Cette troisième voie non explorée qui pourrait aider à l’émergence de la paix en Ukraine (2e partie)<!-- --> | Atlantico.fr
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Volodymyr Zelensky.
Volodymyr Zelensky.
©Sergei SUPINSKY / AFP

Conflit en Ukraine

Leonardo Dini, déjà interrogé il y a plusieurs mois dans Atlantico, vit à Lviv depuis le 24 février 2022 en tant qu’observateur géopolitique de terrain et soutien à la résistance ukrainienne face à l'agression russe. Philosophe du droit, expert en politique nationale et internationale, il enseigne la philosophie, éthique économique à l’Université ukrainienne de Lviv. Dans cet entretien, il fait le point avec Alexandre del Valle sur l’évolution de la situation sur le front ukrainien qu’il suit de près chaque jour sur le terrain.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Leonardo Dini

Leonardo Dini

Leonardo Dini est philosophe du droit, expert en politique nationale et internationale. Il est également auteur de plusieurs ouvrages.

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Vous pouvez retrouver la première partie de l'entretien ICI.

Alexandre del Valle : Quelles sont les nouveautés dans la guerre russo-ukrainienne ?

Leonardo Dini : Je commencerai par dire, à propos de l’actualité de la guerre en cours, que la vraie nouvelle de ces jours est le remplacement de Patroushev, destiné à un autre poste, par Choïgou  désormais à la tête du Conseil de Sécurité russe et l’étrange remplacement de Choïgou par l’économiste Andrej Belousov en tant que nouveau ministre en matière de défense : ce tournant apparaît comme une victoire des intérêts financiers russes sur les intérêts militaires.

Je voudrai souligner que l’autre nouveauté est le rôle tactique stratégique de la Biélorussie : comme nous l’avions prévu. A l’heure actuelle, la Biélorussie, avec ses ogives nucléaires tactiques, assume un rôle non secondaire de meneur de jeu dans la dissuasion stratégique tactique russe.

Et j’ajoute que la cible des Russes, déclarée par Poutine, est d’éloigner le plus possible la ligne de contact militaire du front avec les Ukraimens des frontiéres russes, en vue d’un éventuel dialogue de médiation en 2025.

Enfin, la troisième nouveauté est le rôle prioritaire de Kharkhiv pour les Russes: Kharkhiv risque donc désormais d’être un nouveau Marioupol, c’est-à-dire dévasté, en ce sens cette ville devient symboliquement l’équivalent de Stalingrad pour la résistance ukrainienne, lors du siège historique de Stalingrad.

Après le vote par le congrès américain de l’aide de 61 milliards à l’Ukraine, certains affirment qu’une fois les Ukrainiens mieux capables de tenir leur ligne de défense, une trêve sera plus plausible. D’autres au contraire affirment que la paix, que Moscou croyait proche en raison de la reddition ukrainienne imminente, s’éloigne avec cette aide ? A quel moment pensez-vous que la paix sera envisageable, ou du moins une déconfliction et un cessez-le-feu ?

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Il s’agit d’une inconnue importante. Le président turc Erdogan a réitéré ces derniers jours sa volonté de servir de médiateur entre les parties à cette fin. Il est certain qu’une trêve ou la reprise du dialogue sont un objectif important, tant pour Erdogan que pour Poutine et Zelensky, lesquels pourraient redonner une vie normale à deux peuples continuellement mobilisés en masse depuis deux ans. Le problème est de savoir si et dans quelle mesure une trêve ou une reprise formelle des négociations à ce stade conviennent aux Russes et aux Ukrainiens. Rien n’est moins sûr, surtout depuis le vote au Congrès américain.

Plusieurs offres de soutien et d’intermédiation ont lieu dans des lieux neutres comme la Turquie ou la Suisse, voire l’Arabie saoudite, ou encore aux frontières entre la Russie et l'Ukraine, de façon plus technique, comme on l’a vu notamment avec l'échange substantiel de prisonniers qui ont eu lieu à l'occasion de Noël et du début de l'année 2024. Un signal positif  à ne pas négliger. La souffrance des familles et des deux peuples, comme dans toute guerre, produit une forcément pression sur le pouvoir politique, tant du côté russe que du côté ukrainien. Tout le monde n'est pas prêt à devenir un héros au nom d'un autocrate ou d'un patriarche russe, pour  étendre la “Nova Rossiija”, ou, de l'autre côté, pour “protéger l'Europe”… et les intérêts américains en Ukraine puis l’intégralité territoriale de régions russes d’Ukraine.

Depuis mon domicile, à Lviv, je vois depuis des mois de plus en plus de corbillards défiler dans les rues et ramenant des cadavres de militaires ukrainiens morts au combat…

Quid de la diplomatie occidentale et des autres puissances ? 

Le coup de théâtre d'une trêve surprise ne peut certes pas être exclu, mais ce qui ressort depuis des mois, c'est la véritable défaite de la diplomatie internationale, celle du multilatéralisme, complètement absente depuis le début de la guerre. Au début de la guerre, la nécessité d'un dialogue direct et sans tabou entre Poutine et Zelensky avait été soulignée, laquelle pouvait être conduite par la Turquie d’Erdogan, par Israël, par l’Arabie saoudite, voire par la Chine, sur laquelle nous reviendrons car elle a de bonnes relations avec les deux ennemis slaves, notamment économiques, ou encore par la Suisse, sans oublier le siège du Conseil des droits de l’Homme de l'ONU en Genève. Mais cela est resté lettre morte, et la Suisse est moins neutre que jadis. Il faudrait en fait préparer un nouveau Yalta en répétant la méthode des accords de 1945, en Crimée, ceci dans le but de reconstruire l'architecture mondiale de sécurité. Russes, Chinois, Européens, Américains et Ukrainiens doivent s'asseoir à nouveau ensemble à la même table sans attendre une Troisième Guerre mondiale dévastatrice pour tout le monde... Hélas, on en est assez loin, et personne ne semble vouloir prendre en compte le point de vue et les préoccupations sécuritaires de l’autre camp, de sorte que seules les armes peuvent parler et l’issue de la guerre décider des futurs rapports de force et architectures de sécurité…

En outre, je souligne - en tant que philosophe de l’éthique - le caractère manifestement immoral qui consiste à faire comme si de rien n’était : par exemple, les oligarques ukrainiens et russes continuent joyeusement à faire des affaires à Dubaï et dans les paradis fiscaux, même entre eux parfois ! ainsi qu'avec les Turcs, les Arabes, les Chinois et les Américains, tandis que leur peuple souffre et est en crise...

Du côté des élections ukrainiennes, confirmez-vous que l'autorité morale de Zelensky est fortement remise en cause ainsi que l'hypothèse d'une paix avec des concessions territoriales négociées par ses deux principaux concurrents politiques, le très populaire général Valery Fedorovyč. Zalouzhnij (commandant des forces armées ukrainiennes à partir de 2021) et Andrij Yermak, le puissant conseiller politique de Zelensky. Le scénario des prochaines élections ukrainiennes se déroulera-t-il autour de ces trois candidats ?

Commençons par dire qu'un scénario post-Zelensky commence à se profiler :  le président   est fatigué, c'est normal, après deux ans de guerre, tout comme Poutine, bien que les deux se montrent en “athlètes politiques”, mais ils ressemblent de plus en plus à deux boxeurs exténués. Toutefois, la situation des successions respectives possibles est asymétrique. La Russie, habituée à un maître-père de la Nation comme les figures tsaristes ou des despotes orientaux, a vu son prédisent-tsar Poutine réélu, et de fait potentiellement en place jusqu'en 2035. La seule alternative était la candidate indépendante, Yekaterina Duntsova, dans la phase préélectorale, puis d'Alexeï Navalny, « neutralisé » en zone arctique, puis mort dans les circonstances tragiques que l’on sait. Dans le même temps, la seule nouvelle en provenance de Moscou est la création d'une garde privée de 15000 hommes pour défendre Poutine, sur le modèle du système de protection du dictateur biélorusse Loukachenko. Paradoxalement, dans ce cas, Vladimir Poutine, malgré lui, semble imiter l'armée privée de Prigozhin, mais avec d'autres moyens. Et le régime du Kremlin, oligarco-poutinien, bénéficie d’une stabilité remarquable impossible en démocratie.

L'Ukraine, en revanche, est formellement et substantiellement une démocratie parlementaire depuis 1991, malgré ses hauts et ses bas. Et elle a le double besoin futur d'avoir un leadership capable de construire la paix et de se présenter à l'Europe avec au moins une caste politique en apparence moins corrompue et plus convenable… Les candidatures alternatives à Zelensky misent sur ces atouts, certes purement hypothétiques pour l'instant, mais hautement capitalisables lorsqu’auront lieu les élections présidentielles ukrainiennes reportées à cause de la guerre.

Parmi les challengers, se distingue la figure d'Andrij Yermak, éminence grise du gouvernement de Kiev, considéré pour ses compétences politiques comme le décideur le plus efficace et comme un homme de liaison avec les puissances occidentales. Discuté et critiqué par les citoyens et par les hommes politiques ukrainiens eux-mêmes, Yermak est en train de construire, selon les observateurs occidentaux et nationaux, sa nouvelle oligarchie personnelle, une alternative à celle de Zelensky et à celle des financiers-oligarques ukrainiens traditionnels qui ont fui honteusement Kiev au début de la guerre, en 2022, avec d’ailleurs  un avion offert par le magnat russe Abramovich...

Ce n'est pas un hasard si Yermak a déclaré  textuellement, le 17 août 2023, au journal italien La Repubblica : « en Ukraine, nous savons que nous devons “négocier pour obtenir la paix et la victoire. Négocier avec Washington mais aussi avec Ankara et Moscou, si nécessaire”.

L'autre concurrent de Zelensky, le général Valeri Zalouzhnij, devenu ambassadeur en Grande Bretagne, est déjà en fait un héros national pour sa gestion de la guerre, plus que décente, si on la compare aux méthodes de Shoigu et Gherassimov en Russie... Par conséquent, Zalouzhnij a non seulement déjà dans les faits un rôle indirectement politique, mais il a la possibilité, comme Eisenhower en Amérique  après la Seconde Guerre mondiale et comme De Gaulle en France dans la seconde moitié du 20ème siècle, de se poser en “nouveau leader” capable de gérer la victoire, la défaite ou la négociation de paix, selon l'issue du conflit.

Au sujet des concessions territoriales, après avoir eu des discussions approfondies avec divers ambassadeurs, des généraux de l'OTAN, des hommes politiques ukrainiens et des experts en politique internationale, je suis arrivé à la conclusion que, malheureusement, les intérêts mondiaux, dans un monde globalisé, exactement comme cela s'est produit lors de la division du Rideau de Fer entre l’Est et l’Ouest, seront prédominants dans la période d’après-guerre, si et quand il y en aura une. L’Ukraine était et reste le point final de la Route de la Soie (BRI) des Chinois qui demeurent les plus grands investisseurs en Ukraine, malgré la guerre et malgré leur proximité avec Moscou, ce qui leur donne potentiellement un rôle important de faiseurs de paix ou maître des horloges.

Quant à la Turquie, elle possède et maintient, tout comme l'Arabie saoudite, des atouts et des intérêts économiques importants en Ukraine, dans des secteurs clés de l'économie ukrainienne. Les investissements américains controversés en Ukraine (je me souviens du cas de Hunter Biden), ont en fait remplacé, avec les investissements européens, ceux des Russes de l’époque soviétique. L'économie et la finance de l'Ukraine ne se sont donc pas émancipées de l'aide extérieure.

Pour revenir aux termes d’une négociation, la contrepartie de la Crimée revenue aux Ukrainiens  pourrait être, en cas de réussite militaire ukrainienne sur le pont de Kertch et la Crimée, de plus en plus vulnérables à cause des drones et missiles occidentaux de plus en plus efficaces livrés aux Ukrainiens, le maintien du Donbass aux Russes, ce qui reviendrait à une fin shakespearienne” : « Beaucoup de bruit pour rien » … et trop de morts pour rien. Ce plan proposerait donc à nouveau la “cession russe” de la Crimée aux Ukrainiens, déjà effectuée par Khroutchev en 1954, en échange de la création du Donbass comme district industriel conçu par Lénine. 

Apparemment, l'économie de guerre russe serait à son maximum, mais certains disent que la Russie se prépare à une guerre asymétrique longue avec l'Occident, économico-politique, idéologique, cybernétique, voire conventionnelle (avec l’OTAN), pensez-vous que les alliés de la Russie et le « Sud Global » ainsi que « l’Est marxiste ou ex-soviétique vont faire bloc face à l’Occident dans ce contexte ?

La réponse réside dans un chiffre substantiel : les investissements mutuels et les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine ont dépassé les 200 milliards de dollars en 2023 et ont été supérieurs aux attentes. C’est pourquoi les accords dits de Pékin et de Vladivostok, entre Poutine et Xi Jinping, et pas seulement sur les flux de gaz, fonctionnent, de sorte que l’économie russe résiste malgré les sanctions qui, comme cela arrive toujours dans l’histoire, sont des armes économiques inefficaces. A cet égard, il sera intéressant de voir ce qui ressortira de la prochaine réunion financière internationale à Davos, en Suisse, qui fait chaque année le point sur la situation mondiale. Confrontés au verdict du système financier et du marché privé mondial, les dirigeants tels que Poutine ou Biden, ont élaboré, des années avant “l’opération spéciale”, des plans napoléoniens pour une révolution mondiale, par le biais d’une guerre à grande échelle, chacun pour un camp antagoniste. La finance et la politique, à l'échelle mondiale, ont divorcé depuis un certain temps déjà, et ce ne sera certainement pas la guerre en Ukraine qui rapprochera les deux. Le phénomène de “démondialisation” et de désoccidentalisation » est largement en cours.

La livraison de matériel militaire anti-avions par les Occidentaux et l'arrivée des F16 vont-elles changer la donne et permettre aux Ukrainiens de reprendre leurs territoires ? 

Je vais vous répondre par un fait simple : il y a quelques jours, des responsables militaires américains ont annoncé que la formation militaire des pilotes ukrainiens se terminerait en 2025 aux États-Unis, par coïncidence l'année de l'éventuelle réélection de Trump. Cette élection, qui sera marquée pour Trump par le sujet de la paix avec son associé et "ami" d'affaires Poutine, coïncidera par hasard avec un choix qui n'a que deux options : soit une guerre mondiale totale et chaude, de tous contre tous, soit une paix planifiée initiée autour d’une table dès maintenant, donc nécessairement négociée en vendant l'âme de l’Ukraine au marché des équilibres multilatéraux mondiaux…

Tout cela, en tant que philosophe et en tant qu’observateur de la politique ukrainienne, russe internationale, est tout simplement horrible et inconvenant, mais telle est l’alternative du point de vue réaliste. Exactement comme lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui encore, des centaines de milliers, voire des millions de victimes risquent de devenir de simples chiffres ou “effets secondaires” à sacrifier sur l'autel de la vraie politique et des rivalités géopolitiques mondiales. Tant que l’espèce humaine et la société civile internationale continueront de tenir pour acquis que le monde est objectivement dirigé par des personnages fous et déséquilibrés dans la vie privée comme dans la vie publique, comme Poutine, Biden ou Trump, animés par leurs projets de domination néo-napoléoniens et leur autoréférentiels respectifs, le monde est toujours  destiné à de nouveaux massacres et guerres, même sans nouveaux Hitler ou sans nouveaux Staline. C’est pourquoi nous condamnons sans réserve la méthode consistant à jouer aux guerres d’extermination, juste pour redistribuer le pouvoir, l'influence et les intérêts financiers dans le monde, indépendamment de qui promeut ces méthodes archaïques de résolution des différends internationaux, c’est-à-dire inhumaines. Le même cynisme infrahumain se retrouve chez toutes les parties prenantes dans le conflit en Israël comme dans celui en Syrie.

En Ukraine, une plaisanterie sur les F16 est désormais fameuse : “ils ne seront opérationnels qu’après la paix et comme instrument de dissuasion à donner à l'Ukraine pour l'intégrer efficacement dans l'UE et l'OTAN sans craindre de nouvelles invasions ou attaques russes”. Ce cynisme “efficace” ressort à la fois des déclarations du Département d’État américain et des déclarations sur d’éventuelles négociations du ministre russe Lavrov.

Nous entendons en effet parler, côté occidental, des F16, de la formation des pilotes ukrainiens en cours, mais aux États-Unis, en Angleterre, en Norvège, en Roumanie, malgré l'évidente  bonne volonté de l'alliance anglo-norvégienne en soutien à l'Ukraine, ce sont des entraînements qui seront réellement achevés dans un futur hypothétique. Livrer le premier avion F16 européen en 2024 ne changera d’ailleurs pas le sort de la guerre et ne rendra pas possible la reconquête effective et définitive de la Crimée, ni la création nécessaire, depuis février 2022, d'une zone d'exclusion aérienne en Ukraine contre les avions militaires russes. Pendant ce temps, le front russe en Ukraine avance et des villes ukrainiennes comme Kharkiv, Zaporhizhia et Dnipropetrovsk sont en danger. Les Russes, profitant de la lenteur et de l'épuisement des approvisionnements en armes et munitions européennes (elles ne seront intégrées qu'en décembre 2024) et du blocage provoqué jusqu’à peu par le Congrès américain sur l'aide américaine, peuvent poursuivre leur offensive, jusqu'à présent et jusqu’à l’été 2024 au moins.

Les avions F16 ne seront opérationnels qu'en 2025, lorsque Trump sera probablement un président qui entendra abandonner les alliés de l'OTAN qui n'ont pas payé leurs contributions depuis un certain temps ou, même, faire sortir de manière sensationnelle l'Amérique de l'OTAN, laissant ainsi les Européens se défendre seuls et sans armée européenne commune, contre les Russes. Une situation tristement similaire à celle des premières invasions barbares de l'Empire romain dans l'Antiquité, lorsque les divisions internes et les luttes de pouvoir dans l'Empire romain favorisèrent l'avènement des invasions barbares. En outre, le vice-ministre russe de la Défense a récemment évoqué d'éventuels prochains combats russes dans la mer Arctique, où la Russie revendique le contrôle des îles norvégiennes depuis 1920 :  Svalbard. Cela coïncide avec la volonté de Poutine d'adopter des “mesures techniques militaires” envers les pays scandinaves après l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN. 

Quid de l’évolution de la résistance armée ukrainienne et de l’avancée russe ?

Le front ukrainien se transforme depuis des mois en une Ligne Maginot, en raison de nombreux facteurs négatifs : manque de munitions, non-promulgation par la Veekhovna Rada de la nouvelle loi pour la mobilisation de nouveaux soldats, lenteur dans l'activation des F16, désengagement progressif américain d'Ukraine qui pourrait être réactivé si un nouveau front de l'OTAN s'ouvrait à Taiwan en 2025. Il y a donc un besoin urgent de négociations diplomatiques   sur l'Ukraine en faveur d’une trêve entre l'Occident et la Russie qui ne soit pas   éphémère, ceci malgré l’aide américaine récemment votée qui est utile à l’Ukraine mais ne va pas changer fondamentalement la donne au point d’inverser l’évolution actuelle en faveur de l’armée russe, plus nombreuse, sur les terres. Le front maritime est certes plus victorieux pour les Ukrainiens, qui grâce aux radar, batteries anti-missiles, drones, drones sous-marins et autres dispositifs anglo-américains, ont cloué la flotte russe dans l’est de la mer Noire, mais les rapports de force sur terre dans le Donbass et bientôt même dans une partie du sud semblent favorables aux Russes.

C'est pourquoi, en conclusion, si, en 1800, Von Clausewitz affirmait que “la paix est la continuation de la guerre par d'autres moyens”, nous affirmons qu'aujourd'hui, au nom des droits de l'homme des deux peuples ukrainien et russe à vouloir vivre en paix, il est temps de passer des mots aux faits, de penser à la paix. Il ne s’agit pas d’attendre une fausse paix entre Trump, Poutine et Erdogan en 2025, qui ressemblerait tristement aux accords trahis de Camp David et d'Oslo au Moyen-Orient. Ni même un mauvais Yalta qui vendrait l'Ukraine aux Russes ou à l'Europe en échange d'une vie tranquille et d’une paix mondiale biaisée avalisant l’impérialisme territorial russe. Et encore moins d’une alternative cruelle de troisième guerre mondiale chaude et multilatérale qui, comme  le philosophe Karl Popper l'a rappelé après la Seconde Guerre mondiale, “reconstruirait la dignité humaine sur les décombres d'un conflit mondial”. Tout reste à inventer et à innover, et je pense qu’il existe une troisième voie entre la guerre totale et le compromis munichois, dilemme dangereux et dichotomie manichéenne desquels il est urgent de sortir, ce qui nécessitera, certes, beaucoup d’ingéniosité et de talents diplomatiques en plus d’un réalisme proactif. Cette troisième voie est celle qui a manqué le 24 février 2022 : celle d’une trêve, puis d’une paix, convenue par le dialogue entre Russes et Ukrainiens, entre les deux peuples, historiquement frères, donc des négociations directes, sans exploitation, sans « seigneuriage » inutile non-nécessaire des Américains, des Anglais ou des Chinois. De même, aujourd’hui, le chemin de la paix passera par la reprise du dialogue entre Russes et Ukrainiens, et il cela favorisera donc aussi la renaissance de l’Europe, en réalisant le rêve de De Gaulle, celui d’une Europe unie et pacifique, de l’Atlantique a l’Oural.

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