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Comment François Bayrou espère reconstruire le centre avec (ou malgré ?) Alain Juppé, Emmanuel Macron et l'UDI
©Reuters

Trou de souris

Qu'Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy soit désigné à l'issue de la primaire, le président du Modem aura une carte stratégique à jouer. Il espère pouvoir négocier de nombreux circonscriptions aux législatives afin de permettre au président élu de compter sur une large majorité. Le Modem a déjà sélectionné 400 candidats. Mais pour ça, il ne peut totalement s'effacer derrière Alain Juppé. D'autant que d'autres rêvent d'une OPA sur le centre.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Hollande, prêt à désintégrer Macron ? S'il y en a bien un à Paris, qui n'y croit pas c’est François Bayrou. Ho bien sur, tout en peaufinant le discours qu'il prononcera dimanche lors des universités de rentrée de son parti à Guidel, le maire de Pau observe avec le plus grand intérêt les tensions qui semblent se multiplier entre le Président et son ancien ministre. Un proche lui a raconté, dans le détail, les annulations qui se multiplient à l'approche du "sommet des réformistes européens" qui devait être l'heure de gloire d'Emmanuel Macron. Des annulations que ce proche pense être orchestrées par l’Élysée. Rien n'échappe à François Bayrou et pourtant. Il n'arrive pas à y croire. Il connaît si bien l'autre François. Ce fin tacticien, qui préparait si savamment les congrès du PS, ne peut avoir complètement abandonné l'idée d'utiliser Macron pour le tuer lui. "Ce qu'on pense, c'est que François Hollande met des bâtons dans les roues de Macron afin de le contenir tant que possible. Il aurait les moyens de le débrancher et il ne le fait pas car il sait qu'il lui sera utile si François est candidat", explique un proche.

Et voilà bien le drame de François Bayrou qui organise, ce week-end, ses dernières universités de rentrée avant la prochaine présidentielle. Coincé entre un Alain Juppé, qui a décidé de rester, pour le moment sur les terres modérées de la droite, une UDI affaiblie par ses divisions mais qui conserve encore un nombre d'élus important, et un Emmanuel Macron qui prétend jouer les passerelles entre la droite et la gauche, le président du Modem a bien du mal a se poser en grand maître du centre. Il le martèle pourtant : "Tant que je serai là, il n’y aura pas d’OPA sur le centre". Mais il sent bien que le danger rode, qu'ils sont nombreux à vouloir sa peau. François Hollande, bien sur, Emmanuel Macron mais aussi Nicolas Sarkozy qui se trouverait ainsi débarrassé d'un concurrent à droite. Pas facile d'être un caillou dans plusieurs chaussures.

Aussi le Bearnais se démène-t-il pour se faire entendre. Il parle, prend position, affirme qu'il soutiendra ardemment son ami Juppé, au risque parfois de nuire à ce dernier dont une partie des électeurs de droite n'ont pas compris son soutien à François Hollande en 2012. Il occupe le terrain qui a horreur du vide. Tente de barrer la route à Emmanuel Macron, de contenir Jean-Christophe Lagarde qui multiplie les déclarations d'amour à l'attention de l'ancien ministre de l’Économie quitte à froisser ses partenaires de l'UDI. Mais au Modem, cette main tendue fait sourire, "Jean-Christophe tente de profiter de la médiatisation de Macron pour braquer les projecteurs sur lui mais il ne soutiendra jamais quelqu'un de gauche alors que les députés de son parti se sont tous fait élire grâce au soutien de l'UMP à l'époque. S'il s'obstine, ils vont tous le lâcher", commente un proche du président du Modem.

François Bayrou s'agite donc car il doit continuer à tracer son sillon. Il doit exister coûte que coûte en attendant novembre et le résultat de la primaire car, si Nicolas Sarkozy, l'emporte il doit être en capacité d'annoncer sa candidature très vite. Il ne veut rien dire des préparatifs en cours, pour ne pas nuire à son ami Juppé mais il travaille et sera fin prêt le moment venu. Les universités de rentrée de Guidel devraient en être la démonstration. D'autre part, un essai devrait paraître en octobre chez Plon dans lequel il décrira "les conditions de la réforme du pays". Si Alain Juppé remporte la primaire, l'ouvrage servira de point de départ pour des négociations en vue d'un accord programmatique et politique. Un accord qui n'a rien d'évident car l’intérêt du maire de Bordeaux sera sans doute, à ce moment là, de se tourner vers la droite du parti, les soutiens de Nicolas Sarkozy, pour les attirer à lui. "Je sais déjà ce qui va se passer, si le score entre Alain et Nicolas est serré, les sarkozystes vont coller aux bask' de Juppé pour lui imposer leur idée", explique un proche du président du Modem.

François Bayrou va aussi devoir peser de tout son poids pour imposer ses candidat aux législatives. Marc Fesneau, secrétaire général du Modem, y travaille depuis le mois de mars. Aucune investiture n'a encore été accordée car le Modem considère que ça n'a aucun sens avant de connaître le résultat des primaires de la droite, mais 400 candidats ont été sélectionnés. "Ça ne veut pas dire qu’on n'en aura pas plus ou pas moins", explique Marc Fesneau. Tout dépendra de la discussion avec le candidat désigné. Une discussion qui promet d'être ardue avec l'un comme avec l'autre.

Si Nicolas Sarkozy l'emporte ? L'ancien Président aura, dans un premier mouvement, envie de tuer le Modem à qui il en veut toujours de ne pas l'avoir soutenu entre les deux tours de la présidentielle de 2012. Mais la candidature de François Bayrou pourrait le retenir. "Si François Bayrou fait un bon score, il sera obligé de discuter avec lui des investitures aux législatives et pas uniquement des 30 circonscriptions gelées", explique le secrétaire général du Modem. Mais il sera bien difficile de faire un bon score avec Emmanuel Macron en face. Avec Alain Juppé aussi la discussion pourrait bien être musclée car il va devoir rassurer les perdants, leur offrir des gages, pour gagner leur soutien, et donc des postes de député. Les grands perdants pourraient bien être les centristes.

Et pourtant François Bayrou a un rêve, refonder un centre fort, reforme la grande UDF. Il a déjeuné fin juillet avec Hervé Morin qui défend lui aussi la nécessité de "rassembler une force centrale pour faire contrepoids, à droite, aux Républicains". "Il faut au moins un groupe parlementaire UDI-Modem en commun. L'UDI n'a pas marché et, devant les événements, nous n'avons pas d'autre choix que de se réunir", confiait en juin au JDD le président centriste de la Normandie. Récemment, le président du Modem a aussi pris langue avec l'UDI afin de faire passer un message simple, on sera plus fort si on négocie ensemble mais pour ça il faut que nous soutenions le même candidat. La réponse ne fut pas claire. Mais depuis Jean-Christophe Lagarde a rencontré le maire de Bordeaux et laisse désormais sous-entendre qu’il pourrait annoncer sa préférence pour Alain Juppé ou pour François Fillon mi Octobre. Cela suffira-t-il à faire front commun ? Les proches de François Bayrou parient que, quelque soit le président élu, il le sera vraisemblablement face à Marine Le Pen par les électeurs de gauche et de droite. Il devra donc compter sur une large majorité dont le Modem espère bien être la charnière.

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