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Combien y a-t-il de soldats perdus de l’islamisme en France ?
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Mohamed Merah

Près de vingt ans après les derniers attentats islamistes, la France redécouvre une nouvelle forme de terrorisme radical. Qui sont les nouveaux djihadistes français ?

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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Atlantico : Après les assassinats commis par le djihadiste Mohamed Merah, sait-on combien de profils comparables pourrait compter le territoire national ?

Mathieu Guidère : C’est un profil exceptionnel à ce degré-là. Il ne peut y en avoir deux comme lui en France car ce personnage est exceptionnel à la fois par la détermination, le parcours, la manière de faire et de mourir ; c’est-à-dire non pas en se faisant exploser comme cela se fait la plupart du temps. On doit être très précis. Mohamed Merah s’est proclamé comme moudjahid, c’est donc un djihadiste revendiqué qui sait ce qu’il fait. On devra attendre quelques années avant d’en avoir un autre ! Il me fait penser au Khaled Kelkal des années 1990.

Combien sont-ils si on élargit le profil-type à ces jeunes qui voyagent dans des pays où l'islamisme radical est particulièrement présent ?

Le chiffre s'élèverait à une dizaine de jeunes, chaque année. Et encore, tous n’arrivent pas à destination. Mohamed Merah, par exemple, a dû faire deux tentatives et à chaque fois il n’a pas pu rester longtemps.

Est-on sûr d’ailleurs qu’il ait pu suivre un entraînement dans l'un de ces pays ?

Non, rien n’est moins sûr. Mais a priori, son expertise - je veux parler de son degré de maniement des armes, son sang-froid et son goût pour la planification - laisse à penser qu’il a au moins fait un camp d'entraînement de quelques semaines. 

Les camps djihadistes d’Al-Qaida forment de deux manières. Soit la formation au martyr, pour devenir kamikaze en se faisant exploser dans une voiture ou avec une ceinture. Soit la formation de combattant, de moudjahid qui meure les armes à la main. Il est clair qu’il a reçu la seconde formation. 

N'a-t-il pas été perdu par un peu d'amateurisme ?

Peut-être a-t-il  péché par excès de zèle en voulant coller à l’étiquette du djihadiste d’Al-Qaida, selon laquelle on l’a formé. Il voulait tellement être dans le profil en utilisant le symbolisme des dates, des cibles, le mode opérationnel spectaculaire, etc. qu’il en a trop fait alors qu’il aurait pu rester non détectable.

Y-a-t-il d’autres djihadistes sur le territoire national ?

On doit établir des cercles concentriques. Si on prend, par exemple, la région Midi-Pyrénées, on peut considérer qu’il y a(vait) un Mohamed Merah. Selon le ministère de l’Intérieur, on a, en gros, une dizaine de djihadistes, 150 salafistes et potentiellement 500 islamistes qui pourraient éventuellement devenir salafistes ou grossir les rangs d’islamistes qui ont la haine de la France…

Ce type de djhiadisme est-il une exception française ?

Non, ce n’est pas une spécificité française. Les djihadistes allemands arrivent largement devant nous – y compris pour aller se former dans les camps. En Europe, la Grande-Bretagne a globalement le même problème que la France en termes de volume. Mais on a surtout des candidats aux Etats-Unis : on s’en est rendu compte de manière spectaculaire avec Nidal Hasan et la tuerie qu’il a perpétrée dans la base militaire de Fort Hood en 2009…

Quelles leçons tirez-vous donc de cette tuerie ?

On est entré dans le terrorisme de la troisième génération. La première se rapportait aux moudjahidin qui se battaient pendant la guerre d’Afghanistan contre les soldats soviétiques. Puis, on a eu la seconde génération avec Ben Laden et l’attentat du 11 Septembre. La troisième génération repose sur des individus qui s’auto-radicalisent et n’ont pas forcément de liens avec une organisation comme Al-Qaida. Nous verrons si c’est le début d’un nouveau terrorisme ou si on prend des mesures pour s’y opposer.

 Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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