Charlie Hebdo : "Le déni et la complaisance tuent"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Sous couvert de lutte contre le racisme, la classe politique a tout cédé, autorisé, et même justifié."
"Sous couvert de lutte contre le racisme, la classe politique a tout cédé, autorisé, et même justifié."
©Reuters

L'enfer est pavé de bonnes intentions

Pour Zohra Bitan, auteur de "Cette gauche qui nous désintègre", "sous couvert de lutte contre le racisme, la classe politique a tout cédé, autorisé, et même justifié." On en voit aujourd'hui le résultat.

Zohra Bitan

Zohra Bitan

Membre fondatrice de La Transition, Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l'opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Militante associative (lutte contre la misère intellectuelle et Éducation), elle est l'auteur de Cette gauche qui nous désintègre, Editions François Bourin, 2014.

 
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La tristesse est encore imprimée dans mon cœur, mon cerveau, tout mon corps… la colère aussi m’a envahie, submergée, telle un tsunami qui arrive brusquement, sans crier gare.

Je suis Charlie, c’est vrai, … mais je suis Zohra aussi, et je ne suis pas plus touchée que n’importe quel  Français dans notre pays, mais je suis probablement plus en colère que beaucoup.

Lire également : Charlie Hebdo : qui est l’ennemi ? Ce qu’il faut comprendre de l’islam pour sortir de la grande confusion intellectuelle ambiante

Je me suis aventurée à écrire un livre, tiré de mon expérience, pour raconter combien l’enfer est pavé de bonnes intentions quand la gauche prétend protéger les plus vulnérables, les habitants des quartiers populaires.

J’ai tenté d’en découdre avec les idées toutes faites, celles de la bien-pensance, dont les soi-disant bienfaits nous promettaient un vivre ensemble extraordinaire.

J’ai baigné dans les cités depuis l’âge de 16 ans, moi qui ai grandi dans une maison située dans une petite rue pavillonnaire de la banlieue parisienne.

Mais qu’est-ce qui a bien pu me prendre d’aller aider à l’intégration avec autant de détermination et de conviction ? Tout simplement, les jeunes, et en particulier les garçons. J’ai toujours su, parce que je l’ai vécu, qu’en travaillant auprès d’eux pour qu’ils se cultivent, réussissent, s’intègrent, aiment leur pays, ils en récolteraient les fruits, pour eux, et pour notre pays aussi.

Alors, j’ai pris mon bâton de pèlerin, et pendant des années j’ai multiplié mes actions de fourmi, seule ou dans des organisations. Rien ne m’a jamais arrêté, pas une discussion au bas d’une tour, un café à la maison avec un ou plusieurs jeunes, une halte devant un lycée, pour leur mettre autre chose dans la tête que des idées qui les excluraient, voire les tueraient peut-être un jour ou l’autre.

J’ai voulu, au travers de mon  parcours, raconter que la fermeté à l’égard de ces jeunes est une marque de respect ; la complaisance une forme de mépris.

Aujourd’hui, je suis en colère, très en colère. Sous couvert de lutte contre le racisme, la classe politique a tout cédé, autorisé, et même justifié. C’est irresponsable, dangereux, et nous pouvons tous  en constater et déplorer le résultat.

Quand la république, la démocratie, nos valeurs, la paix ne remplissent pas les cerveaux, ces derniers restent disponibles pour être remplis de haine, de revanche, de frustration, d’aigreur.

Je ne vous parle pas depuis un salon feutré, dans lequel l’indignation viendrait à l’occasion d’un reportage, d’une émission, d’un livre,… Non, je vous parle de mon vécu, de mes tripes, de mon parcours, de mes expériences dans la proximité quotidienne de la banlieue.

Je ne cesse de dire, de clamer, d’écrire, que pour protéger la majorité silencieuse, il faut être clair et intransigeant avec la minorité agissante qui s’attaque à notre pays, la France, et à nos valeurs, celles de la République. Mais ce discours est encore pris pour une stigmatisation, et je suis même accusée de faire le lit du FN.

Je suis en colère aussi contre cette presse qui ne tend ses micros que pour entendre ce qui l’arrange ; cette presse qui se prétend du côté des "pauvres français issus de l’immigration", face aux "méchants blancs racistes" ; elle est tout aussi responsable que la classe politique ; il y a le déni, et il y a la propagande bienpensante ; tout cela fait un cocktail explosif.

Je ne suis pas une politicienne, qui raconterait ce qu’il faut dire pour rentrer dans le moule d’une classe politique qui manque d’honnêteté, de courage, et qui est souvent lâche, voire traitre à ses prétendues valeurs.

Mon engagement trouve sa source dans mon enfance, quand je n’avais que 8 ans. Je lisais beaucoup, dans les coins que je me trouvais pour être tranquille, et un jour je m’étais juré que si je restais pauvre dans mes poches, je ne le serais jamais dans ma tête. Ma croisade commença ainsi, et prit son envol lorsque j’ai mesuré, y compris dans ma propre famille, la souffrance des mères de garçons délinquants.

