Comment nos sens et nos aptitudes évoluent<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Notre lobe olfactif est beaucoup moins développé que celui de nos ancêtres d’il y a 450 000 ans.
Notre lobe olfactif est beaucoup moins développé que celui de nos ancêtres d’il y a 450 000 ans.
©Reuters

Evolution perpétuelle

Notre odorat, notre audition et notre vision ont baissé, tout comme notre force musculaire a diminué. Parce que l'homme n'est plus un chasseur mais un homme civilisé, il a compensé en affinant ses mouvements. Troisième épisode de notre série "Évolution perpétuelle".

Marie-Antoinette  de Lumley

Marie-Antoinette de Lumley

Marie-Antoinette de Lumley est paléoanthropologue, membre de l’Institut de Paléontologie Humaine.

Voir la bio »

Atlantico : Une fois sorti de l’état de nature, l’homme a-t-il perdu certains de ses sens ?  Le fait de vivre en société a-t-il atrophié notre capacité à sentir, entendre ou voir, au point que cela puisse se retrouver dans les gènes ?

Marie-Antoinette de Lumney : Le sens de l’odorat a diminué, la morphologie du cerveau le montre bien : notre lobe olfactif est beaucoup moins développé que celui de nos ancêtres d’il y a 450 000 ans, chez lesquels l’espace entre les deux yeux est beaucoup plus large qu’aujourd’hui. La distance entre nos yeux se réduisant actuellement, on remarque au niveau du cerveau une diminution de la fonction olfactive. On constate un développement de cette fonction  chez les homo erectus, depuis 1,5 millions jusqu'à il y a 150 000 ans. A partir des néandertaliens et des hommes modernes surtout, ce sens diminue, pour les raisons déjà évoquées. Le sens olfactif est très archaïque dans le développement du cerveau. L’homme moderne, lui, en a beaucoup moins besoin qu’à l’époque où tous les hommes étaient chasseurs. Aujourd’hui, nous avons d’autres moyens pour nous repérer.

Le sens visuel, quant à lui, est localisé dans le lobe occipital, c’est-à-dire à l’arrière du cerveau. Chez les néandertaliens, il était tellement développé qu’il avait la forme d’un chignon. On a donc pensé pendant un certain temps que cela correspondait à un développement plus important du sens visuel, et que les hommes modernes étaient plutôt des auditifs. Mais cela reste à vérifier. Pour ce qui est du goût, il est aussi extrêmement difficile de se prononcer. Concernant le toucher, selon la longueur des phalanges, la force de préhension varie. Mais là aussi des éléments manquent pour déterminer si à ce niveau-là on avait plus de force avant ou non.

A partir de quand l’homme a-t-il cessé de s’en remettre à son instinct et à de simples impressions pour prendre des décisions ? A quoi ce changement est-il dû ?

Nos capacités de témoignage en la matière sont assez performantes. Il y a 1 millions d’années environ,  les groupes appelés "acheuléens" allaient choisir leurs roches à tailler. Ils faisaient un véritable travail de sélection, n’hésitant pas à se déplacer d’une trentaine de kilomètres pour aller chercher le matériau qui leur convenait le mieux. Pour arriver à cette conclusion, c’est assez facile : il suffit, quand on trouve un morceau de roche taillée, de rechercher le gisement le plus proche. Cela veut bien dire qu’ils avaient repéré les roches qui convenaient à leurs besoins, et qu’ils avaient pris la décision d’aller les chercher. Leur choix se faisait également en fonction de la forme du matériau.

Dans quelle mesure sommes-nous encore influencés, voire dirigés, par nos sens ? Nous sommes-nous entièrement affranchi de ces derniers ?

Les odeurs et la vue jouent encore un rôle aujourd’hui. Il suffit de regarder les techniques de marketing employées dans certains magasins, qui s’adressent à notre inconscient via des messages aussi bien olfactifs que visuels. Nous continuons d’appartenir à un environnement, et ce dernier a toujours une influence sur les êtres qui évoluent à l’intérieur.

Au contraire, la civilisation a-t-elle développé certains autres sens, qui auraient été laissés "en veilleuse" auparavant ? Lesquels ?

Ce qui fait la différence aujourd’hui avec nos ancêtres, c’est que nos sens ont fait l’objet d’une éducation. Selon sa culture, on appréciera différemment les odeurs et les couleurs. C’est souvent à leurs goûts que l’on reconnaît l’appartenance culturelle des personnes.

Avons-nous perdu certaines aptitudes ? Par exemple, nos ancêtres étaient-ils plus agiles, ou plus habiles de leurs mains que nous ?

Avec l’évolution, nous avons acquis des mouvements beaucoup plus fins. Nous sommes maintenant en mesure de fabriquer des nano objets, et des moyens optiques nous permettent de préciser encore plus nos mouvements. L’homme préhistorique était beaucoup moins sophistiqué dans sa manipulation des objets.

En revanche, nous avons perdu en force musculaire. Ce qui voudrait dire que cette perte de force a été compensée par la finesse des mouvements. Plus vous effectuez de telles opérations, plus votre système central se développe : l’enfant met plusieurs années avant d’acquérir des mouvements fins lui permettant d’effectuer des opérations minutieuses. Pour cela, il faut laisser le temps au système nerveux de se former. Aujourd’hui on entretient, et même, on développe cette faculté : il suffit de regarder ce qu’on sait faire en microchirurgie pour comprendre que l’on n’a jamais été aussi précis avec nos doigts qu’aujourd’hui.

Propos recueillis par Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !