ailleurs fort à faire avec le parti républicain que vous ne contrôlez pas. Les modérés et les libéraux - libertariens au sens américain - n’auront aucun scrupule à s’opposer à vous comme ils l’ont fait tout au long de votre campagne. Le sénateur libéral - réélu - Rand Paul ne vous a-t-il pas déjà traité d’illusionniste narcissique au visage orange - mauvais maquillage - ne produisant que du vent ? Je me permets de vous recommander la lecture de quelques penseurs pour vous construire une pensée digne de ce nom : Friedrich von Hayek, Milton Friedman et même un Français, Frédéric Bastiat. Vous y trouverez les recettes du succès qui ont fait leurs preuves avec Ronald Reagan dans votre contrée mais aussi ailleurs, du Royaume-Uni de Margaret Thatcher à la Nouvelle-Zélande des travaillistes.

Le partage des pouvoirs - autre concept libéral - n’est par ailleurs pas un vain mot chez vous, contrairement à la France. Vous devrez vous soumettre, en tant que 45ème président des Etats-Unis, à l’autorité de multiples institutions indépendantes dans leur domaine de compétence. Il est par conséquent heureusement probable que votre proposition d’éliminer sans autre forme de jugement les familles des terroristes, digne d’un Rodrigo Duterte aux Philippines ou de Daesh, sera rejetée par la Cour suprême. Vous aurez tout de même un rôle crucial pour l’avenir des Etats-Unis. Vous devrez nommer au moins un premier juge sur les 9 qui composent la Cour suprême. Peut-être aurez-vous l’occasion d’en nommer d’autres au cours de votre (vos) mandat(s). Ces neuf personnalités nommées à vie ont un pouvoir autrement plus important que le vôtre dans l’évolution de votre pays.

Nous attendons tous à ce stade la composition de votre équipe pour en savoir davantage, vous qui êtes profane en matière politique. Elle sera déterminante pour mener une politique cohérente, en bien ou en mal, ou pour au contraire poursuivre dans l’action l’improvisation de votre campagne fantasque et, finalement, très creuse. Votre discours de victoire sympathique - assez rare pour être noté - mais décousu est hélas éclairant sur ce point. Malgré la fatigue accumulée et sa tenue au milieu de la nuit, vous n’avez pas plus offert de vision qu’auparavant, ni aucun programme à vos concitoyens. Winners and losers, is that all ? Vous n’aviez manifestement pas préparé de discours historique pour cette victoire inespérée. Vous attendiez-vous à gagner après tout ?

Tout n’est ni blanc, ni noir. Vous n’êtes peut-être pas le diable tant dépeint - l’origine de votre popularité - dans la presse. Mais je me rassure tout de même en gardant à l’esprit que le régime américain n’accorde pas autant de pouvoirs au président que la 5ème Constitution française au sien. Vous devrez composer avec un Congrès qui promet d’être réticent, voire de bloquer vos propositions les plus choquantes, comme l’encouragement à recourir à la torture. Simplement inacceptable. Barack Obama avait certes reconnu son usage et ses catégories plus ou moins tolérées, lui qui n’a pas su fermer l’abominable Guantanamo. Mais l’encourager va bien plus loin.

L’annonce de votre élection n’a pas autant remué les marchés que certains l’imaginaient. L’impact du Brexit a été beaucoup plus violent. Les grands acteurs économiques ne craignent apparemment pas les dégâts que vous pourriez causer à votre pays… et par extension au monde. Peut-être parviendrez-vous même à calmer les tensions au Moyen-Orient en vous en retirant après le champ de ruines laissé par vos prédécesseurs ? Réduirez-vous votre soutien à l’Arabie Saoudite et aux monarchies du Golfe tant qu’elles entretiendront des relations ambiguës avec la nébuleuse islamiste qui cherche à déstabiliser le monde et, plus particulièrement, l’Europe, ce "ventre mou de l’Occident" que vise Daesh ? Allez-vous sortir la dictature islamiste turque de l’Otan, seule organisation en charge de protéger l’Europe à ce jour, hélas sous votre tutelle quasi-exclusive ? D’autant que vous menacez de ne pas faire intervenir l’Otan en cas d’attaque de la Russie. Même dans les Etats baltes et en Pologne, membres de l’Union européenne ?

En France, certains voient dans votre victoire le prélude à celle de Marine Le Pen. Comme vous, elle rêve de fermer notre pays aux étrangers, aux musulmans et à la mondialisation. A votre différence, elle incarne le système et vit de l’argent public depuis de trop nombreuses années. Contrairement à vous, elle ne connaît rien à l’entreprise, ni à l’emploi. Sa culture et son expérience personnelle se réduisent à l’Etat. Ce n’est pas un hasard si son bras droit, Florian Philippot, est un énarque qui ne connaît pas plus le secteur privé. Votre élection bouscule tout de même les cartes. Et pas seulement en France. Dans toute l’Europe avec le référendum italien du 4 décembre prochain et les élections en France et en Allemagne l’année prochaine.

L’économie américaine est bien repartie, ne l’enrayez pas par des mesures électoralistes aux conséquences nocives pour l’emploi et le pouvoir d’achat des Américains. Congratulations and all the best, Mister President.

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