Comment je suis devenu un sale Français ? Le jour où j'ai entendu qu'on criait dans la rue : "Juif, la France n’est pas à toi !"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Comment je suis devenu un sale Français ? Le jour où j'ai entendu qu'on criait dans la rue : "Juif, la France n’est pas à toi !"
©Reuters

Bonnes feuilles

"Pendant longtemps, je fus domicilié dans une de ces poupées-gigogne russes qui sont une et plusieurs à la fois. Une poupée juive, la plus grande, contenait une poupée communiste, plus petite, cette dernière abritant une poupée française, plus petite encore. Un jour de juillet 2014 la poupée tomba par terre et se brisa : des milliers de manifestants, je les ai entendus place de la Bastille, criaient « mort aux Juifs ! » dans les rues de Paris. J'ai réalisé alors que j'étais aussi un "sale Français", en plus d'être un "sale Juif". Extrait de "Comment je suis devenu un sale Français", de Benoît Rayski, publié aux Editions Du Rocher (1/2).

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

Voir la bio »

Un jour, la France, belle inconnue ou plutôt fiancée délaissée, est venue me chercher. Les hommes nouent avec l’histoire des contrats à durée déterminée, mais totalement aléatoires. Rien ne se décide pour eux. Aucune nécessité ne leur est imposée dans leur conduite. Le hasard les pousse sur un chemin. Et parfois, cette loterie du destin est remplacée par un effort prométhéen.

Le hasard… Claudel est à Notre-Dame, peu croyant, incroyant. Il entend le Magnificat. Et tombe les bras en croix, illuminé par la foi. Newton voit une pomme se détacher d’un pommier et découvre la loi de la gravitation. Archimède entre dans sa baignoire, voit le niveau de l’eau monter, comprend ce qu’est le volume et s’élance nu, et fou de joie, dans la rue en criant : Eurêka !

Le hasard vint à ma rencontre le 24 janvier 2014. Il s’appelait « Jour de colère » et n’avait rien, vraiment rien à voir avec les Dies irae des églises. Une manifestation assez hétéroclite dont certains participants avaient été mis en colère par les Juifs. Quelques centaines d’entre eux, encapuchonnés et encagoulés, s’élancèrent sur le pavé en criant :

– Juif, la France n’est pas à toi !

Du jamais-vu depuis les années trente…

Dieudonné et Soral avaient raclé les fonds de poubelles des banlieues et avaient trouvé leurs SA. « Juif, la France n’est pas à toi ! »… cela pouvait donc se crier. Une parole libérée après avoir été pendant si longtemps réduite au silence. Enfin du bonheur pour la canaille. Nombre de Juifs en souffrirent. Et certains d’entre eux envisagèrent de faire leurs valises. « Juif, la France n’est pas à toi ! » Non, elle n’était pas à moi. Mais c’était moi qui l’avais décrété. Et moi seul avais le droit de me le dire. Et voilà que la boue était sortie des égouts, le RER aidant. Que des êtres vils et bas osaient tenir le haut du pavé à Paris.

Jamais je ne m’étais senti autant insulté. Quoi, c’était « ça » qui allait décider ce à quoi j’avais droit ou pas ? C’était « ça » qui allait finir par croire que la France était à eux ? La France aux Français ? Non, la France aux crapules.

J’en tremblais. Pas de peur. De rage.

Le 13 juillet, donc pas très longtemps après, marqua le jour de mon basculement. J’étais une poupée russe. La plus grande était juive. Elle en comptait une autre plus petite, peinte en rouge. Et à l’intérieur de cette dernière, une toute petite estampillée « France ». La toute petite se mit à grossir, à grossir. La juive et la rouge prirent place dans son ventre.

Extrait de "Comment je suis devenu un sale Français", de Benoît Rayski, publié aux Editions Du Rocher, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

>>>> Lire aussi l'entretien avec l'auteur : Benoît Rayski : “Nous sommes tous des sales Français”

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !