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Comment l’éducation de nos parents détermine lourdement notre capacité à devenir leader ou non
©EZRA SHAW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Petite réflexion de confinement

Une étude réalisée par des psychologues d'une université de Pékin sur treize écoles de la ville a montré que plus les parents étaient protecteurs envers leur enfant, plus leur potentiel de leadership était réduit. Comment peut-on expliquer ce phénomène ?

Agnès Delneufcourt

Agnès Delneufcourt

Agnès Delneufcourt est Psychologue du Travail & Gestalt Thérapeute du Lien 

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Atlantico.fr : Comment les relations parents / enfants peuvent-elles influencer sur les relations que nos enfants entretiennent avec leurs camarades ? 

Agnès Delneufcourt : Les modèles parentaux sont les premiers référentiels pour l’enfant. Il va s’en imprégner sans autre élément de comparaison au départ. Les valeurs, les modes de communication du système familial vont être les modèles pour l’enfant, qui risque fort dans un premier temps de les reproduire au dehors. Il peut tout autant observer d’autres modalités qui vont soit s’agréger au modèle de base, soit venir bousculer ou perturber le modèle de base, selon là encore, la capacité des parents à accueillir les différents modèles, à les expliciter à leurs enfants, afin qu’ils puissent développer leur propre esprit critique Il est également possible qu’un modèle systémique où l’enfant ne peut s’exprimer, soumis au pouvoir parental, l’enfant pourra alors développer soit une soumission au système, soit au contraire une rébellion qui va passer par l’agressivité au dehors. Une agressivité qui dans sa polarité « saine » peut se déployer dans la créativité par exemple ou dans des métiers ou trajectoires où l’individu sera toujours sensible à pouvoir trouver sa place et à la défendre. Dans sa polarité plus négative, l’agressivité peut se retourner contre soi, dans une posture de repli et de retrait au monde et à l’autre. Je vois que ma démonstration est assez binaire. Soumission ou rébellion. Il y a aussi d’autres voies, médianes, où l’enfant peut intégrer les deux modèles et trouver en lui-même, le modèle qui lui ressemble le plus, par une appropriation des deux, et du coup en créant un troisième, qui serait plus que la somme des parties. 

Une étude réalisée par des psychologues de l'Université normale de Pékin sur 13 écoles de la ville a montré que, plus les parents étaient protecteurs envers leur enfant, plus leur potentiel de leadership était réduit. Comment peut-on expliquer cela ? 

L’autonomie s’acquiert par l’expérience de la frustration, de l’absence et de l’échec. Si le parent, à chacune de ses expériences a tendance à penser, à ne pas accueillir la frustration de l’enfant, il pourra favoriser une vision du monde pour l’enfant, où l’échec n’existe pas ou peu, car régulièrement, adouci, par le parent. L’enfant a une vision du monde « tronquée » où il ne connait que le « bon » et fait peu l’expérience du « mauvais » ou plus exactement de l’imparfait. Car le monde est fait d’expériences réussies parfois, ratées parfois, toujours imparfaites. L’autonomie pourrait donc, être la capacité à intégrer l’imperfection, la différentiation et donc l’humilité et ce faisant, une capacité à s’ajuster aux changements et à l’impermanence, tranquillement et sans anxiété. Pour le dire autrement, une certaine plasticité au changement. Je ne saurais dire si le leadership est un critère d’adaptation aux changements. Selon moi, le leadership est une donnée « naturelle », un critère de personnalité, par nature. Le leadership n’est ni bon ni mauvais en soi et il est plutôt sain qu’il soit « harmonieusement » réparti. Dans chaque groupe (La dynamique des groupes restreints, Kurt Lewin-Didier Anzieu) il y a des personnalités, des fonctions et des rôles. Il est possible que le leadership d’un enfant soit « réprimé, contrôlé  et empêché » pour des raisons diverses. Il n’en demeure pas moins que l’enfant, pourra, probablement reconnecter ou redynamiser sa nature première, soit de manière ajustée, soit de manière plus inadaptée (de la simple rigidité à l’autoritarisme) ou dans un abus de pouvoir aléatoire (cadre et non cadre, jouant avec les limites). 

Un parent qui manque de confiance en lui a-t-il plus de probabilité de transmettre ce manque d’estime de soi à son enfant? 

Je n’ai aucune idée sur les statistiques en termes de probabilité de reproduction sur l’enfant. Je pourrais imaginer cependant au moins 3 stratégies possibles pour l’enfant. L’estime de soi fragilisée du parent peut à la fois nourrir l’envie chez l’enfant de faire différemment. De se différencier du parent. Si la différentiation est « radicale » et opposée, on pourra parler de fidélité inversée, où l’enfant pensant s’affranchir de ce qu’il ne veut pas ou plus, risque d’opter pour une stratégie d’être-au-monde téméraire par exemple ou de toute puissance, qui sera donc corrélée directement à son modèle de base, le parent, donc fidèle. D’un autre côté, il peut aussi être envahi et nourri par des introjects de valorisation faible qui ne lui permettront pas ou peu de s’affranchir de ces croyances, et il pourrait alors poursuivre le scénario/pattern parental, peu confiant en lui-même. Enfin, il peut aussi, être le parent de son propre parent, le « sauveur » visant à réparer le parent, et s’oubliant lui-même, il pourra / pourrait nourrir des stratégies de « sur-adaptation » où sa propre identité serait « gommée » au profit du parent. Dans les 3 cas… l’estime de soi ne se nourrit pas des bons sédiments à savoir, l’encouragement, le soutien, l’expérimentation des expériences qui elles, seules, permettent à l’enfant, soutenu par le regard ajusté du « bon parent » de sécuriser les enjeux d’estime de soi.  

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