Notre pays est en deuil, et moi avec lui ; et je pense aussi à mon père, ma mère, à leur sagesse, à leur islam qui restait dans le domaine de l’intime, à leurs traditions et à leur communion avec la France. J’ai lu, toute mon enfance, les magazines "La vie" et "le Pèlerin" grâce à frère Jérôme, ami de mon père, et qui nous rendait visite tous les dimanches. Je restais auprès d’eux pour traduire à cet ami, prêtre catholique, ce que lui disait mon père, qui ne parlait pas le Français. C’est dans cet esprit de tolérance, d’ouverture et de respect que j’ai été éduquée.

J’ai assisté durant des années à l’évolution de l’éducation en banlieue, et même si les bonnes volontés et les gens sincères se comptent par milliers, l’achat de la paix sociale par la classe politique a tué leur travail.

Mais je connais aussi dans ces banlieues des jeunes sans histoires, sérieux, avec des parents exemplaires, qui se battent au quotidien pour survivre à l’exclusion due à l’amalgame. Leur punition est multiple. Ce sont eux que j’ai toujours voulu protéger, défendre, valoriser, et faire communier avec la France ; La classe politique, et en particulier le PS, m’en ont toujours empêchée, parce que vivre sur de l’indignation les a toujours contentés ; que deviendraient-ils sans elle ?

Nous avons connu les "grands frères", les animateurs BAFA, puis lentement, des religieux sont arrivés et ont récupéré le vide des vies, des cerveaux, des avenirs. Ils ont ensuite lessivé par leur prosélytisme toute envie de faire partie de la communauté nationale.

Les tribunaux relâchent trop souvent des gosses délinquants précoces, faute de vraies structures d’accueil ; pas des structures genre Club Med, non, des endroits où l’éducation est sans concession, respectueuse, ferme et efficace ; comment un juge au fait des réalités peut-il supporter cela ? Il est lui aussi, tout comme moi, spectateur sans solution.

Ceux qui ont entretenu et utilisé l’alibi de la justification sociale pour justifier leurs thèses devraient nous expliquer comment ils élèvent et éduquent leur propre progéniture… Avec des principes certainement différents de ceux qu’ils appliquent aux enfants des banlieues, comme si les règles n’étaient valables que pour les enfants des autres, et pas dans l’engagement personnel de chacun, surtout quand il a des responsabilités.

Et pour coller à une pédagogie moderne, rendons les règles élémentaires de l’éducation obsolètes, ringardes. Le rap comme expression de liberté pour nos ados, nos enfants. Le "nique ta mère" devenu une institution culturelle et communautaire, un étendard de la diversité, presque l’hymne du vivre ensemble.

La nostalgie du passé peut avoir un goût amer, mais il est des valeurs, des règles, des principes, des politesses qui peuvent traverser le temps, et rester universels sans jamais devenir ringards.

Je ne me suis battue, et je me bats encore pour que l’éducation soit le centre de l’action nationale, la base de notre système social. Mais pas l’éducation faite par des gens qui se sentiraient coupables de n’être ni pauvre, ni noir, ni arabe, et se croiraient autorisés à tout céder à ceux qu’ils ont la charge d’éduquer, voire de pleurer à leur place.

Enfin, pour se démarquer du FN, tiens-donc, allons-y avec nos politiques, rendons la fierté d’être français honteuse, et faisons du patriotisme, par la même occasion, une insulte !

Est-ce un recul, une insulte, une mise en danger, que de dire qu’il y a vrai un échec de l’intégration, même si il reste quantitativement relatif ? Est-ce un crime de dire que des tas de jeunes, et de moins jeunes, ne se reconnaissent plus dans la République, son histoire, son patrimoine, ses valeurs, et mettent alors leur religion au-dessus de tout cela, quand ce n’est pas le pays d’origine de leurs parents ou grands parents ?

Faut-il continuer de taire ces vérités, pour que s’engraissent et se développent amalgames et stigmatisations pour la majorité d’entre nous, français "issus de l’immigration" ?

Je ne fais certainement pas partie de ceux qui pensent que l’Etat doit et peut tout, mais il est, et doit rester le garant des orientations pour le pays, pour son peuple, et c’est lui qui doit indiquer le chemin. Mais le pouvoir politique a préféré soigner sa culpabilité d’avoir été colon, colonisateur, et rembourser sa dette à coups de mesures pour les banlieues. Et quelles mesures ?  Celles qui maintiennent en sous-développement, à l’écart de la société, dans son ghetto, sa cité, loin des centres villes ! C’est ce cocktail diabolique que nous payons aujourd’hui.

Ils n’ont jamais voulu que nous fassions la France ensemble ; ils ont voulu une France pour chaque communauté, dans son coin, avec son histoire, ses souffrances. J’aurais aimé la France pour tous, pour chacun de nous ; la classe politique ne nous aura donné qu’un pays du chacun pour soi !

La France est une chance pour moi, je le dis et je l’écris depuis des années… Mais ce que j’aime dans ce pays, sa liberté, celle de la femme surtout, mais pas seulement, semble aujourd’hui si compromis…

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