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Les outrances toujours plus extrêmes de Donald Trump finiront-elles par l'empêcher de se bâtir une véritable majorité ?
©Reuters

Too much

Tweet antisémite, déclarations suprémacistes... Si la politique de la colère et de la transgression a permis à Donald Trump de mobiliser des militants et de remporter la primaire républicaine, une telle stratégie pourrait lui faire perdre la présidentielle.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Atlantico : Alors que la candidature de Donald Trump semblait s'effriter au cours de ce mois de juin, les derniers sondages mettent en évidence un effet de rattrapage par rapport à son opposante Hillary Clinton. Comment expliquer une telle progression, alors même que les excès de Donald Trump n'ont jamais cessé, ce qui aurait pu le desservir depuis sa victoire dans les primaires Républicaines ? 

André Bercoff : Comparaison n'est pas raison mais, toutes proportions gardées, regardez ce qui se passe entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Les derniers sondages donnaient Juppé très largement gagnant devant Sarkozy, et depuis quelques temps cela se resserre. Sur le fond, ce qui a porté Donald Trump à gagner les primaires républicaines, c'est qu'au-delà de sa personne et de ses outrances, il y a des millions d'Américains qui se reconnaissent en lui. Les raisons sont connues : classes moyennes paupérisées, Blancs qui ne savent plus où ils vont, etc. Par ailleurs, lorsqu'on dit que les minorités votent contre lui, il faut bien se rappeler qu'il a gagné très largement au Nevada, où les Latinos sont majoritaires. Tout cela demande donc nuance.

Donald Trump garde une très large marge de manœuvre, car il incarne à tort ou à raison ce mécontentement économique, identitaire et anti-establishment de Washington.

Parallèlement, l'histoire des emails privés d'Hillary Clinton (même si le FBI l'a blanchie) et celle de la rencontre de Bill Clinton avec la ministre de la Justice Loretta Lynch à l'aéroport de Phoenix ont beaucoup joué. Cette opération club privé ne plaît pas beaucoup aux Etats-Unis.

Nous avons donc ici deux personnes contestées de part et d'autre. Enfin, si Barack Obama est certes entré en campagne, on ne peut pas dire que Bernie Sanders ait été très enthousiaste sur Hillary.

Tout cela fait que je pense que ce sera très serré. Il serait idiot de faire un pronostic dès maintenant, mais on peut comprendre qu'à quatre mois de l'échéance, les sondages peuvent encore beaucoup bouger.

Désormais, avec un écart inférieur à cinq points, Donald Trump peut-il réellement se permettre une telle stratégie de la transgression, une telle politique de la colère ? Si cette stratégie s'est avérée payante pour mobiliser et gagner les primaires, n'est-elle pas inopérante pour l'étape suivante, à savoir former une majorité ?

C'est une vraie question, effectivement. Il a très bien joué de cette stratégie lors des primaires, jusqu'à la nomination. A chaque fois qu'on disait que sa dernière énormité allait le faire perdre, cela le faisait, au contraire, gagner.

Il ne faut jamais oublier que Donald Trump est un pragmatique et négociateur. Il pratique le poker menteur. Il lance une énormité, il fait le buzz et ensuite il discute. Son défi à venir n'est pas du tout de mettre de l'eau dans son vin, mais de faire un meilleure millésime. Il est évident qu'il ne peut pas continuer à être l'outisder contestataire. Tout en restant Donald Trump (car c'est pour cela que les gens ont voté pour lui), il faut qu'il sache qu'il doit être élu par plus de 50% des votants.

Est-ce que sa fibre négociatrice sur ses outrances calculées ? Je crois qu'il est beaucoup plus pragmatique qu'idéologue. Non pas qu'il ne pense pas ce qu'il dit, mais il en fait des tonnes. Confronté au réel, il sera beaucoup plus pragmatique et négociateur qu'aboyeur. Va-t-il le faire ou pas ? Je n'en sais rien, c'est à lui qu'il faudrait poser la question.

Donald Trump peut-il réellement sortir de cette approche ? En quoi la politique de la colère est-elle véritablement une stratégie et en quoi peut-on estimer qu'il ne s'agit finalement que du "vrai" Donald Trump ?

Il s'agit en partie du vrai Donald Trump. Quand vous lisez tous les bouquins qu'il a écrits ou co-écrits, vous constatez qu'il dit toujours : "Moi si on m'attaque, je réponds et je réponds dix fois plus fort". On a presque envie de lui dire qu'il n'est plus dans la promotion immobilière mais dans la course à la présidentielle...

L'un des signes assez éloquents est le remplacement de Corey Lewandowski, son directeur de campagne qui était avec lui depuis toujours, par Paul Manafort, vieux routier de la politique avec énormément de campagnes au compteur. Lui qui n'arrêtait pas de dauber sur l'establishment a pris à ses côtés l'un des plus grands lobbystes politiques de cet establishment ! C'est là qu'on voit que le pragmatique est en train de revenir. Donald Trump sait très bien que rester tout seul dans son coin en train de hurler ne suffira pas, même si cela plaît à un certain nombre de gens.

Il est obligé aujourd'hui de s'attirer les faveurs de l'establishment républicain qui le déteste mais qui va faire contre mauvaise fortune bon cœur. D'un autre côté, ce qu'il espère depuis toujours, c'est amener les abstentionnistes aux urnes, dans un pays qui vote à 50% seulement aux présidentielles, ainsi qu'une partie des électeurs de Bernie Sanders, qui voteront plutôt pour lui que pour Hillary Clinton, même si c'est une petite minorité. C'est ça, son pari. S'il reste uniquement dans le Donald Trump iconoclaste qui envoie des vannes en permanence, cela me paraît assez mal barré.

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